Abdellatif Jouahri à découvert

Abdellatif Jouahrie, le Wali de Bank Al Maghrib

Un wali de Bank Al Maghrib a-t-il le droit, au risque de s’éloigner de son périmètre d’intervention et installer le doute et la confusion, de dire publiquement ce qu’il pense des partis politiques ?

Abdellatif Jouahri s’est attiré les foudres des partis politiques pour les avoir attaqués lors de sa conférence de presse du 22 juin sur le thème de « la désaffection des électeurs », engendrée par « l’absence de confiance», provoquée à son tour par « la multiplication des promesses » rarement tenues. Tout à sa fougue habituelle, M. Jouahri s’est laissé un peu aller en qualifiant la classe politique de « zaater et bakour (Thym et figues pas mûres), soit des choses de peu de valeur qui s’apparentent à une insulte dans le dialecte marocain… Rien de nouveau, ni d’extraordinaire, en somme. Les partis politiques ici comme ailleurs sont souvent critiqués sur ces aspects-là ainsi que sur la perte de leur crédibilité et la faiblesse de leur mobilisation. Sauf que ces critiques dans la bouche d’un responsable de haut rang de l’envergure de M. Jouahri prennent une autre signification, car s’apparentant à une prise de position qu’il n’a pas à exprimer publiquement, devoir de réserve oblige. D’où la réaction indignée des partis politiques qui ont reproché vertement à M. Jouahri sa sortie pour le moins déplacée. Premier à réagir officiellement, le RNI a dénoncé dans un communiqué « une grave dérive » émanant du patron d’une « institution crédible » tout en faisant remarquer que les propos de banquier provoquent d’autant plus l’étonnement qu’ils interviennent dans un contexte préélectoral et qu’il est demandé aux Marocains de s’inscrire sur les listes électorales et de se rendre massivement aux urnes à grands renforts de campagnes de sensibilisation. Pour le parti de Aziz Akhannouch, les déclarations du wali de Bank Al Maghrib portent atteinte aux partis politiques et aux acteurs politiques, mais aussi aux institutions du pays et à ses choix démocratiques.

Ce n’est pas la première fois que Abdellatif Jouahri descend publiquement en flammes les partis politiques marocains. Celui dont le « taux d’échange » avec les journalistes est souvent très élevé, frôlant souvent  le dérapage avec des écarts de langages fâcheux,   s’est livré au même exercice lors de  son audition  en novembre 2020 par la commission des finances  comme l’a rappelé le Mouvement Damir dans un communiqué où il a exprimé son rejet « de la façon la plus ferme de propos qui se distinguent par leur caractère hautain et dédaigneux à l’égard de la classe politique marocaine ». Damir va plus loin en dénonçant le caractère populiste de tels propos qui « ne peuvent avoir pour vocation que de distraire l’opinion publique et de détourner son attention des vraies problématiques de la banque centrale que celle-ci n’arrive toujours pas à résoudre ». Et Damir de citer les nombreux dysfonctionnements de la politique de crédit, monétaire, macro et micro prudentielle du Maroc, l’atonie du crédit bancaire et les difficultés d’accès des TMPE aux financements ainsi que la facturation abusive de frais et commissions bancaires… En fait, Abdellatif Jouahri a raté une occasion de se taire en évitant d’empiéter avec des propos en plus vexatoires sur un domaine qui ne concerne nullement le périmètre d’intervention de l’institution qu’il dirige. A moins que l’ex-ministre des Finances de feu Hassan II, qui se distingue malgré son âge avancé par une santé éclatante, ne planifie son retour en politique. Auquel il doit agir à découvert…

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