Il faut vraiment être plus qu’impopulaire. Rejeté, voire vomis non seulement par les électeurs mais par sa propre base qui l’a porté au pouvoir par deux fois pour ramasser une telle veste…
Mauvais perdants, les islamistes n’ont même pas félicité le parti vainqueur, le RNI en l’occurrence, comme le veut la tradition politique, s’échinant à trouver des facteurs exogènes à leur effondrement électoral spectaculaire du 8 septembre 2021. Entre mauvaise foi et rancœur, leurs paroles-paroles ont laissé clairement entendre que les élections du 8 septembre ont été entachées de fraudes… Certes, on savait que le PJD n’allait pas rééditer en 2021 ses scores électoraux élevés de 2011 et 2016 mais personne ne soupçonnait un tel niveau d’effondrement qui a surpris plus d’un. Les islamistes légalisés sont passés subitement du raz de marée au ras des pâquerettes…Cette dégringolade incroyable, qui a provoqué la risée des Marocains sur les réseaux sociaux et ravi une bonne partie de la population issue aussi bien de la classe moyenne que des couches défavorisées, a déconcerté les observateurs les plus avisés qui avaient pronostiqué un duel serré entre le PJD et le RNI. Sacrés islamistes…
Pour perdre 112 sièges en l’espace de deux rendez-vous électoraux (de 125 députés en 2016, le PJD est passé à 13 en 2021), ce qui est inédit dans les annales politiques nationales, voire internationales, il faut vraiment être plus qu’impopulaire. Rejeté, voire vomis non seulement par les électeurs mais par sa propre base qui l’a porté au pouvoir par deux fois. Ce qui signifie que le divorce des islamistes avec la population était plus profond qu’on ne le pensait. C’est la seule lecture possible qui expliquerait la puissance de la foudre qui s’est abattue sur Al Othmani et ses amis. En plus de leur incompétence au pouvoir et leur incapacité à être une force de proposition en termes de réflexion et de projets, ces derniers ont multiplié les écarts, grands et petits, les écarts de langage et autres scandales de mœurs sur fond de graves dissensions internes. Ces contradictions criantes ont achevé de les mettre en porte-à-faux avec les principes qu’ils prétendaient défendre tout en faisant grincer des dents jusque dans leurs propres rangs.
Plus paradoxal encore, le PJD des fauteuils n’a pas été à la rencontre du «pays réel» et des zones défavorisées, donnant de plus en plus l’impression que Rabbah et compagnie ont juste utilisé la religion comme marchepied pour accéder au pouvoir. Prenons par exemple les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Casablanca en janvier 2021. Le maire islamiste de la métropole Abdelaziz El Omari s’est claquemuré chez lui à double tour puisqu’on ne l’a pas vu aller à la rencontre des sinistrés pour s’enquérir de leur situation et évaluer l’ampleur des dégâts… En vérité, Abdelilah Benkirane et Saad Eddine Al Othmani ainsi que les ministres et élus issus de leur parti ont montré au grand jour une appétence particulière pour les voyages à l’étranger plutôt que pour les tournées dans le pays… On l’aura compris, mouiller la gandoura n’est pas leur fort…
Se croyant à tort définitivement immunisés contre un vote-sanction et être une garantie indispensable à la stabilité du pays, ils ont tourné le dos à leurs sympathisants et militants dès qu’ils se sont installés aux affaires où ils se sont embourgeoisés à vue d’œil. C’est le meilleur moyen de se couper de la réalité et s’exposer à la sanction impitoyable des électeurs. Les grands perdants des scrutins du 8 septembre ont été donc punis par là où ils ont péché. Ils ont creusé leur tombe politique et ne doivent de ce fait s’en prendre qu’à eux-mêmes. Grisés et aveuglés à la fois par le confort du pouvoir, ils ont refusé de voir la réalité en face, se considérant jusqu’au bout comme invincibles alors qu’ils ont en vérité bouffé leur capital sympathie des premiers jours. Les résultats électoraux du 8 septembre ont clairement traduit pour le PJD cette réalité dans toute sa cruauté. En perdant son matelas électoral, le parti n’est plus la machine à égrener les votes qu’il était. La vox populi, profondément déçue, a décidé de le sanctionner sévèrement en les transformant en quantité politique négligeable…
Le PJD sauvé par le nouveau quotient électoral
Suite à la débâcle humiliante du 8 septembre 2021, le leader du parti Saad Eddine Al Othmani et les membres du secrétariat général PJD ont annoncé leur démission de leurs fonctions. Place désormais à la préparation d’un congrès extraordinaire qui s’annonce houleux et douloureux et à un travail d’autocratique profond pour tirer les leçons qui s’imposent du séisme politique de grande magnitude qui a frappé la maison islamiste et dont les répliques risquent d’être tout aussi violentes.
Les islamistes sont appelés à faire leur aggiornamento au milieu d’un champ de ruines. La majorité de leurs figures a mordu la poussière lors de ces législatives historiques. A commencer par Saad Eddine Al Othmani à Rabat, le maire sortant de Casablanca Abdelaziz Omari, Idriss El Azami Idrissi à Fès, Mustapha El Khalfi à Sidi Bennour, Larbi Belcaïd à Marrakech, le ministre de l’Emploi Mohamed Amekraz à Tiznit et d’autres…
Tous comptes faits, le PJD aurait pu sortir de ce scrutin législatif avec 0 sièges n’était le nouveau quotient électoral qui a leur a finalement profité alors que les islamistes l’avaient vertement critiqué en le désignant comme un outil visant à les empêcher d’obtenir plus d’un député par circonscription. Paradoxal non ?
Abdallah Bouanou, par exemple, a reconquis son siège parlementaire à Meknès avec à peine 1.000 voix. Ce qui est un score relativement faible… Au vu des résultats des législatives, la principale victime de cette refonte technique n’est autre que le RNI qui, compte tenu de l’importance des voix que nombre de ses candidats ont obtenues, aurait pu décrocher plus que 120 sièges si l’ancien mode de calcul du quotient électoral était maintenu…