CANETON FOUINEUR

Le séisme de Al Hoceima 20 ans après…

Sur les traces des pupilles de la nation
Amine Amerhoun

Le statut de pupilles de la nation sera accordé aux orphelins du séisme d’Al Haouz, après leur recensement. Mais avant de pousser un...

Mieux protéger

La vie de pupille de la nation, comme le montre la petite enquête du Canard parti sur les traces de quelques orphelins du séisme d’Al Hoceima, n’est pas facile. Les allocations qu’ils perçoivent au titre de  leur statut jusqu’à la majorité sont des allocations de survie. Pas de nature à leur ouvrir les portes d’une vie décente ni à leur faire envisager l’avenir avec confiance. Or derrière la décision de mettre en place le statut de pupille de la Nation figure un objectif majeur : donner à ces enfants devenus subitement orphelins du fait d’un évènement extraordinaire (guerre, séisme, terrorisme…) une bonne éducation. Dans les faits, on est encore loin du compte. Les facteurs aggravants sont l’inexistence d’une aide au logement significative, d’une prise en charge médicale en bonne et due forme et, s’agissant des tuteurs, généralement démunis, l’absence du moindre soutien financier alors que l’éducation des orphelins dont ils héritent impliquent de lourds sacrifices. La moindre des choses c’est qu’ils puissent être payés en retour pour pouvoir subvenir à leurs propres besoins immédiats. La loi sur les pupilles de la nation gagnerait, à la lumière de ces insuffisances, à être révisée  de telle sorte que l’adoption par la nation soit un vrai statut protecteur et un chemin de traverse vers  la précarité. Le séisme du 8 septembre a fait quelque 10.000 orphelins dont il va falloir bien s'occuper pour les sauver des dangers qui les guettent  comme la rue et autres réseaux de pédophilie... Les enfants abandonnés  en général, qu’ils soient enfants de la rue ou ayant perdu leur parents ou soutien financier, est un vrai sujet au  Maroc qui mérite d'être pris à bras-le-corps par le gouvernement.  

Oubliés des politiques publiques, ne figurant pas sur la réalité statistique, ils n’ont fait l’objet  d’aucune enquête  nationale abordant leurs différents parcours ( scolaire,  social et professionnel) ainsi que leur vie affective et  problèmes de socialisation . Et pourtant, il y a un intérêt capital à dresser le profil de ces accidentés de la vie et sonder leurs difficultés et attentes, sachant qu’une bonne partie de cette population percluse de fragilités est prise en charge par les orphelinats publics et des associations privées. Dans les structures étatiques, qui défraient régulièrement la chronique, les conditions d’accueil et de vie des pensionnaires laissent beaucoup à désirer… Dans ce domaine social sensible, il y a certainement beaucoup de choses à rectifier, des initiatives à soutenir et à généraliser compte tenu de la viabilité de leur modèle. A l’image de l'association  Bab Rayan à Casablanca qui offre à ses petits résidents  non seulement le gîte et le couvert dans un vrai internat mais une école trilingue novatrice ainsi qu’un institut de formation en restauration/hôtellerie avec en prime un suivi professionnel rigoureux.

Le statut de pupilles de la nation sera accordé aux orphelins du séisme d’Al Haouz, après leur recensement. Mais avant de pousser un soupir tant désiré de soulagement, une question se pose : ce statut est-il une panacée ?

