L’opération Marhaba, ce grand programme de retour au bercail de nombreux Marocains de l’étranger, pour y passer...

L’opération  Marhaba, ce grand programme de retour  au bercail  de nombreux  Marocains de l’étranger, pour y passer le mois de Ramadan ou leurs congés d’été n’aura pas lieu cette année. Le Covid-19 est passé par là. Comment les Marocains du monde ont vécu cette situation exceptionnelle, confinés  dans leur pays d’accueil ?  Témoignages…

1,25 million en France, 880.000 en Espagne, 700.000 en Belgique, 180.000 en Allemagne… Eux, ce sont les Marocains résident à l’étranger (MRE).  Chaque année, ils sont nombreux à revenir au pays pendant le mois de Ramadan ou en été. Une séquence  pas comme les autres qui leur permet de se ressourcer entre retrouvailles familiales et redécouverte des attraits du Royaume.   Du 5 juin au 1er septembre 2019, quelque 2,5 millions de passagers et 600.000 véhicules ont transité dans les deux sens via les quatre ports marocains, Tanger Med, Tanger Ville, Nador et Al Hoceima. Cette année, l’opération Marhaba 2020 est sérieusement compromise. Les frontières terrestres étant fermées tout comme et les espaces maritime et aérien, les MRE sont appelés à  passer leurs vacances d’été dans leur pays de résidence.

Le fait de ne pas pouvoir passer le mois sacré et leurs vacances de juillet-août  dans le Royaume est vécu par beaucoup comme une double peine. Passer le Ramadan en Occident en temps normal c’est déjà une épreuve difficile pour les MRE. Le vivre dans le confinement, sans possibilité de se retrouver après la rupture du jeûne entre familles et copains, ajoute à leur souffrance.    

Cependant, tous ne sont pas prêts à prendre le risque de faire le voyage du Maroc même si les frontières sont rouvertes d’ici là : «Même après la levée du confinement, il faudra réfléchir avant de se décider, il ne faut pas partir la tête baissée, explique El Mahdi Taïb, commercial à l’international et conseiller sportif dans les médias, basé à Paris. Il ne faut pas rêver, nous ne pourrons pas aller de pays en pays comme avant, il faut attendre que les choses se stabilisent chez tout le monde». Un point de vue  partagé par Sarah Benbouazza, architecte installée en France  qui  pourtant  «brûle d’envie » de  rendre visite à ses proches restés au pays.

D’autres comme Ourras Khalid, directeur développement hypothécaire à Montréal, n’envisagent un retour qu’en 2021. «Je voyage au Maroc une à deux fois par an, je n’ai pas de préférence, je descends au Maroc dès que ma famille me manque. La première chose que je ferais après le Covid, c'est de faire venir mon père et ma mère chez moi, et au cours de  l'année 2021,  je me rendrais au Maroc », nous déclare-t-il.

Idem pour Asmaa Wakine, vivant actuellement au Brésil. Elle avait pour habitude d’accueillir sa mère chez elle durant le mois de Ramadan, elle le passe cette année seule, mais compte bien partir  dès que possible : « Dès que les espaces aériens  seront rouverts à la navigation aérienne,  je sauterais dans le premier avion pour revenir au bercail ».

Les réactions sont différentes, notamment face aux restrictions liées au Covid-19. Sur ce plan, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. En France, le déconfinement intervenu le 11 mai est venu après l’instauration d’un confinement strict avec autorisation dérogatoire pour sortir faire ses courses, aller chez le médecin ou rendre visite à une personne âgée. La situation est différente au pays de Erdogan où les mesures du confinement ont été assouplies; comme l’explique au Canard Libéré Ayman Kadiri Alaoui, étudiant à Istanbul. «En Turquie les autorités ont bien géré la crise. La fermeture des écoles, universités, centres commerciaux ainsi que l'obligation du port du masque et des gants dans les lieux publics… L'État applique un couvre-feu chaque week-end. Mais, il est possible pour les personnes âgées de 20 à 65 ans de sortir durant la semaine sans restriction ».

Au Brésil, le président Jair Bolsonaro, partisan de la poursuite de l’activité économique et sociale, n’a cessé de plaider pour une levée des mesures de confinement décidées par certains gouverneurs de régions alors que le  pays est touché de plein fouet par le coronavirus… «Au Brésil, ce n’est pas le confinement strict», nous explique Asmaa Wakine installée au Sud du pays. On sort faire nos courses tranquillement. Ce n’est que récemment que le port du masque est devenu obligatoire. Certains salons de coiffure, petits commerces, restaurants… ont d’ores et déjà repris leur activité. La vie commence à reprendre son cours comme le réclame  le président Bolsonaro qui mise sur l’immunité collective plutôt que le confinement dont il dénonce le coût économique et social exorbitant».  

