CANETON FOUINEUR

La Cour des comptes pointe l'équilibre fragile des régimes de retraite

Des caisses et des mécomptes...
Jamil Manar
17/3/2022 1:49
Menace sur les retraites...

La grande bombe à retardement pour le Maroc et ses finances publiques a pour nom les caisses de retraite. Et c'est la Cour des comptes,...

La grande bombe à retardement pour le Maroc et ses finances publiques a pour nom les caisses de retraite. Et c'est la Cour des comptes, dans ses derniers rapports 2019 et 2020, qui vient à nouveau tirer la sonnette d’alarme tout en pointant les limites des réformes réalisées au cours des dernières années.

La juridiction, dirigée par Zineb El Adaoui, recommande au gouvernement d’adopter une feuille de route claire, avec une réforme systémique à la clé, consacrée par une loi-cadre fixant, entre autres, les objectifs, les principes directeurs, la gouvernance, le calendrier de mise en œuvre et de transition vers le système cible. Autre grand défi à relever, la couverture d’une dette implicite au titre des pensions civiles gérées par la Caisse marocaine des retraites (CMR), évaluée à quelque 415 milliards de DH en 2019.  Dans ce schéma pessimiste, le régime des fonctionnaires reste le plus vulnérable, menacé par une crise de liquidité dès 2023 avec un risque d’épuisement des ressources en 2026. Le déficit qui mine le RPC-CMR (Régime des pensions civiles géré par la Caisse Marocaine des Retraites) étant structurel, la consolidation hypothétique du système, dans le cadre de cette réforme systémique, n’apporterait pas de solution pérenne et soutenable, selon les magistrats de la Cour des comptes. « Même avec l’option de financer la dette par la dynamique démographique, le retard enregistré dans la concrétisation du pôle public impactera significativement ce choix », explique la Cour des comptes dans son rapport.

En revanche, la situation du régime général du Régime collectif d’allocation de retraite (RG-RCAR est moins inquiétante même s’il faudrait puiser dans les réserves pour financer ses prestations à partir de 2028. Le régime de la CNSS est le mieux géré de tous avec un nombre de salariés assurés  passé de 2,7 millions en 2012 à 3,5 millions en 2019, ce qui a généré  un excédent substantiel annuel. Résultat : Pas de pression sur les ressources de la Caisse - qui peut être confrontée, selon la Cour des comptes, à un déficit technique à partir de 2029 en cas d’absence des réaménagements nécessaires - puisque seuls 30% des assurés atteignent le plafond des cotisations donnant droit à une retraite complète à l’âge de 60 ans. Un rapport d’enquête, réalisée en 2017 par une commission parlementaire, a révélé l’origine des déséquilibres de la CMR. Les députés-investigateurs avaient pointé trois principaux facteurs qui ont fait basculer ce régime dans un déficit abyssal en faisant peser une grave hypothèque sur ses réserves et partant sur les pensions des retraités. Il y a d’abord, cette décision pour le moins étonnante, qui n’a jamais fait l’objet d’une annonce officielle, consistant à piocher depuis 1993 dans les excédents dégagés par le régime civil pour financer les déficits du régime militaire ! Plus grave encore, les sommes ponctionnées n’étaient même pas considérées comme des dettes censées au moins générer des intérêts mais comme des avances. Sauf que ces fonds, estimés entre 2 et 5 milliards sur une période de 11 ans, n’ont pas été remboursés par l’État alors qu’ils avaient vocation à être placés. Du coup, ce sont les adhérents civils qui ont été pénalisés en premier lieu par ce mélange chaotique des genres.

Manoeuvre

Autre problème ayant mis à mal les réserves de la CMR, les retards de l’Etat-employeur à verser les cotisations des fonctionnaires. Entre 1957 et 1996, ces arriérés ont atteint selon le rapport la bagatelle de 19 milliards de DH dont la Caisse n’a récupéré que 11 milliards suite à un accord intervenu en 2003 avec une commission technique composée des représentants des ministères concernés. Les auteurs de ce rapport ont également épinglé l’opération des départs volontaires, lancée par le gouvernement Jettou en 2005, qui n’a pas non plus contribué à ménager les ressources de cet organisme de prévoyance sociale. Bien au contraire, les membres de la commission d’enquête estiment que ce programme a agi comme un facteur de déstabilisation et de déséquilibre des finances de la CMR. Ces décisions politiques pénalisantes furent aggravées en interne par des cas de mauvaise gestion patente, voire de gabegie financière. A cet effet, nombre de décisions administratives ont été prises au fil du temps sans la réalisation d’études actuarielles préalables ni d'enquêtes prospectives. En somme, tout se passait comme si la CMR était une caisse noire où tout le monde pouvait se servir sans rendre des comptes.

Dans ces conditions, la réforme de la CMR, adoptée en juillet 2016 par le Parlement après avoir été imposée par le Premier ministre Abdelilah Benkirane contre la volonté des syndicats, s’apparentait à une manœuvre destinée à cacher la vérité sur les graves turpitudes financières de cet organisme sans identifier les principaux acteurs de sa faillite programmée. L’équilibre des régimes de retraite du secteur public est loin d’être acquis. Pour ces caisses, en sursis, la faillite a été juste ajournée par des mesures cosmétiques.

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