Au-delà de la violation manifeste du protocole sanitaire par les patrons de la station de conditionnement de la...

Au-delà de la violation manifeste du protocole sanitaire par les patrons de la station de conditionnement de la fraise de Kénitra,  ce scandale interroge profondément les conditions de travail désastreuses de la main d’œuvre agricole au Maroc.

L’affaire de Lalla Mimouna, qui a fait exploser le compteur des contaminations au Covid-19, révélée en début de soirée du vendredi 19 juin, a plongé tout le Maroc dans une grande consternation mâtinée de peur et d’incompréhension.  Le choc était d’autant plus rude que le gouvernement s’apprêtait à annoncer la deuxième étape du déconfinement allégé dans un contexte marqué par un reflux des cas de contaminations à l’échelle nationale. Et patatras, l’apparition d’un foyer épidémique faisant état d’un premier bilan de 539 nouveaux cas, appelé à être revu à la hausse, dans une station d’emballage de la fraise tournée vers l’export dans la région de Kénitra, non loin de Moulay Bouselham, a pris subitement les allures d’un événement fâcheux qui gâcha la fête !    

Panique

Comment se fait-il qu’autant de cas d’infections, bilan jamais atteint en une seule journée depuis le l’apparition du virus sur le sol national le 2 mars dernier, ont surgi d’un seul coup dans les rangs des travailleuses agricoles ? Qui est responsable de cette flambée épidémique en milieu rural  qui a semé la panique dans la région d’El Gharb et même au-delà ?  

Passée la séquence de l’émotion, arrive le moment des questions et quelles questions ! Compte tenu de son extrême gravité et de ses implications multiples, cet accident dépasse la simple sphère sanitaire et relève d’un enjeu de sécurité publique. Ce qui doit dorénavant pousser les autorités à sévir pour l’exemple en procédant à la fermeture des unités défaillantes sur le plan sanitaire.  

Au-delà de la violation manifeste et du non-respect des règles d’hygiène et du protocole sanitaire par les patrons de cette station de conditionnement de la fraise, le scandale de Lalla Mimouna interroge profondément les conditions de travail désastreuses de la main d’œuvre agricole au Maroc.

Constituée essentiellement de femmes démunies, taillables et corvéables à merci, pressée comme un citron, dépourvue du moindre droit social du fait qu’elle n’est pas déclarée à la CNSS,  elle est  transportée comme du bétail vers les exploitations dans des charrettes tirées par des bêtes de somme ou de vieux pick-up brinquebalants. Les accidents tragiques ferroviaires ou routiers  dont elles sont victimes régulièrement en disent long sur la nature d’un modèle social féodal, de type primitif, la réduisant à un esclavage des temps modernes.

Malgré les manifestations organisées par les intéressées, après chaque drame endeuillant leurs rangs, pour réclamer leurs droits et sensibiliser les autorités à leur calvaire, rien n’a été entrepris pour améliorer leurs conditions matérielles et professionnelles.  

Subsistance

Recrutées dans  les villages avoisinants des régions à vocation agricole (Tanger, Agadir et El Gharb) par des réseaux de trafic de la main d’œuvre, les travailleurs agricoles n’ont pas de droits. Sauf celui de trimer  sans moufter pour un revenu dérisoire très en deçà du salaire minimum agricole garanti (SMAG, une autre incongruité) du petit matin jusqu’à la tombée de la nuit. Une misère pour près de 14 heures de travail par jour qui ne couvre même pas les besoins de subsistance.

La pandémie du Covid-19 n’a cesse de mettre à nu les défaillances qui minent gravement le système productif national.

Après les fabriques de chaussures et agro-alimentaires, les chocolateries et les usines de voitures Renault en milieu urbain où l’apparition du Covid-19 a trahi le non-respect des protocole sanitaires, c’est au tour des pratiques d’un autre âge du patronat agricole d’être révélées au grand jour. Le scandale de Lalla Mimouna a fait voler en éclats la vitrine de l’export agricole national derrière laquelle se cache un monde aux pratiques très peu reluisantes dont les seigneurs fauchent les droits élémentaires à une vie digne de plusieurs milliers de paysannes et de paysans. Dans l’indifférence des pouvoirs publics.  Les droits de cette force de travail comptent-ils pour des prunes ?

Encadré :

L’UMT dénonce l’injustice salariale

L’UMT-FNS a réagi à l’affaire Lalla Mimouna en publiant un communiqué où elle a exhorté les pouvoirs publics à «mettre fin à la discrimination salariale» qui frappe ouvriers agricoles payés au SMAG (salaire minimum agricole garanti). Dans le Maroc des champs, la rémunération continue paradoxalement à être inférieure de 30% par rapport à celle en vigueur en ville dans les activités industrielles, commerciales et de service. La revendication de l’UMT? Uniformiser le salaire minimum pour toute la classe travailleuse indépendamment du lieu (ville ou campagne) ou la nature (agricole ou autre) de son activité.

Survivance d’un passé qui aurait dû être longtemps révolu, le SMAG pénalise gravement les ouvriers agricoles surtout que l’activité dans les champs est par essence saisonnière. Une double peine en quelque sorte. Il en résulte un salaire de misère qui ne rémunère nullement la pénibilité du labeur dans les exploitations agricoles. Ici, la journée de 8 heures tout comme le week-end est un mythe. Sans parler d’autres pratiques comme le droit de cuissage lorsque la paysanne a le malheur d’être belle…

Ces féodalités agraires maintiennent la  force de travail rurale du fait de sa  surexploitation pour une bouchée de pain par des patrons rapaces dans un système d’extrême dénuement.

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