En refusant le projet de révision du quotient électoral qui a emporté l’adhésion de la majorité des partis, les islamistes risquent de se mettre en dehors du consensus politique. L’agitation de la muleta du boycott- en guise de protestation- de la prochaine législative relève de l’esbroufe…
Le PJD est dans une position pour le moins inconfortable. Motif : le projet de révision du code électoral, principalement le quotient électoral, proposé par la classe politique en vue des élections législatives de 2021. Cet amendement, qui a monopolisé l’essentiel des consultations entre les partis politiques et le département de l’intérieur dirigé par Abdelouafi Laftit, a tourné vite à la pomme de discorde en raison de la crispation des islamistes sur le sujet en question. Ces derniers veulent qu’on laisse les choses en l’état. Qu’à la limite tout soit revu, excepté le quotient électoral. Une position à rebours de celle de leurs alliés du gouvernement et des partis de l’opposition qui n’y voient pas d’inconvénient. La réforme est même indispensable aux yeux de certains d’entre eux.
Risque
Voilà qui risque de mettre le PJD en dehors du consensus national sur un dossier où le département dirigé par Abdelouafi Laftit, qui tente de jouer les équilibristes, aura fort à faire pour rapprocher les points de vue. Or, le temps presse surtout que le ministère de tutelle veut faire voter le dispositif électoral rénové au cours de la session parlementaire d’automne inaugurée vendredi dernier par le souverain. Le nouveau quotient électoral proposé apporte une petite révolution dans la répartition des sièges, en ce sens que celle-ci s’opèrera désormais sur la base du nombre des électeurs inscrits sur les listes électorales. Et non pas, comme ce fut le cas jusqu’ici, sur la base du total des voix exprimées et valides. Ce qui permet à chaque liste en compétition d’obtenir un nombre de sièges égal à la moyenne des voix obtenues divisée par le quotient électoral.
Ce mode de calcul, décrété caduc par M. Laftit, a donc emporté l’adhésion des principaux acteurs politiques : RNI, MP, USFP, UC, Istiqlal, PAM et PPS qui n’en demandaient pas moins. Ce petit amendement implique un grand changement pour le PJD qui ne pourra plus faire passer deux ou même trois candidats sur une même liste comme lors des précédentes élections législatives où il a fait une razzia électorale qui lui a permis de conduire le gouvernement par deux fois successives et ce depuis 2012. Le risque est donc grand pour Al Othmani et ses amis de perdre avec le nouveau mode de comptage jusqu’à 30 sièges… Ce qui est assez conséquent. De là à penser que ce projet de refonte est une manœuvre dirigée contre le parti pour réduire son poids arithmétique, il n’y a qu’un pas que les islamistes ont allègrement franchi. Et les jusqu’au-boutistes d’entre eux envisagent même le boycott des élections, histoire de se victimiser.
C’est naturellement qu’ils se sont opposés de toutes leurs forces à cette réforme en la qualifiant d’anticonstitutionnelle. Certains ténors du parti sont allés jusqu’à considérer qu’il s’agit d’une ligne rouge à ne pas franchir comme si le quotient électoral était une institution sacrée… Est-ce à dire que le PJD compte saisir le Conseil constitutionnel pour invalider l’adoption presque acquise de la réforme controversée ? Le raidissement islamiste sur cette question révèle de leur détermination à maintenir leur mainmise sur le champ politique en faisant des lois électorales un droit acquis et jamais négociable. Tel n’est pas l’avis du premier secrétaire de l’USFP Driss Lachgar qui considère que la refonte du quotient électoral ne pose aucun problème de constitutionnalité, arguant que les lois du code électoral ont toujours été revues et adoptées dans le consensus.
Cela dit, la vraie réforme – qui a vraiment besoin d’un consensus politique sincère et solide – qui déterminera la qualité du prochain Parlement a trait au quotient intellectuel des députés qui de l’avis de tous vole de plus en plus bas. L’amélioration du niveau de l’institution parlementaire ne tient qu’aux partis qui ont pris l’habitue d’accréditer généralement des candidats aux parcours douteux nantis en avoirs et très peu en savoir… Les préparatifs des prochaines législatives s’annoncent compliqués. Chaque parti voit midi à sa porte. Dans son mémorandum soumis au ministère de l’intérieur, la principale revendication du PJD a trait au relèvement du seuil électoral de 3% à 6% qui est selon lui de nature à renforcer « la rationalisation de la carte politique ». Or, les autres partis ne voient pas d’intérêt à toucher à ce taux.
Pouvoir
La révision du découpage électoral, chantier stratégique, s’il en est, est également à l’ordre du jour tout comme les dossiers en relation avec la représentation des femmes et des jeunes, le vote des Marocains de l’étranger et le jour du scrutin. Sur ce dernier point, de nombreux partis ont exprimé le souhait que les Marocains prennent le chemin des urnes le mercredi et non pas le vendredi comme c’est l’usage jusqu’ici, le PJD étant accusé d’utiliser la prière du vendredi pour influencer la communauté des fidèles. Pour se maintenir au pouvoir, les islamistes misent surtout sur leurs obligés dans les quartiers défavorisés dont la fidélité électorale est entretenue bon an mal an par la charité politique (prise en charge des frais d’inhumation, circoncision, achats de médicaments, de fournitures scolaires…) via une myriade d’associations dont les noms évoquent la solidarité et la générosité. Là se trouve le gros du matelas électoral du PJD, qui a su transformer la pauvreté d’une partie de la population en miel électoral.