CANETON FOUINEUR

Le drame d’un enfant qui a tenu le monde en haleine

Rayanmania planétaire
Ahmed Zoubaïr
10/2/2022 0:46
Un drame qui a réveillé les consciences endormies aux quatre coins du monde...

Qui aurait pu imaginer que la chute d’un gamin de 5 ans dans un puits asséché dans un douar poussiéreux du nord du Maroc déclencherait...

Qui aurait pu imaginer que la chute d’un gamin de 5 ans dans un puits asséché dans un douar poussiéreux du nord du Maroc déclencherait un torrent émotionnel d’envergure mondiale ?

Des enfants meurent par dizaines, soit accidentellement soit sous les bombes, en Palestine, en Syrie et ailleurs, dans une superbe indifférence planétaire. Anonymes ils sont, anonymes ils disparaissent. Tant de malheurs et de massacres, qu’ils soient d’origine naturelle ou humaine, s’abattent régulièrement sur le monde que plus rien ne touche grand monde. A force de se produire, ces tragédies se sont tellement banalisées qu’elles n’ont même plus droit au moindre entrefilet dans la presse. Personne ne veut voir ces effusions de sang d’innocents dans des conflits armés absurdes ni savoir qu’il existe des millions de personnes qui meurent de faim dans un monde d’abondance! Consciences endormies par des futilités en pagaille et un égocentrisme poussé à son paroxysme.

Le drame du petit Rayan, 5 ans, tombé par accident mardi 1er février dans un puits asséché de 32 mètres, exigu et difficile d’accès, dans un patelin poussiéreux à Chefchaouen au nord du pays, est venu subitement réveiller les consciences aux quatre coins du globe dans un torrent généreux de marques de soutien et de solidarité qui font chaud au cœur. Au Maroc et à l’étranger, tous prient dans une communion extraordinaire pour que Rayan soit sauvé comme s’il était un des leurs. Il ne le sera pas hélas malgré la mobilisation des pelleteuses aidées des mains expertes de Ali Sahraoui pour le sortir de son piège mortel. C'est le dans la soirée du samedi 5 février que le décès de l'enfant, dont les obsèques ont lieu dans son patelin natal, sera annoncé via un communiqué du cabinet royal qui nous apprend que le souverain, très touché par cet accident tragique, a décroché son téléphone pour présenter ses condoléances aux parents de Rayan. Certes, ainsi va le destin et il est imparable. Mais dans ce déluge émotionnel, des questions fusent tout de même sur le choix de l’opération de sauvetage adoptée.  

Étant face à une situation d’urgence où la moindre seconde compte, ne fallait-il pas tenter une autre solution plus rapide et faire appel en même temps aux experts européens dans ce domaine ? Suivie minute par minute sur les réseaux sociaux  par des millions d’internautes tenus en haleine comme dans un film plein de suspense, la course contre la montre engagée par les secouristes marocains a duré 5 longs jours ponctués d’espoirs de le sortir en vie. Trop de temps perdu, sauf miracle, pour que les chances de sa survie soient réelles. Ce qui n’enlève rien au mérite des sauveteurs dont la mobilisation non-stop a suscité l’admiration de tous. Du monde arabe jusqu’en Afrique en passant par l’Europe et les États-Unis, le sort du petit Rayan, soudain élevé au rang de l’on ne sait quel symbole, a suscité une vive émotion. Sans précédent. Que ce soit parmi le tout-venant digital ou chez les personnalités de renom issues d’horizons divers, les réactions d’empathie ont explosé, gommant au passage les idéologies et les préjugés qui alimentent la haine et font ériger des frontières de méfiance et d’incompréhension entre les hommes. Le drame de Rayan a fait réagir de la même façon le président français Emmanuel Macron qui a affirmé sur son compte tweeter  «partager la peine de la famille et du peuple marocain » et la patronne du Rassemblement national, parti de la xénophobie et du racisme, Marine Le Pen, qui a tweeté que « cette tragédie nous touche tous ». De son côté, le Pape François a fait part de son admiration pour un peuple entier rassemblé « pour sauver un seul enfant », tandis que la sénatrice italienne Daniela Santanché a écrit : « Nous avons prié et espéré un miracle. Le Maroc n’est pas le seul à pleurer Rayan ».

Contrairement à ce que l’on est tenté de penser, l’humanité n’est pas morte. La planète est encore peuplée d’êtres humains capables du meilleur, qui se sentent touchés par les malheurs des autres, survenus au bout du monde, et prompts à interagir avec les événements douloureux. Taxés de tous les maux, les réseaux sociaux ne servent pas seulement à flatter l’ego virtuel dans des proportions démesurées ou à véhiculer la manipulation des esprits, les fake news et les théories de complot les plus farfelues. Ils peuvent aussi, grâce à leur instantanéité, faciliter l’engouement pour une cause, tout en supprimant les distances et les frontières. Jouer le rôle d’un puissant vecteur d’amour et de solidarité entre les hommes qui nonobstant leurs différences se comportent face à une tragédie comme une seule famille… En somme, Internet a montré qu’il a les ressorts pour devenir un excellent outil de rapprochement des peuples autour  des valeurs humaines qui font que l’homme n’est pas un loup pour l’homme et que les puissants dans ce bas  monde ne restent pas insensibles aux malheurs qui frappent les gens humbles. De quoi cette Rayanmania planétaire, partie d’un puits qui scellera le sort d’un petit enfant, est-elle in fine le nom? D’une rédemption, diront les croyants, la seule capable de sauver un monde qui pour avoir vendu son âme au diable se retrouve empêtré dans de multiples dérives et des crises plus ténébreuses  que le fond d'un puits  étroit et asséché…

« Conscience collective virtuelle »

L’Observatoire des Opinions Publiques Numériques s’est intéressé au phénomène Rayan sous un angle numérique depuis le début de la tragédie le mardi 1er février et l’annonce du décès du gosse le samedi 7 du même mois. «L’intérêt des internautes pour ce sujet dramatique a réellement commencé le 3 février. A partir de ce jour-là, le sujet n’a fait que prendre de l’ampleur, pour atteindre son apogée le samedi 5 février », lit-on dans l’analyse de cet observatoire établi au Maroc. Cet accident, dont le suivi a dépassé les frontières nationales grâce à la puissance des réseaux sociaux, a généré une audience impressionnante soulignée par les chiffres : 1,76 milliard de personnes touchées, pour 127.000 publications et 45 millions de vidéos sur Youtube en seulement 4 jours !  Une performance remarquable révélée aussi par le taux d’interaction qui a atteint 3,5%, ce qui est un record lorsque l’on sait que le taux d’interaction moyen sur Facebook tourne autour de 0,1%. L’Observatoire des Opinions Publiques Numériques parle d’une «conscience collective virtuelle» d’envergure mondiale. La réalité battue par la virtualité ? Pas vraiment. Le phénomène Rayan a jeté une lumière crue sur une autre réalité moins reluisante que les  images véhiculées par les réseaux sociaux. Celle d’un Maroc des campagnes enclavé, pauvre et marginalisé où les enfants risquent de tomber dans un puits en jouant dehors.

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