Driss Guerraoui

Un communiqué diffusé par le Cabinet royal désavoue le président du Conseil de la concurrence. Il est soupçonné,...

Un communiqué  diffusé par le  Cabinet royal désavoue le président du Conseil de la concurrence. Il est soupçonné, à partir d’un faisceau d’éléments troublants, d’avoir agi pour des raisons opaques à l’encontre des intérêts des pétroliers. Une commission d’enquête a été ordonnée par le souverain.  Décryptage.  

Le communiqué du cabinet royal ne laisse aucun doute. Diffusé en début de soirée du lundi 28 juillet, il jette clairement la suspicion sur le verdict prononcé par le Conseil de la concurrence dans le dossier de l’entente sur les prix supposée mettant en cause les pétroliers du Maroc et leur groupement. Après avoir fait état des deux notes contradictoires adressées au souverain à ce sujet par le président du Conseil de la concurrence Driss Guerraoui, le texte  révèle que le Roi a reçu de la part de plusieurs membres du même Conseil une fiche où ils pointent une «gestion» «caractérisée par des transgressions de procédure et des agissements de la part du président qui entachent la qualité et l’impartialité de la décision prise par le Conseil ». Ou plutôt le président. Qui visiblement agissait en seul maître à bord. La liste des griefs des membres énumérés dans ce communiqué accablant pour M. Guerraoui est longue. (voir encadré). Du coup, le landernau économique et politique national s’interroge, perplexe et choqué…

Ainsi le président, de l’avis même de son équipe qui se désolidarise ainsi de son verdict désormais officiellement contesté , n’en a-t-il fait qu’à sa tête sur le dossier des hydrocarbures dont il a sévèrement sanctionné les protagonistes  en violation des procédures et au mépris de la loi sur la concurrence. Mais pour quelle raison ? Pour tirer justement cette affaire opaque au clair, S.M le Roi Mohammed a décidé, apprend-on dans le communiqué en question, de charger une commission ad hoc, composée des deux présidents du Parlement, du président de la Cour constitutionnelle, du président de la Cour des comptes et de wali Bank Al Maghrib, de « mener les investigations nécessaires ». Et patatras, l’arroseur arrosé ! L’investigateur objet désormais d’investigation. Mais dans quel pétrin s’est mis Driss Guerraoui et pour quelle officine roule-t-i? Les membres du Conseil ont dénoncé en effet  auprès du cabinet royal « un comportement du président qui laisse penser qu’il agit sur instructions ou selon un agenda personnel ».

Plusieurs indices corroborent les faits douteux  et les accusations des membres consignés dans le communiqué du Cabinet royal jugés suffisamment graves pour déclencher une enquête. Selon un membre du Conseil qui a requis l’anonymat, le président s’est accaparé ce dossier tout au long de son instruction, refusant de donner la parole aux membres de son équipe lors des auditions des représentants des pétroliers. « M. Guerraoui était le seul à parler et  à orienter les débats ». Autre élément troublant relevé par notre interlocuteur, l’accusé a limité le temps des plaidoiries des défenseurs des entreprises à 15 minutes chacun, arguant qu’il fallait boucler vite ce dossier qui a trop traîné à son goût. «Un quart d’heure est évidemment très insuffisant pour présenter ses arguments et contre-arguments sur un dossier aussi complexe», ajoute-t-il. D’autres témoignages tout aussi déconcertants abondent dans le même sens. « On avait l’impression que M. Guerraoui, au vu de son comportement presque stalinien sur ce dossier, avait un mandat de sanctionner à tout prix », renchérit un autre membre.  

Résultat: Le président décide presque de manière unilatérale d’infliger la peine maximale aux pétroliers et tout à sa confusion s’est emmêlé les pompes à essence en présentant deux taux contradictoires- portant sur la sanction financière retenue-que les auteurs du communiqué du cabinet royal n’ont pas manqué d’ailleurs de relever : La première note, datée du jeudi 23 juillet 2020, fait état d’une amende de 9% du chiffre d’affaires réalisé au Maroc « pour les 3 distributeurs leaders et d’un montant inférieur pour les autres sociétés » suite à une « décision adoptée en plénière le mercredi 22 juillet par 12 voix pour et 1 voix contre » alors que la seconde indique une sanction de 8% du chiffres d’affaires « sans distinction entre les sociétés et sans indications sur la répartition des voix ». Tout cela fait désordre et mérite en effet une clarification et des explications de la part du mis en cause. Plus grave encore, il paraît que Driss Guerraoui a décidé d’infliger la peine maximale aux pétroliers sans preuve tangible et irréfutable sur l’existence d’une prétendue entente sur les prix ou de pratiques anticoncurrentielles. Pour lui, ils sont coupables et méritent de passer à la caisse.  Drôle de façon de faire…

Last but not least, les investigations du Conseil de  la concurrence sont entachées de vices de fond et de forme. Il s’agit principalement de l’antériorité de la saisine du Conseil qui remonte à 2016 sur l’affaire des pétroliers par rapport à la nomination du président à la tête de cette instance intervenue, elle, en novembre 2018. En effet, le Conseil nouvelle version dirigé par M. Guerraoui a hérité de ce dossier inflammable  de l’ancienne équipe dirigée par Abdelali Benamour qui n’a jamais pu le faire aboutir pour cause de paralysie qui frappait le régulateur depuis que son mandat a expiré 2013. C’est pendant cette période d’inactivité que l’institution a été saisie du litige des pétroliers accusés avec insistance  de renchérir les prix à la pompe sur fond d’entente illicite. Les accusateurs auquel s’était joint curieusement le ministre des Affaires générales d’alors le fameux Lahcen Daoudi dénonçaient un cartel qui gonfle ses marges au détriment du consommateur. Le ministre islamiste, qui carbure aux maladresses spectaculaires, n’est-il pas allé jusqu’à batailler en 2018 pour les plafonner alors que les prix sont libres depuis décembre 2015 ?  

Les avocats de Shell en particulier ont soulevé  ce problème juridique (antériorité de la saisine) et bien d’autres pour demander l’annulation des investigations tout en dénonçant une méconnaissance flagrante de la loi sur la concurrence dont aurait fait preuve l’institution au cours de ses travaux. Mais Driss Guerraoui, visiblement en service commandé et aujourd’hui à tout le moins sur un siège éjectable, est passé outre ces observations. Pour lui, la messe est dite et que cela ne servait à rien de faire marche arrière ?


Accusations accablantes

Les reproches  formulés à l’encontre de Driss Guerraoui par les membres de son équipe :

- Communication dommageable à l’examen de l’affaire et à la crédibilité du Conseil ;

- Passage forcé au vote avant que le débat ne soit clos ;

- Interprétation tronquée et violation de l’article 39 de la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

- Opacité de la procédure d’instruction, marquée par un partage sélectif des documents ;

- Non satisfaction des requêtes des membres en vue d’un examen équilibré des arguments avancés par les sociétés ;

- Comportement du président qui laisse penser qu’il agit sur instructions ou selon un agenda personnel.


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