CANETON FOUINEUR

Mohamed Ziane condamné à trois ans de prison ferme

Un avocat sans défense ?
Jamil Manar
24/2/2022 0:19
Mohamed Ziane dans la tourmente.

A 79 ans, l’ex-ministre des Droits de l’homme sous le règne de feu Hassan II, en délicatesse avec la justice sur plusieurs dossiers,...

A 79 ans, l’ex-ministre des Droits de l’homme sous le règne de feu Hassan II, en délicatesse avec la justice sur plusieurs dossiers, bascule dans le fait divers sensationnel.        

Un avocat expédié à l’ombre. Pour trois ans ferme. Cela n’arrive pas tous les jours. L’inculpé n’est autre que Mohamed Ziane condamné mercredi 23 février par  le tribunal de première instance de Rabat  dans plusieurs affaires sous pas moins de 11 chefs d’accusation : outrage à des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions », « injures contre un corps constitué », « participation à adultère », «incitation à la violation des décisions des autorités publiques relatives à l’état d’urgence sanitaire par des moyens électroniques », « aide et participation à l’immigration clandestine », « insulte à l’égard d’une femme en raison de son genre». La peine dont il a écopé semble clémente par rapport au chapelet de charges retenues contre lui. On prend beaucoup plus pour moins que ça.  

Ceux qui ne le portent pas dans leur cœur ont commenté ce verdict en privé avec « il l’aura cherché car il a poussé le bouchon trop loin ». Mais il aura cherché quoi au juste en poussant quel bouchon ? Les ennuis, confie sous couvert de l’anonymat un vieux routier du barreau cependant qu’un homme politique qui l’a côtoyé pendant ses années de gloire politique trouve que certains milieux - sans préciser lesquels - se sont acharnés trop sur lui au point de le pousser à bout. De là à penser que le procès qui lui a été intenté dégage des relents politiques, il n’y a qu’un pas que les rares amis de l’avocat sulfureux ont allègrement franchi.  

Mais Mohamed Ziane, l’avocat, est un agitateur-né. Et cela ne date pas d’hier. Sous le Maroc ancien, il était déjà une star du barreau et de l’hémicycle. Où il sait mettre le feu à l’ambiance. Avec un art consommé de la provocation. A sa façon. En vociférant, excité et hystérique jusqu’à la bave contre celui qui se met en travers de sa route et ose le piquer à vif. Sur ce terrain, maître Ziane, homme du sérail et avocat du pouvoir tombé depuis en disgrâce, n’a pas vraiment changé. Dans le style, mélange d’impulsion et de témérité, qui est le sien, il est unique. Et imbattable.

Sous les trémolos dans la voix et derrière les effets de manche, on devine un écorché vif non dépourvu d’un côté Don Quichotte.  Un caractère entier aussi qui défend sabre au clair ses convictions même si cela doit lui valoir quelques inimitiés. Et les idées de Mohamed Ziane sont d’abord libérales qu’il avait défendues dans les années 90 du temps où il était député sous la bannière de l’UC contre une certaine gauche, sa bête noire, incarnée notamment par l’USFP dont il pourfendait l’idéologie à coups d’entretiens dans la presse indépendante de l’époque incarnée par Maroc Hebdo. Il était un bon client qui faisait d’autant plus vendre du papier comme on dit dans jargon qu’il se distinguait par un franc-parler rare dans le microcosme politique national et dont le Maroc de feu Hassan II n’avait pas coutume. Un franc-parler qui lui faisait dire des vérités y compris sur son propre compte. C’est ainsi qu’il révéla un jour que Driss Basri - « il est mon ami mais c’est un roublard » - a falsifié le scrutin législatif pour le faire député de Rabat. A l’époque, seul un personnage truculent comme Ziane peut se permettre pareil franc-parler, sans s’attirer les foudres du régime qui s’accommodait des sorties fracassantes de ce drôle d’oiseau. Jusqu’à ce que le pouvoir, exaspéré par ses frasques à répétition notamment contre l’opposition, juge qu’il était temps de l’exfiltrer.