Jeudi 14 septembre, un peu moins d’une semaine après le terrible tremblement de terre qui a frappé les régions d’ Al Haouz et Taroudant,  le roi Mohammed VI  donnait des hautes instructions pour que les enfants, adolescents et jeunes (de moins de 20 ans), devenus orphelins suite au séisme, soient recensés et que leur soit accordé le statut de pupilles de la nation. Une information qui en a soulevé des vivats et des « hourras! »… Car beaucoup de Marocains, pour ne pas dire tous se faisaient un sang d’encre pour ces pauvres petits. Sur les réseaux sociaux, l’intérêt est de mise : « Mais que signifie ce statut de pupille de la nation ? », demandaient les uns. « Que l’Etat prendra en charge tout ce qui concerne les enfants jusqu’à ce qu’on soit sûrs et certains qu’ils vivront bien », « Plus rien à craindre de la vie, pour les petiots ! », répondaient les autres. Une femme, sous le coup d’un feeling étrange ou d’un optimisme extravagant mais louable, a même écrit: « C’est sûr! Ces enfants deviendront de hauts dignitaires et cadres de l’Etat ». En attendant, le Canard a décidé de partir sur les traces de quelques pupilles de nation du séisme d’El Hoceima de 1994   pour savoir ce qu’ils sont devenus et s’il y a des réussites à raconter  dans leurs rangs.


Elémentaire, mon cher Jilali !


Par contre, avant d’aller plus loin et de rentrer dans le vif du sujet, il est nécessaire de considérer deux choses : la première est que, bien que nous mettions ici des témoignages, il est primordial de les prendre avec des pincettes, sans les considérer comme des généralités. Question de déontologie. Peut-être reflètent-ils les positions et opinions générales, mais tout bien considéré peut-être aussi que non. Nous ne saurions en être sûrs. L’entité chargée des dossiers des pupilles de la nation est une structure militaire, la Fondation Hassan II pour les, œuvres sociales des anciens militaires et anciens combattants (OSAMAC) , qui, fidèle à la réputation bien méritée de la Grande Muette, nous a envoyés balader nous et nos questions, sous prétexte du caractère militaire (l’administration en charge) de ce sujet manifestement on ne peut plus civil. Le bon sens est souvent pris en raillerie par la réalité. Quoi qu’il en soit, nous avons donc fait avec les moyens du bord, et avons questionné ceux que nous pouvions et que nous avons trouvés. Voilà, c’est dit ! La seconde considération à prendre découle directement de la première : avis général ou non, même des exceptions, même si ces témoignages recueillis ne reflètent que l’avis de ces quelques personnes dont nous vous faisons parvenir les dires, et que tous les autres sont aux anges et rendent grâce jour et nuit pour ce statut de pupille de la nation, nous, nous trouvons que c’est déjà beaucoup, qu’ils sont bien trop nombreux, et que pour ces rares personnes il faut également des solutions. Pourquoi ?! C’est simple : voudriez-vous vous faire du mouron pour quelques orphelins du séisme d’Al Haouz ? La réponse, pour nous, est assurément non. Il en est hors de question, tout simplement. Et nous pensons qu’il en est de même pour vous ; les amis, tout du moins. Mais… ne vous y détrompez pas! Leurs positions peuvent bien encore être générales (et, dans un monde idéal, elles devraient l’être jusqu’à preuve nécessaire du contraire, vu ce mutisme de l’administration concernée), ou ces positions peuvent-elles encore, vraisemblablement, dans les faits, refléter celles de l’unanimité, pour des raisons qui apparaîtront claires comme de l’eau de roche après lecture de cet article.


Des sujets qu’il ne faut surtout pas taire !


