La success story de Moncef Slaoui, loin d’être isolée, est celle de nombreux Marocains qui ont dû s’expatrier...

La success story de Moncef Slaoui, loin d’être isolée, est celle de nombreux Marocains qui ont dû s’expatrier pour trouver les voies de la réussite que leur pays natal ne leur offre pas pour de multiples raisons.


Le sentiment de fierté nationale est immense : un Marocain à la Maison Blanche ! C’est le fabuleux destin de Moncef Slaoui,  qui a été chargé vendredi 15 mai par Donald Trump de la mission la plus importante de la planète : trouver le plus vite possible, d’ici à fin 2020,  un vaccin anti-Covid-19 dans le cadre de l’opération «Ward speed» (Vitesse de la lumière). Les Marocains sont tout contents que la première puissance mondiale reconnaisse l’expertise d’un compatriote, un « Ould lblad» comme on dit dans le dialecte local en le bombardant chef de la plus importante opération médicale de l’histoire contemporaine dont dépend aussi le sort politique d’un Donald Trump très fragilisé pour sa gestion désastreuse de l’épidémie.  

La séquence montrant Dr Slaoui prendre la parole sous le regard attentif du président américain sur la pelouse de la Maison Blanche a fait le tour des smartphones du Royaume pendant que des articles laudateurs lui sont consacrés par une bonne partie de la presse nationale. La dérision n’a pas manqué non plus dans ce moment de grande émotion, certains internautes ayant fait le parallèle sur « chacun a le Moncef qu’il mérite » en publiant les photos de Moncef Slaoui et celle de Moncef Belkhayat, histoire d’insinuer que le bon Moncef, la valeur sûre, a été récupéré par les Américains, tandis que le Royaume a hérité, lui,  de l’autre Moncef à la réputation peu flatteuse.

Le bon Moncef,  un homme de 60 ans au visage grave et au crâne dégarni, fait figure d’autorité dans le monde des vaccins.  Né au Maroc, formé en Belgique, il est depuis quelques années résident aux Etats-Unis où il fait partie du directoire du laboratoire Moderna. Avant de s’y installer, il a fait carrière dans la multinationale pharmaceutique britannique GSK dont il est parvenu à occuper, au prix d’un travail soutenu,  le poste de numéro 2 et la direction du département vaccin. La passion pour les vaccins est née dès la tendre enfance chez ce natif d’Agadir qui a obtenu son bac à Casablanca après le décès de sa sœur emportée par la coqueluche. C’est naturellement qu’il opte pour la médecine et, faute d’avoir pu intégrer une université française, il se rabat sur l’université libre de Belgique (ULB) où il décroche dans les années 80 un doctorat en immunologie biologie moléculaire. À l’actif du docteur prodigieux le développement d’une vingtaine de vaccins dont ceux contre la gastro-entérite infantile à rotavirus et Ébola.

Les Marocains sont légitimement fiers qu’un des leurs ait pu arriver au pinacle et à obtenir la confiance de l’homme le plus puissant du monde pour inventer le vaccin de la dernière chance, le traitement qui va tuer le coronavirus. Mais les Américains, eux, ne font pas attention aux origines de la personne mais s’intéressent à son savoir et à sa valeur.


Matière grise


La success story de Moncef Slaoui, loin d’être isolée, est celle de nombreux Marocains qui ont dû s’expatrier pour trouver les voies de la réussite que leur pays natal ne leur offre pas pour de multiples raisons. D’éminents savants marocains dans différentes disciplines exercent dans les pays du monde développé qui a su reconnaître, valoriser et profiter de leur savoir-faire. C’est le cas de Samir Machour qui a occupé plusieurs postes de responsabilités dans les plus grandes firmes pharmaceutiques, avant d’être   nommé en juin 2019 senior vice-président et patron à l’international de la Qualité, et de la Conformité Règlementaire de Samsung. Ce natif de Rabat où il a fait ses études au lycée Hassan II avant de rejoindre le lycée Tarik Ibnou Ziad à Azrou est titulaire d’une maîtrise de physique nucléaire de l’Université Concordia, et diplômé de l’Université Harvard et de la Harvard Kennedy School of Government. Tout aussi admirable est la réussite de Ilham Kadri. Franco-marocaine de 51 ans, cette docteure en chimie moléculaire s’est hissée au sommet en devenant en mars 219 Pédégère de Solvay, considéré comme un grand bastion de l’industrie belge qui emploie 25.000 collaborateurs et pèse 10.000 milliards de chiffre d’affaires.  

Les Marocains qui brillent à l’international sont légion et il serait difficile de ne pas se remémorer à cette occasion l’extraordinaire ascension de Seddik Belyamani chez le constructeur américain Boeing dont il a gravi tous les échelons jusqu’à en occuper le poste de vice-président des ventes. Celui qui a choisi de prendre sa retraite en 2002 après 28 ans de bons et loyaux services était initialement un cadre très brillant de la RAM que ses patrons, exaspérés au plus haut point par sa compétence,  ont expédié dans les années 80 à la représentation de la compagnie à New York pour se débarrasser de lui. Bien leur en a pris puisque le jeune Belyamani sera vite repéré par une compagnie aérienne américaine avant d’être débauché quelques années plus tard par le constructeur de Seattle. Si les compétences marocaines ont pu réussir sous d’autres cieux c’est en partie grâce à leur bagage intellectuel acquis dans l’école marocaine qu’une certaine arabisation ravageuse a démolie. Une valorisation réelle du capital humain passe d’abord par la restauration de l’excellence éducative nationale. La fuite des cerveaux qui saigne les pays en développement est évidemment pénalisante pour le Maroc qui a grandement besoin de sa matière grise pour se développer. Mais le contexte national, plombée par une série de dysfonctionnements, n’aide pas à garder sur place ses meilleurs éléments. Une transformation profonde dans la gouvernance s’impose. Vaste programme ! λ

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