Porte-drapeau

Le ministre des Droits de l’homme qu’il était devenu en 1994 est victime d’un limogeage brutal deux ans plus tard présenté dans le communiqué qui a annoncé la nouvelle comme un « vœu d’être démis de ses fonctions » exprimé par l’intéressé. Ainsi va Me Ziane. En s’en prenant à la gauche qu’il accusait bille en tête d’avoir cherché à renverser la monarchie, il jouait le rôle de la voix «on» de son mentor dans un Maroc où les partis dits de l’administration ne tarderont pas à perdre de leur superbe.

L’avènement de l’alternance sonne le glas de ces enseignes partisanes et de ses symboles dont Mohamed Ziane était le porte-drapeau. L’ex-bâtonnier de Rabat en conçoit une certaine aigreur et, ayant le sentiment d’être abandonné après de bons et loyaux services, bascule progressivement dans l’opposition en vouant aux gémonies ce qu’il avait adoré hier. D’avocat de l’État marocain (procès de l’ex-leader de la CDT Noubir Amaoui dans les années 90 poursuivi par le gouvernement Filali qu’il avait traité de « bande de voleurs »), il glisse lentement vers la défense des causes très médiatisées où les pouvoirs publics sont partie civile comme l’affaire du journaliste Taoufik Bouachrine ou le procès de Zafzafi et consorts. Les sorties médiatiques de me Ziane, qui adore courir derrière les feux de la rampe, tiennent moins des plaidoiries d’avocat que des attaques frontales contre les institutions, juge un confrère de l’intéressé sous le couvert de l’anonymat. « Ziane est un homme aigri qui pour n’avoir pas su se retirer en se faisant oublier est en train de mal finir », croit savoir un député de qui l’a fréquenté sous la coupole.

Mohamed Ziane balaie ces critiques d’un effet de manche, croyant dur comme fer être victime d’une persécution politique. Ce délire de persécution, selon ses adversaires, s’est aggravé chez lui depuis que son fils a été condamné en octobre 2020 avec d’autres coaccusés à une peine de 3 ans ferme, assortie d’une amende de 30.000 DH, dans une affaire mystérieuse de livraison à une clinique de Marrakech d’une cargaison de faux masques anti-covid. Le père de l’inculpé en est convaincu. C’est lui qu’on voudrait atteindre à travers l’emprisonnement de son fils, victime à ses yeux d’une affaire montée de toutes pièces. C’est à son tour de rejoindre son fils derrière les barreaux. Drôle de destin !

Tout à sa fuite en avant, Mohamed Ziane pousse le bouchon trop loin et appelle dans un communiqué diffusé en novembre 2020 par son parti à « dissoudre de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) » et de « répartir ses employés sur les autres services de sécurité ». Par cette sortie pour le moins étonnante, le turbulent avocat régissait à la diffusion par ChoufTV d’images jugées attentatoires à son honneur.  De là à y voir la main des services de sécurité, il n’y a qu’un pas que Me Ziane, impulsif qu’il est, a allègrement franchi…

La réaction des autorités ne s’est pas fait attendre puisque le ministère de l’Intérieur a annoncé le 12 janvier 2021 sa décision « d’activer la poursuite judiciaire à son encontre à travers le dépôt d’une plainte devant le parquet près le tribunal de première instance de Rabat » suite à son appel à la dissolution des services de sécurité intérieure. Entre-temps, les membres du parti qu’il avait fondé 2002, le Parti libéral marocain (PLM), ont décidé de convoquer les 20 et 21 janvier 2021 un congrès extraordinaire. Objectif : éjecter de la chefferie celui qu’ils accusent d’utiliser le parti dans ses règlements de comptes personnels. Mission accomplie mais joie de son tombeur, Isaac Charia, sera de courte durée puisque le tribunal administratif prononce le 14 juillet 2021 un jugement en faveur du recours introduit par le  patron-fondateur. Trois mois plus tard, ce dernier se verra chassé, à la surprise générale, de son bureau d’avocat à Rabat par la force publique en exécution d’un jugement d’expulsion. Comme disait le grand feu Jacques Chirac, les emmerdes ça vole toujours en escadrille. Une jolie formule que le sulfureux Ziane, qui méritait il est vrai meilleure sortie, a tout loisir de méditer.

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