Commençons cette descente (de la drogue du bonheur bienveillant ou de celle de l’apaisement) par le « relativement célèbre » Mourad Ouayaou, aujourd’hui trentenaire. Adopté par la nation , il est tristement connu car il détient, malheureusement, deux sombres «records », des records qu’on ne souhaiterait pas à son pire ennemi ; surtout le premier. Le premier, le plus notable donc, est (à ses dires) que c’est le seul orphelin du séisme d’Al Hoceïma à avoir perdu toute sa petite famille lors de ce cataclysme. Père, mère, fratrie (deux frères et une sœur), tous sont décédés. Seul lui en est sorti indemne. Il avait 11 ans au moment de la tragédie. « C’est un miracle que j’aie survécu, j’en suis encore parfois surpris! », nous confia-t-il. En effet, tout ça tient du miracle, et ce seul fait de perdre toute sa famille en quelques secondes devrait faire en sorte qu’on en prenne grand soin de Mourad. Mais c’est sa grand-mère et non pas l’administration concernée qui a pris en charge ce pauvre miraculé … Le second record qu’il a établi, et nous ne faisons que le déduire d’après nos investigations, concerne tout ce qu’il a fait, depuis qu’il est en âge de le faire, pour faire valoir ses droits, auprès de la fondation, et le nombre de fois où on l’a rembarré. Des lettres, des coups de fil, des déplacements sur place, sur rendez-vous ou à l’improviste, des plaintes auprès de médias, des recours, des doléances, des coups de gueule… il a tout essayé, et nous pensons que c’est l’orphelin du séisme d’Al Hoceïma qui leur a le plus tapé sur les nerfs, dans la compétition en solo (il y a eu des manifs’ après le séisme ; compète en équipe) : « Tout le monde me connait là-bas, à Rabat, Nador, partout. Une fois, on m’a même jeté dehors! » En un mot, il serait devenu quelqu’un qu’on évite. Est-ce lui qui exagère et en demande trop ? Jamais il n’a reçu, affirme-t-il, plus de la somme prévue par le Dahir n° 1-99-191 même s’il en avait grand besoin et même si ce Dahir lui-même stipule que « lorsque les pupilles de la Nation ne disposent pas de ressources permettant de faire face à leurs besoins ou lorsque les personnes ayant légalement l'obligation de leur entretien ne sont pas en mesure d'y subvenir, l'Etat prend en charge, en tout ou en partie suivant les cas, les frais d'entretien, de santé, d'apprentissage et d'études nécessaires à leur développement normal ».

L’Etat a certes pris en charge Mourad, en lui octroyant trimestriellement une somme d’environ 3.750 dirhams, soit 1.250 dirhams par mois Mais est-ce qu’une somme pareille est à-même de garantir le développement normal d’un enfant dont les tuteurs sont en plus démunis ? Question rhétorique, bien évidemment, car à peine pourrait-elle, péniblement et à renfort de calculs précis et de parcimonie nécessaire, écarter de quelques pouces les spectres de la faim, du froid, de la soif, et des ténèbres (nourriture dans son sens le plus… dénudé, vêtements, eau et électricité). C’est déjà ça, oui, mais… il n’y a pas que ça dans la vie, pour assurer le « développement normal » d’un enfant. Mourad nous donne le topo : « Cette somme ne suffit pour rien ! Pour absolument rien ! Quand je poursuivais mes études à la faculté, par exemple, qu’aurais-je pu faire avec cette somme ? Louer ? Acheter les ouvrages et les fournitures nécessaires? Prendre un bus ou un taxi depuis Al Hoceïma jusqu’à Tétouan ? Acheter de la nourriture ? M’habiller ? Non. Cette somme ne suffit pour rien ! » Soulignons que Mourad a obtenu une licence en Droit privé l’année dernière.

Toutes nos félicitations ! C’est vraiment admirable. Et ne parlons pas de bourse d’études, je vous prie ; c’est pire ! 1.350 dirhams à peu près trimestriellement et 1.800 le dernier trimestre ? A quoi ça peut bien servir ? De l’argent de poche? (Ah ! Les deux combinées ?! Bourse et allocation ! Hum… Un petit peu mieux, il est vrai… Mais il faut encore qu’il se serre la ceinture ! Et n’oubliez pas sa grand-mère… La gentille et démunie dame qui l’a élevé… Nous présumons qu’elle ne se nourrit ni d’herbe ni de cailloux.)

