Au-delà des mesures urgentes à prendre pour colmater les brèches et relancer une machine économique dévastée par...

Au-delà des mesures urgentes à prendre pour colmater les brèches et relancer une machine économique dévastée par le Covid-19, il est nécessaire de poser les jalons du Maroc d’après pour se projeter dans l’avenir avec de nouvelles résolutions.  Une brochette de personnalités livrent leur vision...

Faire bon usage des anticorps

Fouad Benseddik (Consultant international (FBS Consulting, Paris)

La réponse du Maroc à la pandémie force le respect. Pour se protéger, le pays a déclenché une batterie d’anticorps, sous forme de mesures administratives, sanitaires, sociales, financières et sécuritaires. La vieille nation dispose d’un Etat véloce, capable, sous le leadership du roi, de fermer les frontières, de mettre l’activité à l’arrêt, de confiner la population, avant ses voisins et ses principaux partenaires.  Et d’adopter sans tergiverser un protocole sanitaire loin de la controverse que l’hydroxychloroquine a suscité ailleurs. Le système de santé, aux équipements précaires mais aux équipes vaillantes, a accueilli, dépisté, soigné, et limité la propagation du virus et sa létalité. La production massive de masques a flatté l’orgueil du ministre de l’industrie comme des professionnels de la confection. Le fonds public de soutien, recueillant en quelques jours plus de 3% du PIB, avait secouru, au 21 mai, plus de 4 millions de ménages pauvres et près d’un million de salariés appartenant à 134 000 entreprises. La banque centrale a réduit son taux directeur, assoupli ses règles prudentielles, ce qui n’a pas empêché le rating du pays de s’améliorer là où des pays jusqu’ici mieux notés, comme l’Afrique du Sud, ont été dégradés.

Il sera utile de maintenir actives les immunités mobilisées durant la crise. En premier lieu, l’immunité contre la procrastination qui fige la réflexion et l’action politiques. Les ministères des finances et de l’intérieur ont confirmé leur efficacité légendaire. Mais ceux de l’industrie et de la santé ont prouvé aussi que là où il y de la volonté, des objectifs clairs et des moyens, le succès est possible. La pandémie aura rappelé que la meilleure immunité collective s’appelle la solidarité. Elle passe par un système universel de sécurité sociale qui reste à construire car une majorité de la population et des risques sociaux ne sont pas encore couverts.  Une autre immunité est à la fois culturelle et technique : elle concerne le rapport aux risques dont il est vital d’extirper la superstition et le fatalisme. Grandir, qu’on soit une personne, une entreprise ou un gouvernement, c’est appréhender rationnellement les risques et agir méthodiquement pour les réduire et transformer leur maîtrise en opportunités. Le moment est venu à cet égard de réhabiliter la mutualité et de renforcer la culture et les outils de l’assurance. De même, l’obligation des dirigeants et des administrateurs de mettre en place des dispositifs sérieux d’audit des risques gagnerait à être renforcée dans les entreprises et les administrations. Car les risques sociaux, éthiques, environnementaux et de gouvernance seront la clé de la durabilité.

La politique doit être exercée autrement

Anis Birrou Ex-ministre, membre du Bureau politique du RNI

La pandémie actuelle est en train de changer le monde... dans ses priorités, les relations entre États, les stratégies et certaines prétendues certitudes. Nos sociétés ne seront plus comme avant. La question qu’on doit se poser ne doit pas se limiter uniquement au constat ni aux inévitables conséquences de la crise. Plus important encore à mon avis est de se poser la question sur le rôle, le devoir, l’action de chaque individu, chaque acteur pour façonner le monde de demain et pour nous particulièrement le Maroc de l’après. Ce Maroc, dont nous rêvons et que nous souhaitons.

Cette crise a dévoilé une capacité insoupçonnée, de notre nation à y faire face grâce au leadership de Sa Majesté et la mobilisation de tout un peuple derrière lui. Elle a enclenché une dynamique sans précédent des différentes structures de l’Etat et a montré une grande capacité d’anticipation, d’adaptation et d’action. Maintenant, ayant pris conscience que le Maroc de demain exige de nous tous, de changer, d’évoluer et de contribuer chacun de par la position qui est la sienne: citoyen, acteur politique, économique, culturel ou société civile. Chaque dimension du changement mérite d’être examinée, étudiée et aboutir à des visions, des projets et des actions. Ceci doit concerner la réflexion, la concertation, le débat et le partage et l’appropriation. Avec une conviction intime et collective des défis qui nous attendent. Je me limiterai ici à la dimension politique : Elle doit être exercée autrement pour être au plus près du citoyen de l’après Covid, de ses attentes, ses rêves, ses angoisses et ses exigences. Le discours doit évoluer en conséquence. Seuls les acteurs politiques capables de comprendre le changement et qui agiraient en conséquence mériteraient et gagneraient la confiance du citoyen. Ce dernier a besoin de sentir la sincérité, de croire en la capacité des politiques à apporter des réponses à ses attentes. Il a besoin et il est en droit d’exiger de la compétence de la classe politique. Le temps des discours politiques creux, de la politique politicienne, de l’exploitation de la misère de nos concitoyens est révolu. Il doit être banni à jamais.

Entreprendre des réformes de fond

Nabil Adel Enseignant-chercheur, directeur du groupe de Recherche en Géopolitique et Géoéconomie de l’ESCA et membre du mouvement Maan.

