Au secours, l’inflation fait des ravages !

Le Premier ministre Aziz Akhannouch face à une grande urgence sociale.

Recroquevillé sur ses convictions que l’inflation peut être combattu par le contrôle des prix et la subvention des transporteurs, l’exécutif ne semble pas prendre la véritable mesure de la gravité du phénomène.

Outil de base de toute politique monétaire, le taux directeur détermine la façon de dépenser et d’épargner des ménages. Et c’est cet outil que Abdellatif Jouahri a utilisé par trois fois successives, en l’espace de moins d’un an, pour tenter de maîtriser une inflation qui accélère et inquiète. Sans grand résultat jusqu’ici. Les prix de l’alimentation, qui pèsent lourd sur les ménages les plus précaires,  continuent de grimper (avec un rebond significatif à la veille du  Ramadan) dont le HCP a livré des indicateurs précis…

Dans son communiqué émis à l’issue de son conseil du 21 mars, Bank Al Maghrib indique que «l’inflation continue de s’accélérer sous l’effet notamment de chocs d’offre interne  sur certains produits alimentaires». Ces derniers sont principalement les légumes comme la tomate, l’oignon, la pomme de terre, la courgette et la carotte. Soit les ingrédients qui entrent dans la composition du tajine, principal plat des couches populaires. Si  ces dernières n’ont plus les moyens de s’offrir leur pitance quotidienne à des prix raisonnables, il y a un risque réel que les gens descendent dans la rue. Un smicard qui bouffe son salaire déjà maigre au bout de la première quinzaine du mois sous l’effet de la vie de plus en plus chère est plus enclin à manifester qu’un chômeur qui n’a pas de revenu du tout. Face à cette envolée des prix, le gouvernement a actionné le levier du contrôle des prix dans les marchés et celui de la chasse aux spéculateurs qui font dans la rétention des denrées alimentaires dans une logique de maîtrise du marché et d’augmentation excessive des prix. Amorcée tambour battant avant le mois sacré, cette opération s’est avérée peu concluante  puisqu’elle n’a pas contribué véritablement  à stabiliser les prix qui, après une certaine accalmie de deux semaines, ont connu une nouvelle flambée à la veille du mois sacré. Dans les marchés et autres souks, l’offre en diverses denrées alimentaires est abondante, les étals sont bien achalandés, mais  nombre de produits restent inaccessibles pour les porte-monnaie modestes. Les tarifs de certains légumes  comme l’avocat local, 50 DH le kilo ou les haricots verts, 30 DH, frisent l’indécence. L’oignon lui fait pleurer, autour de 16 DH. Les viandes rouges et blanches sont tout aussi inaccessibles pour les petites, voire bourses moyennes. Quant au poisson, il est en ce mois de ramadan tout simplement  hors de portée, affichant des prix astronomiques pour pratiquement toutes les espèces.

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Le tagine devient très cher, gare au brasier social !

La détresse  et la frustration se lisent dans le regard de nombre de citoyens qui doivent se priver de bien des choses… Fini le temps où la ménagère remplissait son panier de différentes victuailles.  Désormais, le temps est aux petites quantités… Dans les supermarchés, la facture de tous les produits y compris non alimentaires n’est pas plus raisonnable. En fait, le renchérissement n’affecte pas seulement l’alimentaire dans toutes ses déclinaisons (miel, confiture, café, beurre, fromage…), il concerne le reste des produits de consommation qu’ils soient de fabrication locale ou étrangère ainsi que tout un éventail de  biens et services. Dans les restaurants et les autres magasins, la facture est plus salée que d’habitude. Dans un pays où le commerce informel continue d’être prépondérant, tout le monde contribue à son petit niveau à alimenter cette tendance haussière des prix souvent injustifiée. Puisque l’ambiance  générale est  à «tout augmente, rien ne baisse», la fièvre des prix s’impose comme allant de soi. Tel vendeur d’ustensiles de cuisine de Derb Ghallef, par exemple, n’hésite pas à augmenter ses marges plus que de raison parce qu’il doit payer plus cher sa nourriture ou son carburant. Cette façon de faire pourrait pousser le pays vers une «spirale inflationniste entretenue», que Bank Al Maghrib, via le dernier relèvement à 3% de son taux directeur, veut prévenir pour qu’elle ne débouche pas sur une inflation élevée, étalée dans le temps et dont le coût politique en terme de paix sociale risque d’être plus élevé. On verra toutefois si la hausse du taux de refinancement des banques aboutira, comme l’espère Abdellatif Jouahri, à une réduction de la création monétaire connue pour provoquer une envolée des prix.