Ikram, autre pupille de la nation, restée seule avec son père après la mort de sa mère lors du séisme d’Al Hoceïma, est du même avis : « Mon père a un handicap depuis le séisme et il ne peut travailler que très occasionnellement. Je poursuis actuellement mes études à la faculté, à Tétouan, et je peux vous dire que l’argent de l’allocation combiné à celui de la bourse d’études ne suffit vraiment pas du tout. Je suis souvent obligée de ne pas assister à des cours très importants rien que parce que je n’ai pas les moyens de me rendre à Tétouan. On combat, pour étudier. Et on combat, pour vivre ! » Donc, oui ! C’est possible. Mais ça reste très difficile, même avec les deux combinées : allocation et bourse d’études. Bon courage et bonne chance, Ikram ! Il t’en faudra…

Et ce n’est d’ailleurs pas du montant de l’allocation que Mourad se plaignait auprès de la fondation Hassan II. Mais d’autre chose, de plus grave. L’allocation, elle, tout le monde l’accepte avec résignation. Même si tous, tous ceux qu’on a questionnés (et on ne citera pas tout le monde ici, par souci d’espace), sont d’accord qu’elle ne sert à pas grand-chose. Mais personne ne crache dessus parce que chaque petit sou compte ! Par contre, il fallait bien en parler. Car les gens, eux, pensent que hourra ! les orphelins auront toujours suffisamment de quoi vivre. Nuance : de quoi survivre. Et parfois même pas, quand il y a trop de bouches à nourrir par exemple, ou quand quelqu’un tombe gravement malade, ou lors de n’importe quelle dépense imprévue. Il faut ici savoir que ce n’est pas une allocation pour chaque orphelin, mais une allocation pour tous les orphelins d’une même famille, divisible à parts égales entre eux. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de citer les membres d’une famille de… huit ! Huit orphelins! Patience…

Bref, drôles de pupilles de nos yeux. Surtout vu leur nombre : 141 (le nombre de pupilles de la nation du séisme d’Al Hoceïma) ! 141 seulement et… pas grand-chose pour eux. La terre se met toujours en branle sous les pieds de beaucoup d’entre eux, à chaque nécessité de la vie. (Imaginez une facture d’électricité de 50 dirhams de plus que ce qu’ils ont l’habitude de payer.

Ou, rêvons un peu, car cela ne coûte rien de rêver, supposons que l’un des gosses a absolument besoin d’un téléphone ou… d’un ordi ! « La cata-a… »). Soulignons ici que la Fondation aide également les pupilles scolarisées avec une allocation annuelle de 3.000 (études supérieures), 2.000 (collège ou lycée) ou 1.000 dirhams (primaire), à en croire Mourad, qui rajoute un fait important : « Parfois ils nous la donnent, parfois non. Ils nous disent alors qu’il n’y a pas de budget ». Nous ne pouvons malheureusement pas vérifier ces propos. Mais, dans tous les cas, on a certes vu rentrées d’argent plus décentes pour assurer la subsistance d’une famille.


Méchants tuteurs de pupilles de la nation!


