CANETON FOUINEUR

Aït Taleb ouvre les vannes aux médecins importés de l’étranger

Gare à la médecine low cost
Jamil Manar
17/6/2021 2:09
Khalid Aït Taleb. Aller au-delà des mesures cosmétiques...

Pour pallier le manque de praticiens qui cèdent de plus en plus aux sirènes de la migration, le ministère de la Santé s’apprête à s’attacher les services des médecins étrangers. Faut-il s’en réjouir ?

Le secteur de la santé au Maroc n’en finit pas de cristalliser les mécontentements. D’abord des professionnels eux-mêmes qui sont vent debout contre la dernière décision du ministère de tutelle qu’ils jugent néfaste pour leur profession : autoriser les médecins étrangers à exercer au Maroc. Une décision dont ils voient une menace directe pour leur activité du fait de la concurrence qu’induiraient éventuellement les praticiens importés d’ailleurs. Pour faire échec au projet de Khalid Aït Taleb, le corps médical privé a allumé les contre-feux en mobilisant ses principaux syndicats: le Collège syndical national des médecins spécialistes privés (CSNMSP), le Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL) et le Syndicat national des médecins généralistes (SNMG), ainsi que l’Association nationale des cliniques privées (ANCP).

Les représentants de ces corporations se sont réunis le 1er juin avec le ministre. Parmi les principales revendications formulées, leur implication dans la confection de « toutes les lois et les décrets concernant leur profession». La loi problématique du moment, portant le n°131/13, a été soumise au Parlement pour qu’elle soit amendée à la lumière du feu vert ministériel pour l’importation des médecins étrangers. Dans un communiqué commun rendu public par les quatre syndicats, ces derniers, qui ont initié une opération de lobbying auprès des députés pour qu’ils prennent en compte leurs propositions d’amendements, ont « rappelé à monsieur le ministre que S.M le Roi a insisté sur la recherche des grandes compétences au bénéfice de la santé des citoyens ». Et les signataires du communiqué de tirer la sonnette d’alarme: «Toute ouverture » qui ne va pas dans le sens du respect de la recommandation royale « pourrait s’avérer néfaste et sans valeur ajoutée pour la santé du citoyen ». A cet effet, ils réclament que l’appel au personnel médical étranger soit orienté « de façon prioritaire vers le secteur public » qui souffre d’un déficit en ressources humaines, et que l’exercice du métier « ne leur soit ouvert que dans les déserts médicaux ».

Protection sociale

Les déserts médicaux ! Le mal éternel. Ces derniers, qu’on trouve dans le Maroc profond, se traduisent, faute de médecins généralistes ou spécialistes ainsi que de structures de santé adéquates, par l’inaccessibilité des soins pour une bonne partie de la population marocaine. Ce problème complexe, que tous les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas pu résoudre, est due initialement à l’absence de l’attractivité de nombreuses régions du pays qui manquent des attributs susceptibles de pousser les professionnels de la santé à s’y installer ou à y construire des cliniques. Du coup, le gros des praticiens et des cliniciens opère sur l’axe Rabat-Casablanca et des villes comme Marrakech, Agadir, Fès ou Tanger. Autrement dit, le règlement du dossier des déserts médicaux est intimement lié au désenclavement et au développement des zones reculées.  

Face au départ continue des médecins marocains vers des pays occidentaux notamment la France (quelque 7.000 médecins au cours des ceux dernières années, soit 30% du nombre des lauréats des facultés de médecine et de pharmacie du pays), le ministère de la Santé croit avoir trouvé la parade: Importer la main d’œuvre étrangère médicale pour pallier ce manque et relever par conséquent le défi colossal de la généralisation de la protection sociale voulue par le souverain. Mais est-ce la bonne solution ? Beaucoup de questions se posent dès lors qu’il s’agit de recourir aux médecins venus d’ailleurs. D’abord quels profils de praticiens seraient éventuellement intéressés à venir soigner les Marocains ? Certainement par ceux issus des pays développés qui sont bien formés et compétents. D’où la tentation de se rabattre sur des médecins « low cost » et très peu bien outillés, comme les dirigeants des syndicats de la médecine privée en ont exprimé la crainte auprès du ministre de tutelle, qu’ils ont invité à mettre en place des commissions pour évaluer le degré de compétence des médecins étrangers.

Se résoudre à ce choix problématique signe clairement l’échec de la politique de santé au Maroc du fait de son manque d’attractivité qui s’est traduite entre autres par l’émigration des médecins du cru vers l’étranger. Ce qui est un énorme gâchis pour le pays qui n’arrive pas à retenir une partie de son personnel médical dont la formation lui a coûté des budgets colossaux.

Recourir aux médecins étrangers ne peut être qu’une solution de replâtrage ou un pis-aller. Le vrai remède c’est de rendre l’exercice de la médecine plus attrayant, à la fois sur le plan matériel et « formationnel », pour les Marocains qui ont choisi ce métier. Stopper l’hémorragie est à ce prix.  Le vrai enjeu de la santé au Maroc n’est pas l’ouverture du capital des cliniques aux forces de l’argent ou le vote de lois pour importer des praticiens d’ailleurs. Il faut arrêter avec ces mesures cosmétiques qui n’agissent pas sur les dysfonctionnements. La solution idoine, qui suppose un certain courage politique, est de mettre en place un véritable partenariat public-privé fondé sur un cahier des charges aux contours clairs. C’est le seul moyen susceptible de régler les défaillances qui minent les hôpitaux et améliorer l’offre de soins de plus en plus indigente qu’ils proposent. Tout un programme.

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