CANETON FOUINEUR

Restructuration du pôle audiovisuel public

Des ratages en chaîne
Jamil Manar
3/6/2021 0:57
Fayçal Laâraïchi, patron de la SNRT.

Le gouvernement a été acculé au décrétement d’une restructuration du pôle audiovisuel public via une opération...

Le gouvernement a été acculé au décrétement d’une restructuration du pôle audiovisuel public via une opération destinée, au fond, à sauver des télés déficitaires qui font de moins en moins recette...

Il a fallu de nombreuses années et plusieurs alertes pour que le gouvernement décide enfin de se pencher sur la situation du pôle audiovisuel public. Lors de son passage devant la Commission de l’enseignement, de la culture et de la communication à la Chambre des représentants, le ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports Othman El Ferdaous a dévoilé les grandes lignes de la feuille de route 2024 de la stratégie du développement du secteur de l’audiovisuel public. Le salut de ce dernier, qui a eu droit à un rapport alarmant de la Cour des comptes en janvier 2020, passe, selon le ministre, par le regroupement de la Société Nationale de Radiodiffusion et de Télévision (SNRT), de Soread-2M et de « Medi 1 TV ». Cette initiative a les allures moins d’une réforme visant à sortir ce secteur de son immobilisme ravageur que d’une opération de sauvetage d’un secteur déficitaire qui a tourné au boulet à traîner pour l’État. D’où cette opération d’association à reculons, destinée en fait à limiter les dégâts sur le plan financier. Lors de la première étape, cette mise en commun des moyens concernera les capitaux de Soread-2M et «Medi1 TV», alors que la seconde étape portera sur l’intégration de «Radio Medi 1» et de «Régie 3» (sa filiale à 100%) au secteur public. Cette action sera suivie dans le cadre de la troisième phase de la création d’une holding SNRT formée de « sociétés professionnelles ». Quant à la « vision stratégique » évoquée par le ministre à l’occasion de son intervention, il faudra repasser.

Anachronisme

Car l’échec retentissant des télés publiques traduit une vérité salon laquelle l’État est un mauvais gestionnaire qui ne sait pas faire de la télévision. Le sens de l’histoire et le bon sens tout court auraient commandé d’initier, comme cela a été annoncé officiellement en 2002, une libéralisation du paysage audiovisuel, de telle sorte que la voie à l’arrivée des capitaux privés dans le secteur soit ouverte. Ce qui aurait permis d’amorcer un processus de diversification des supports au bénéfice du téléspectateur, avec une concurrence entre les différents médias pour accompagner l’ouverture politique et démocratique initiée depuis le début des années 90. Tel n’a pas été, curieusement, le choix des pouvoirs publics qui après l’heureux intermède 2M en chaîne privée, qui fut un véritable espace de liberté et de professionnalisme, ont décidé de renationaliser cette chaîne pour venir renforcer le monopole État Une régression incompréhensible, défendue bec et ongles par Nabil Benabdallah alors ministre en charge de la Communication. Plus incompréhensible encore est le ratage flagrant du virage de la libéralisation de l’audiovisuel après l’annulation en 2008 de l’octroi des licences pour des projets de télés privées sous l’argument peu convaincant développé par la HACA dans un rapport de juin 2009: «Compte tenu de facteurs conjoncturels et sectoriels intervenus depuis le mois de septembre 2008, notamment la dégradation de la situation du marché publicitaire ainsi que la crise traversée par Médi1 Sat et le risque encouru pour le secteur dans son ensemble pouvant compromettre l’équilibre et la viabilité des opérateurs audiovisuels publics et privés existants, le CSCA a décidé, de surseoir à l’octroi de toute licence de télévision, dans l’attente d’une meilleure visibilité sur les équilibres du secteur ».

Cette visibilité tardera à être au rendez-vous pour la télévision restée aux mains de l’État qui s’est montré en revanche entreprenant dans la libéralisation des ondes, puisque entre 2006 et 2009 deux vagues de licences ont été accordées pour le lancement de radios privées. La sclérose qui frappe le pôle audiovisuel marocain (PAM) traduit sans conteste une volonté politique de garder la mainmise sur la télévision dans l’objectif inavoué d’en contrôler le contenu. Président de la SNRT, Fayçal Laâraïchi n’a tenté depuis sa nomination à la tête de la TVM en 2005 aucune opération de modernisation sérieuse de l’existant, se contentant de cloner al Oula qui ne reflète nullement la transformation de la société marocaine et l’élargissement du champ de la liberté d’expression sous le règne de S.M le Roi Mohammed VI, tellement cette télé se distingue par un anachronisme fabuleux. Cette opération de reproduction, qui cache mal un grand désert audiovisuel, a enfanté 8 chaînes dites thématiques comme la Arryadia, Assadissa, Aflam TV ou al Amazighia. Pas de quoi séduire le public marocain qui frustré, se réfugie dans les chaînes satellitaires étrangères. Il faut dire que ce dernier a l’embarras du choix devant la diversité de l’offre médiatique accessible sans bourse délier. Une offre qui s’est enrichie dans des proportions phénoménales avec les réseaux sociaux, lesquels ont pris une place prépondérante dans la vie des Marocains. Dans ce contexte en pleine transformation, les responsables du PAM auront fort à faire pour reconquérir un public de plus en plus exigeant, qui a pris l’habitude de s’informer et se divertir sur d’autres plateformes. Dans ce domaine, le Maroc fait figure de dernier de la classe dans le monde arabe ! Trois chaînes de télé dont une, Medi 1 TV, est semi publique. Tel est le bilan du processus de libéralisation de l’audiovisuel depuis 2002. Télé notre destin ?

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