Car l’Etat, malgré le caractère surprenant de la chose, ne prend pas en charge la famille qui accueille l’orphelin, mais seulement l’orphelin… Mais… l’orphelin il vit où ? Ben au sein d’une famille. On ne va pas le nourrir, lui, et mourir de faim, nous. Voilà une des failles des textes de loi. Comme s’ils responsabilisaient les tuteurs sans les soutenir financièrement. Cela devrait changer pour le bien des orphelins et leur épanouissement. Résumons pour voir : si le tuteur est démuni alors, tope-là ! allocation pour l’orphelin accordée. C’est ça ?! Mais… Et le tuteur démuni, il se nourrit comment ?! Il regarde l’orphelin manger alors que lui, lui échappent de malencontreux gargouillis d’estomac par-ci par-là, qu’il essaie de camoufler, comme dans les dessins animés ? Il lui achète des fringues et des chaussures et lui se drape d’un sac de farine (ou d’un pagne en lambeaux à la Tarzan) et va nu-pied, par respect envers l’esprit des textes de loi et le destinataire qu’ils imposent, le destinataire réel de l’allocation ?! Cela n’a pas de sens, n’est-ce pas ?! En fait si, les pupilles de la nation sont majoritairement des enfants de militaires, des militaires dont les épouses et enfants héritent probablement de la pension. Ces textes de loi semblent pensés pour eux. Pas pour les sinistrés des séismes… D’où la nécessité de réviser  le dispositif afin d’en adapter   les dispositions à  la réalité. Pour en revenir à Mourad, il faut encore énoncer deux points, les deux points essentiels qui l’ont réellement fait sortir de ses gonds. Ces deux points sont : la santé et le logement ! Pour ce qui est de la santé, quand on lui demande si la Fondation s’est révélée utile quand il en avait besoin, Mourad nous dépeint un sombre tableau en énonçant un exemple qui, pour lui, semble tout dire : « Non, ils ne servent à rien côté santé. Une fois, j’avais une opération chirurgicale à faire et j’ai envoyé mon cousin à la Fondation pour qu’ils viennent l'assister. Ils lui ont répondu qu’ils ne pouvaient rien faire pour moi ! » Quant au logement, à lui seul c’est toute une histoire. En résumé, à un moment, la Fondation lui a donné le loisir de choisir ce qu’il voulait : un agrément de transport ou un logement. Mourad, souhaitant alors et souhaitant toujours aller le plus loin dans ses études, opta pour l’agrément de transport. « Avec une rentrée d’argent stable, je pourrais continuer mes études sans stress ! », s’est-il alors extasié C’était super. Mais les mois passaient et toujours aucun agrément en vue. En allant se renseigner auprès de  l’administration civile en charge de ce type de dossier, on lui répondit : « Non ! Non ! Aucun Mourad Ouayaou d’inscrit chez nous ! » Sentant qu’il allait probablement se faire duper, Mourad se rabattit sur ce qu’il pouvait le plus facilement atteindre : le logement. Il en informa donc la fondation : « La Fondation a alors envoyé un expert  chargé de définir combien il faudrait pour bâtir mon logement. Ce dernier a estimé les coûts à environ 13 millions de centimes. La Fondation m’a envoyé, plusieurs mois après, la somme ridicule de 10.000 dirhams. C’est ce qu’elle voulait dire par le mot logement ». On commence à comprendre un peu pourquoi Mourad s’était mis en mode Taz, le diable de Tasmanie… Furax!, qu’il était.


Plus on est d’orphelins, moins on rit…


L’histoire qui suit est pour le moins émouvante. Alors que nous bavardions avec Salma El Malki, une pupille de la nation du séisme d’Al Hoceïma, et qu’elle venait de nous dire qu’elle recevait trimestriellement de la part de la Fondation  la maigrelette somme d’environ 950 dirhams entre autres doléances concernant la santé et le logement («après le séisme nous avons vécu trois ans dans une tente», a-t-elle déclaré par exemple), un calcul rapide au déclenchement inconscient nous a permis de comprendre et de nous écrier : « Vous êtes donc quatre orphelins dans votre famille ! » Et comme nous nous trompions… « Quatre ?, répondit-elle en riant, non huit ! Nous sommes huit orphelins. Et c’est notre grand frère qui a quitté ses études à Oujda pour revenir à la maison et prendre soin de nous ? » Et quel âge avait ce grand frère pour venir prendre en charge sept orphelins ? « Il avait alors 25 ans ». Un héros ! A 25 ans faire ça ?! C’est assurément avec lui qu’il faut parler, Salma. Mets-nous en contact et oust ! Allez, du balai ! Et sans rancune. « Ha, ha ! Non, aucune rancune ! Je l’aime énormément, mon grand frère. Et c’est vrai que c’est quelqu’un d’extrêmement louable ! C’est d’ailleurs lui qui sait tout… »