Le gouvernement, lui, ne l’entend pas de cette oreille, qui  pense que l’inflation est essentiellement importée. D’où son désaccord officieusement exprimé avec un taux directeur valorisé à 3% (contre 2,5% pour la Banque centrale européenne) de BAM. Cette  politique de resserrement monétaire est jugé le Premier ministre préjudiciable à l’investissement, la hausse du taux d’emprunt des banques commerciales étant de nature à induire une baisse d’activité.  Ce qui empêcherait l’exécutif d’atteindre ses objectifs de croissance et de création d’emplois. Ici, deux visions quant à la manière de lutter contre l’inflation s’affrontent. Mais c’est la banque des banques, institution indépendante, qui a le dernier mot. Recroquevillé sur ses convictions que l’inflation peut être combattu par le contrôle des prix et la subvention des transporteurs, l’exécutif ne semble pas prendre la véritable mesure de la gravité du phénomène qui nécessite des mesures concrètes fortes. Pour les viandes rouges par exemple, il faudrait agir sur le facteur principal à l’origine de leur flambée, en l’occurrence les prix des aliments pour bétail comme le son, la fève, la luzerne granulé ou la paille. Les prix de ces aliments, produits en interne, ont tous connu une hausse spectaculaire de leur prix. Un veau  de boucherie bouffe pour  près de 70 DH chaque jour que Dieu fait. Faites le calcul pour une période d’engraissement de 5 mois en moyenne et vous comprendrez pourquoi la viande du bovin et de l’ovin est devenue inabordable pour les couches défavorisées. Pas besoin d’être un grand expert économique pour comprendre que cette hausse globale des prix semble partie pour durer. Problème sérieux qui massacre au-delà du supportable le pouvoir d’achat de la population, l’inflation doit constituer la mère des priorités du gouvernement s’il veut éviter une explosion sociale…

Ode à la sempiternelle valse des prix quand vient le mois sacré

« Ce matin, je suis allée au marché mais, vu les prix affichés, je n’ai rien acheté. Ni fruits ni légumes ni viande hachée. J’avais déjà très mal aux poches rien que de savoir que le ramadan approche. J’ai juste profité de l’occasion pour présenter mes salutations les plus distinguées à toutes les stars des étals, tout fiers sur leur piédestal.

J’ai salué chaleureusement sa Majesté l’oignon, tout rond, tout mignon. Avec respect et humilité, je me suis découvert devant les majestueux haricots verts dont le prix ont atteint la stratosphère, ensuite j’ai dit bonjour à madame la tomate que son prix rendait rouge écarlate et en passant, j’ai fait des courbettes à Mademoiselle la courgette. J’ai soulevé ma calotte devant sa sainteté la carotte et pour détendre l’atmosphère, j’ai déclamé des vers devant sa seigneurie la pomme de terre.

J’ai présenté gentiment mes compliments à Monsieur le Piment mais je me suis tue devant Mademoiselle la laitue dont les prix étaient vraiment pointus. Et puis, toute à l’heure, une pauvre dame a éclaté en pleurs quand elle a vu le prix des choux-fleurs. Devant les oranges, j’avais un sentiment étrange. Vu leurs prix fantastiques j’ai pensé que c’était un fruit exotique qui nous vient tout droit de la lointaine Amérique. Quand j’ai vu le prix des dattes, c’est comme si j’avais reçu un uppercut ou une droite, je ne tenais plus sur mes pattes. Mais j’entends d’ici votre question. Non. Je ne suis pas passé devant le boucher. Non. Pas question. »

Auteur inconnu

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