Tout d’abord, il est fort prématuré de parler de l’après Covid-19, tant les informations que nous avons sur le virus font état d’une forte persistance et même de mutations. Tant que le virus est parmi nous, nous devons nous considérer en étant de guerre. Pendant la guerre, on ne parle pas de relance, on parle d’économie de guerre où nos ressources doivent être utilisées avec parcimonie pour résister le plus longtemps possible et ménager nos capacités pour l’après. Entre 1939 et 1944, personne ne parlait de plans de l’après conflit. Toutes les attentions étaient focalisées sur la défaite de l’ennemi. Durant cette phase, il est urgent de remettre l’économie progressivement en marche, en vue de retrouver les niveaux de production d’avant le confinement. Car, la reprise d’activité est la seule solution viable à court terme. Tout retard dans la reprise se traduira par des délais plus longs dans le retour à la normale. Une usine qui s’arrête pendant trois mois mettra beaucoup plus que trois mois pour reprendre son niveau normal d’activité.

Par ailleurs, cette crise a montré une fois de plus l’urgence pour ce pays d’entreprendre des réformes de fond, telles que la lutte contre l’informel, l’amélioration de la gouvernance dans le secteur public, la lutte contre la corruption et la dotation de ce pays d’un cadre institutionnel fort, stable et intègre. Les autres mesures économiques à court terme sont un complément utile, mais pas un substitut à ces actions structurelles. Si notre pays veut réellement saisir les opportunités qu’offre le marché international, il faut arrêter ce discours protectionniste qui a fait son apparition depuis le début de la crise, car nous envoyons le mauvais signal à nos partenaires commerciaux et financiers. Les mesures protectionnistes doivent être prise au cas par cas, en riposte aux pays qui y recourent vis-à-vis de nous.

Un pays qui a notre taille ne peut espérer se développer qu’à partir d’un certain niveau de production qui lui permet la réalisation d’économies d’échelles et donc d’assurer sa compétitivité par les prix. Or, seul le marché mondial nous permet ces niveaux de production. S’il y a un pays qui doit défendre le libre-échange, c’est bien le nôtre. D’autre part, à l’occasion du Covid-19, notre pays a montré qu’il est capable de produire vite et bien. C’est la voie à approfondir pour la suite, à savoir la mise sur pied rapidement d’unités de production agiles et totalement tournées vers l’export. Nous pouvons commencer par les secteurs à faible contenu technologique, tels que le textile, l’agroalimentaire et le petit outillage. Cette pandémie a également révélé l’énorme potentiel de l’économie numérique et dont nous devons accélérer le déploiement dès à présent.

Etre ou Avoir, il faut choisir

Zakaria Fahim Managing Partner BDO sarl Président de l’Union des Auto-Entrepreneurs

ans un monde VUCA+(Volatilty, Uncetainty, Complexity Ambiguity),  la disruption est non négociable. Il est nécessaire de penser à changer de modèle de société et non plus uniquement de modèle économique. Cela passe par la mise sur les bons rails de l’auto-entrepreneur en lui permettant l’accès à la couverture sociale, au marché facilité et au financement. En effet, un accompagnement global, selon l’OCDE,  divise le taux d’échec par 10 à 12. La crise sanitaire et mondiale provoquée par le Covid-19 a un impact concomitant sur l’offre et la demande. C’est une opportunité à ne pas gâcher. Pour éviter une reprise en L qui laminerait notre système et risquerait de mettre dans la rue des millions de personnes, nous devons avoir une croissance en U et réfléchir à une vraie allocation universelle pour tous pour être l’amortisseur à court terme du séisme annoncé après le déconfinement. Pour cela, il faut maintenir l’outil sur les starting-blocks pour être prêts à saisir les opportunités et redémarrer l’ économie avec le moins de dégâts. Nous devons avoir une approche keynésienne avec une dimension Afrique pour capitaliser sur notre position de Hub Africa.

Sur un plan plus opérationnel, je recommande la mise en place d’un fonds de développement et de retournement public pour les entreprises en difficulté (minoritaire ou pas) avec un partenaire privé en (co) pilotage avec le fondateur le temps de la restructuration chaque fois que c’est opportun. En amont,  Il convient de mettre en place une plateforme digitale qui identifie les entreprises à vendre, les acquéreurs potentiels : de la Data et alerte pour la task force et aussi pour la formation et information (cf. portail transmission.ma). L’octroi des fonds serait délégué à une task force agile multi compétences (9 à 11 personnes) par région. Je préconise aussi  d’associer des business Angels et promouvoir le crowdfunding pour aller plus vite et toucher le plus de monde dans toutes les régions grâce au digital et notamment la diaspora avec sa dimension Afrique. L’endettement seul n’est pas soutenable ni toujours souhaitable. Un accompagnement global des dirigeants et des salariés pour réussir la transformation (mise en place d’outils de Design Thinking via Mindmanager qui promeut l’intelligence collective) est nécessaire.  Il est également primordial de procéder dans ce cadre à une évaluation préalable et un accompagnement de tiers confiance qui organisent la mise en relation pour les transmissions d’entreprises : Rôle important de l’expert comptable. Cela permet de savoir de quoi on parle : comprendre le business, identifier des acheteurs solvabilisés (support du fonds). En conclusion, les enseignements sur le terrain sont éloquents et confirme un point central à éviter :  la tentation de ne rien faire. Restons colibris au-delà du confinement pour faire de notre fragilité le plus fort des « assets » pour construire un nouveau modèle de société inclusif où l’informel se conjuguerait au passé.

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