Elle n’avait pas tort. On a trouvé en Mohamed El Malki un autodidacte, très instruit, connaissant les textes de loi par cœur et fort aimable en passant. Il avait même créé des regroupements de familles sinistrées, dans la commune rurale d’Imrabten, chose qui leur a permis de se voir octroyés, eux et plus de 600 autres familles de la même commune, de bons logements de 100 mètres carrés chacun : « Notre commune est la seule à avoir reçu des logements décents. Les autres ont eu droit soit à des logements économiques, soit à de l’argent, 30.000 dirhams par famille, soit à des aides en nature pour reconstruire : 10 tonnes de ciment, je ne sais plus combien de fer… Certains ont vendu ces matériaux pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Les gens doivent toujours penser à s’organiser, à s’instruire et à faire preuve de patience pour faire valoir leurs droits ». Et non, il ne suivait pas des études de droit, ce brave jeune homme, mais des études de Beaux-Arts. Et il a passé quelque temps en prison pour ses manifestations… Ce n’était pas une sinécure. Pour ce qui est des pupilles de la nation, nous nous permettons de résumer ses propos : les allocations accordées sont très basses, surtout pour les jeunes qui doivent poursuivre leurs études ailleurs, le droit aux soins de santé quasiment inexistant (il déclare : « Mais oui, certains en ont profité, dans d’autres hôpitaux que les hôpitaux militaires ») sauf si on se rend dans les hôpitaux militaires et donc qu’on peut s’y déplacer (« très peu ont déjà profité de ce genre de soins », dit-il), et pour l’emploi, la Fondation intercède surtout pour les fonctions dans la police, la gendarmerie, l’armée (« Je connais une dizaine de pupilles de la nation ayant accédé à ce types de fonction. Mais je n’en connais aucune ayant accédé à un autre type de travail dans l’administration »).


En parlant d’emploi !


Les textes de loi assurent que les pupilles de la nation sont priorisés pour l’accès aux fonctions publiques. Ils ont en fait droit à des quotas. Il nous fallait donc chercher des gens qui ont beaucoup postulé à des emplois dans l’administration; hors métiers susmentionnés qui ne sont pas faits pour tout le monde pour des raisons de capacité ou d’idéaux particuliers (car oui, la Fondation peut être très utile pour intégrer les métiers des forces de l’ordre) ; nous nous sommes donc orientés vers les enfants de militaires devenus pupilles de la nation, afin de savoir si les pupilles de la nation risquent le chômage à long terme (car le séisme d’Al Hoceïma ne remonte qu’à 2004), et nous avons trouvé plusieurs cas, dont deux très parlants, d’enfants de martyrs de guerre (pour la défense de la nation). Abdelkabir El Omari, 39 ans, pupille de la nation, travaille comme agent de sécurité, 12 heures par jour, pour nourrir ses deux enfants et son épouse. « Même mon jour de repos est tronqué de moitié car je travaille 6 jours par semaine, trois fois  la nuit et trois fois le jour.

Ce sont des conditions très pénibles, mais il faut bien nourrir ses enfants », nous confia-t-il. Ce dernier a un diplôme étatique de maintenance informatique et, depuis le temps, il a des fois postulé pour travailler dans l’administration (douanes, communes, auxiliaires d’autorité…), sans aucun succès. Tout ce que lui trouve la Fondation, qui contacte l’ANAPEC, c’est ce type de travaux. «Je travaille maintenant dans un chantier qui sera fini dans quelques mois, et je devrais alors me chercher un autre emploi », lâche-t-il avec une amertume très sensible. La stabilité, il ignore ce que c’est ! Quant à El Houcine, notre second exemple, qui préfère que ne soit pas mentionné son nom de famille. Titulaire d' une licence de littérature, il a plusieurs fois tenté de travailler dans l’administration, surtout dans l’enseignement. Mais, à 36 ans aujourd’hui, il est célibataire, encore au chômage, et habite avec ses cousins depuis le décès de sa mère.

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