Une nouvelle édition très annotée de « Mein Kampf » de Adolf Hitler a été publiée en France mercredi 2 juin, dans le but de démonter son idéologie haineuse et antisémite à l'aide d'analyses d'experts et d'une nouvelle traduction qui rend mieux la prose confuse du texte original. Publié par Fayard, le livre crée une vive polémique tant en France qu’en Israël où le même jour était attendue la nouvelle de formation d’un nouveau gouvernement. Intitulé « Historiser le mal : une édition critique de Mein Kampf », s’étale sur près de 1 000 pages, avec deux fois plus de commentaires que de texte. Rien que son prix de 100 euros montre que ses auteurs ciblent un lectorat restreint : Les universitaires, les chercheurs et les enseignants. « Mein Kampf » ou « Mon combat », manifeste et mémoires du leader nazi, a d'abord été publié en deux volumes en 1925 et 1927 et a été interdit en Allemagne par les Alliés en 1945. Il n'a été officiellement publié dans ce pays qu'en 2016, lorsqu'une équipe de chercheurs et d'historiens a publié une édition de près de 2 000 pages comportant des milliers d'annotations, après l'expiration d'un droit d'auteur de 70 ans détenu par l'État de Bavière.

La version publiée en France mercredi est une adaptation étendue de cette édition, avec des contributions de plus d'une douzaine d'experts et d'historiens dirigés par Florent Brayard, historien français spécialiste du nazisme et de l'Holocauste, et Andreas Wirsching, directeur de l'Institut d'histoire contemporaine de Munich, qui avait dirigé les travaux sur la version allemande. Chacun des 27 chapitres est précédé d'une analyse introductive, et les écrits d'Hitler sont méticuleusement annotés, ligne par ligne, avec des commentaires qui démystifient les fausses déclarations et fournissent un contexte historique.

Fayard, qui a commencé à travailler sur le projet il y a dix ans, a déclaré que le livre était une «source fondamentale pour comprendre l'histoire du XXe siècle». A présent que « Mein Kampf » est accessible au public, disponible gratuitement en ligne avec peu ou pas de contexte, ou vendu par des éditeurs d'extrême droite, Fayard a fait valoir qu'il était urgent de publier une version critique qui déconstruirait le texte et se prémunirait contre les traductions grossières et non critiques qui circulent encore. «Pour savoir où nous allons, il est vital de comprendre d'où nous venons », a écrit Sophie de Closets, la directrice de Fayard, dans une lettre aux libraires expliquant le raisonnement qui sous-tend cette publication.

«Les historiens m'ont demandé de faire le contraire de ce qu'on fait d'habitude quand on traduit, c'est-à-dire de rendre le texte avec la totalité de ses défauts, de ses aberrations, de ses lourdeurs, et tel que les Allemands l'ont lu en 1926 quand il est sorti », a expliqué Olivier Mannoni mardi 1er juin dans La Matinale de la RTS. Fils d'un professeur d'allemand et d'une mère traductrice et critique littéraire, petit-fils d'un soldat tué par les Allemands, Olivier Mannoni a à son actif la traduction des plus grands auteurs de langue allemande, de Sigmund Freud à Stefan Zweig en passant par Franz Kafka. Le livre n’est disponible que sur commande spéciale en librairie, au prix de 100 euros, soit environ 120 dollars, et l'intégralité des recettes et des bénéfices des ventes sera reversée à la Fondation Auschwitz-Birkenau. Le tirage initial est d'environ 10 000 exemplaires dont quelques uns gratuits seront réservés aux bibliothèques publiques.

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