La solitude, une habitude…

«Ce qui m’a le plus stressé c’est la fermeture des frontières, je me suis immédiatement sentie seule, coupée  du monde, vu que j’habite sur un autre continent. J’ai sangloté dans mon coin car je ne savais pas quand les vols reprendront », ajoute Asmaa Wakine émue.

En cette période de Ramadan et de confinement, il faut avoir une pensée pour  ces personnes qui ont l’habitude de  vivre dans la solitude et  pour qui le confinement ne change finalement pas grand-chose. « Mon Ramadan en confinement n’est pas tellement différent des précédents, puisque j’ai l’habitude de le passer seul. C’est plutôt en été que je me rends au Maroc pour me ressourcer», déclare Badr El Battahi, ingénieur informatique à Abu Dhabi.

Pour sa part, Latifa est veuve et vit seule aux Etats-Unis depuis quelques années. Un de ses fils vit près d’elle et tente de lui rendre visite le plus souvent possible, mais c’est plus compliqué avec le confinement. Quant à son second enfant, il lui est difficile de lui rendre visite puisqu’il vit dans une autre ville. «En étant seule, je m’inquiète pour ma famille qui vit loin de moi au Maroc, mais aussi pour mes enfants et mes petits-enfants. Pour m’occuper l’esprit, depuis le début du confinement, je passe mon temps à organiser ma maison et échafauder quelques projets ».

Latifa ne quitte sa maison que pour se rendre chez son médecin traitant, tout comme Fadwa, marocaine résidente en Égypte, qui ne sort de chez elle que pour aller consulter  son gynécologue. Enceinte de 8 mois, elle se fait un peu de souci quant aux conditions dans lesquelles elle pourrait accoucher.» A l’angoisse de l’accouchement s’ajoute le stress du confinement et du coronavirus, ça fait vraiment peur ! », confie-elle.

La solitude et la nostalgie du pays se font surtout ressentir pendant le mois de Ramadan,  connu pour être propice aux retrouvailles et aux rencontres des membres de la communauté et que le confinement généralisé a compromis.

« Le confinement nous a privé des  prières collectives que nous avions l’habitude de faire dans la mosquée. Ce contact direct dans la piété et le recueillement  nous permettait  de détecter les personnes qui sont dans le besoin pour les aider. Certes, on peut le faire via les réseaux sociaux mais ce n’est pas la même chose», nous confie El Mahdi Taïb. Dans le même pays, en France, tous ne  vivent pas le contexte du Covid-19  de la même manière: « Je vis très bien le Ramadan  en étant confiné! Cependant, la mosquée, la famille et les échanges humains me manquent beaucoup », indique pour sa part Mourad Attabou, chef de projet immobilier.

Les musulmans pratiquants, à l’image de Badr El Battahi  n’ont d’autre choix que de faire leurs prières en solo ou en famille,  à la maison. « Les traditions pendant cette période me manquent beaucoup», souligne Latifa L. Un rituel propre au mois sacré manque à tous les expatriés que nous avons interrogés : La table ramadanesque garnie de multiples chehiwates (délices) qu’en temps normal la plupart d’entre eux se débrouillaient pour en recevoir grâce  à la famille restée au pays.

Nissrine, installée à Bruxelles depuis 20 ans,  s’est proposée  de confectionner la chebbakia pour tous ses amis  pour que le poids  de l’éloignement soit moins pesant. «Que je sois au Maroc ou pas, c’est moi qui fais les recettes, j’étais chef cuisinière dans un grand hôtel, j’ai donc gardé le rythme, et si ça peut faire plaisir en cette période de solitude, pourquoi pas ! ».

Si Nissrine vit avec sa fille et son mari, d’autres sont seuls face à la cuisine. Contraints de cuisiner eux-mêmes, du fait de la fermeture des restaurants pour cause de coronavirus, certains ont mis à profit cet enfermement ramadanesque  pour apprendre à réaliser certains mets typiques du ramadan. « La cuisine n’est pas mon fort. Mais avant l’appel de la prière de lmaghreb,  je me débrouille avec les moyens du bord pour préparer  mon  ftour, déclare Khalid Ourras. Heureusement que les Marocains ici à Montréal sont très généreux et très accueillants». Aymane Kadiri Alaoui, dont c’est la première année d’expatrié,   veut, lui aussi apprendre à cuisiner les plats traditionnels marocains qui commencent déjà lui manquer. Attachés pour plupart à leurs traditions, nostalgiques des spécificités de leur terre natale,  les Marocains de l’étranger, obligés de vivre  loin de leurs familles, s’efforcent souvent de reproduire l’ambiance du pays dans la vie communautaire.

« Je regarde les séries télévisées du ramadan sur mon ordinateur pendant que je romps le jeûne», explique Asmaa Wakine. Être connectée ainsi à mon pays natal me permet de ne pas manger toute seule. » Nostalgie, quand tu nous tiens!

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