CANETON FOUINEUR

Les employeurs de salariés à domicile ne se bousculent pas au portillon de la CNSS

Ces Marocains qui rechignent de passer à la caisse...
Ahmed Zoubaïr
9/7/2020 15:37
La fraude sociale, un sport national...

Ils sont très peu nombreux les Marocains qui ont déclaré jusqu’ici leurs employés à domicile auprès de la CNSS...

Ils sont très peu nombreux les Marocains qui ont déclaré jusqu’ici leurs employés à domicile auprès de la CNSS. Les inspecteurs de la Caisse auront fort à faire pour faire accélérer la cadence des immatriculations..

Depuis début juin 2020, la déclaration du personnel de maison à la CNSS est devenue obligatoire après avoir été facultative un an plus tôt. Les personnes immatriculées, disposant obligatoirement d’un contrat de travail en bonne et due forme (légalisé), sont désormais intégrées dans le régime de la Caisse et bénéficient à ce titre de toutes les prestations sociales et autres allocations familiales servies par l’établissement (couverture médicale, pension de retraite et autres indemnités).

Mais il ressort des chiffres des immatriculations effectuées de manière volontaire par les employeurs du personnel de maison, depuis l’entrée en vigueur en 2018 de la loi 19-12, que les employeurs ne se sont pas bousculés au portillon. Le rythme est très lent, s’effectuant au compte-gouttes…Ils sont en effet moins de 2.000 à avoir franchi le pas en enregistrant leurs domestiques. Un chiffre qui reste évidemment très faible pour un pays de près de 40 millions d’habitants, où d’après les statistiques du Haut-Commissariat au Plan (HCP), la classe moyenne et la classe aisée représentent respectivement 50 % et de 10 à 15% de la population. « Au moins 2 à 3 millions de ménages urbains disposant d’employés domestiques sont concernés », estime un syndicaliste qui suit ce dossier de très près. Les inspecteurs du travail, très peu nombreux (à peine 300 pour tout le Maroc ), ont du pain sur la planche pour pousser les récalcitrants à déclarer leur personnel… Mais contrôler dans ces conditions de sous-effectif tous les ménages qui emploient des domestiques relève de la gageure… Dans un pays où la fraude  sociale qui fait rage dans les autres activités (industrie, agriculture, services, professions libérales, etc.) est un sport national- la preuve par Mustapha Ramid qui n’a pas déclaré sa secrétaire à la CNSS- domestiquer les voleurs du personnel domestique s’annonce comme un combat de longue haleine.  

Encadrée par la loi pour la première fois au Maroc, le travail du personnel de maison, appelé communément bonnes, a longtemps échappé à la réglementation. Ce qui a donné lieu à une série d’abus et d’injustices parmi lesquelles une sous-rémunération au noir et la privation des droits liés à la CNSS et au code de travail comme la durée de travail légal, les congés payés, les jours fériés, le congé du week-end et les indemnités de licenciement. Ces employés, principalement des mineures âgées souvent de 8 ou 10 ans, sont soumis à une véritable exploitation. Avec des journées du travail, 7 jours sur 7, très chargées et ardues qui commencent dès le petit matin et se poursuivent jusque tard dans la nuit. En contrepartie de ces tâches multiples (préparation des repas, ménage, vaisselle, courses et parfois baby-sitting…), ces petites bonnes, corvéables et taillables à merci, touchent un salaire de misère largement en dessous du Smig fixé à 2.582 DH par mois. Souvent, elles ne perçoivent pas cette somme dérisoire versée directement au père vivant à la campagne.

Issues justement du Maroc des campagnes caractérisé par la pauvreté et le dénuement, ces filles sans défense, victimes de maltraitances physique et psychologique qui débouchent régulièrement sur des drames, sont placées chez des familles en ville via des réseaux de recrutement sans scrupules, moyennant des commissions versées par les employeurs. Terrible sort imposé à des filles à un âge où elles doivent jouer et aller à l’école. Cette réalité sociale peu reluisante alimente un autre phénomène non moins préjudiciable : la non-scolarisation qui frappe essentiellement la fille rurale en faisant perpétuer la pauvreté et l’ignorance dont se nourrit comme un produit dopant l’idéologie islamiste.  

En 2011, une enquête du HCP avait estimé à quelque 123 000 le nombre d'enfants de moins de 15 ans travaillant au Maroc  (en nette régression par rapport à 1999, où ils étaient 517 000!). Or, ce chiffre ne fait pas ressortir l’ampleur du  travail à domicile des employées de maison mineures.

Or, la nouvelle loi 19-12, même si elle rétablit le personnel de maison dans ses droits, légitime en même temps le travail des mineurs fixé à 16 ans alors que l’âge légal du travail est censé intervenir deux ans plus tard ! Une situation paradoxale que la société civile avait dénoncée avec véhémence, au moment de la discussion  au Parlement du projet de loi relatif au personnel de maison. Devant  cette vague de critiques, le gouvernement s’en est sorti avec une pirouette : l’instauration d’une période transitoire de 5 ans avant que l’âge légal  minium ne soit relevé à 18 ans (faire travailler un enfant de moins de 16 ans est passible  d’une amende de 25 000 à 30 000 DH).  Mais au Maroc le provisoire, c’est connu, a le chic de durer et de devenir même la norme.

Faire respecter la loi

La loi relative au personnel de maison est de nature à rétablir cette catégorie socio-professionnelle dans ses droits longtemps piétinés… Mais encore faut-il agir pour faire respecter la loi. Ce qui est une autre paire de manches ;  

-L’employeur doit déclarer au minimum 60% du revenu de son employé de maison.

- Le salaire du travailleur doit être égal ou supérieur à 2.568,24 DH, soit le niveau du salaire minimum au Maroc;

- La création d’un deuxième compte par l’employeur déjà déclaré auprès de la CNSS en tant que salarié est obligatoire. Ce nouveau compte sera donc considéré par la sécurité sociale comme émanant d’une entité différente ;

- La taxe de formation professionnelle est également prise en charge dans les cotisations versées au profit du personnel de maison…

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