CANETON FOUINEUR

L’appel au secours des salles de sport et de fitness

Un secteur à bout de course...
Jamil Manar
11/3/2021 2:39
Le sport est devenu synonyme de maladie. Quelle époque !

Cela fait près de 7 mois, depuis le déconfinement partiel du pays en juillet dernier, que les salles de sport en extérieur et les bains...

Cela fait près de 7 mois, depuis le déconfinement partiel du pays en juillet dernier, que les salles de sport en extérieur et les bains maures à Casablanca sont frappés d’interdiction d’exercer. La détresse des exploitants de ces activités  est telle qu’ils n’ont même pas pu obtenir un calendrier de réouverture...

Cela fait plusieurs mois que la plus grande ville du pays  est privée de salles de sport et de hammams. Après trois mois de confinement général, ils ont pu reprendre leur activité à la mi-juillet, à la faveur de la levée des mesures de restrictions en échange de l’adoption d’un protocole sanitaire strict. Mais la joie des exploitants n’aura duré que le temps des roses puisqu’ils seront obligés de baisser le rideau à la mi-août, Casablanca ayant été placée sur la liste noire des villes dont la situation épidémiologique a été jugée préoccupante. Depuis cette date, aucune mise à jour n’a été faite alors que tous les  indicateurs de la maladie à l’échelle du pays, en général, ont connu au fil des mois une amélioration très notable ! Cette situation a impacté durement le business de ces commerces et pénalisé les sportifs citadins, grands et petits. La forêt de Bouskoura étant elle aussi interdite aux adeptes du jogging, la seule solution est de se résoudre à faire des exercices  à la maison pour ceux qui en ont l’espace et les moyens. À moins d’avoir un bain de vapeur humide à la maison, un luxe qui n’est pas à la portée de tous,  se faire propre est devenu une activité à haut risque alors qu’on ne cesse de nous seriner, à grand renfort de messages de sensibilisation, que l’hygiène protège des contaminations contre le covid…

Condamnées à la fermeture par une mesure administrative visant à freiner la progression du Covid-19, ces lieux de bien-être corporel et mental  que sont les clubs de sport en extérieur fermés et les bains maures  ont été invités à mettre fin à leurs activités alors qu’aucun cluster n’a surgi ni dans l’un ni l’autre. Ce qui est quand même paradoxal. Pendant ce temps, les cafés et les commerces sont restés ouverts avec comme seule restriction de fermer leurs portes à 20 heures contre 15 heures pour les marchés et les souks. Un autre constat non moins paradoxal, étant donné que ces endroits sont connus pour être un énorme générateur de promiscuité et où le respect de la distanciation physique et des gestes barrières  est un beau mythe.  Idem des  transports en commun, trams et Bus, qui  sont bondés matin et soir. «  Ce sont ces pires lieux qui favorisent l’infection et non les salles de sport où l’on vient pour rester en bonne santé », explique  un patron d’une salle de fitness. Un autre exploitant renchérit : « la décision de nous asphyxier est d’autant plus incompréhensible que nous avons investi dans les protocoles sanitaires demandés  par les autorités après le déconfinement pour faire respecter les mesures d’hygiène et de distanciation physique ».

Certes, maintenir une activité physique régulière est bénéfique pour la santé et combat le surpoids considéré comme facteur de risque  élevé dans la contamination  au Covid-19. Mais il paraît que les salles de fitness ont été victimes d’études épidémiologiques notamment américaines (dont les conclusions ne sont pas en faveur de leur ouverture) attestant que les risques de contamination y seraient supérieurs aux bénéfices pour la santé. « La respiration se fait beaucoup plus intense, on inhale et l’on expire plus de particules potentiellement contaminées », surtout en lieu clos», avait indiqué l’infectiologue français Jean-Daniel Lelièvre. Les fameux postillons, ces petites gouttelettes de salive expulsées par une personne infectée quand elle tousse ou éternue, mais aussi quand elle chante ou parle, seraient expédiées avec une force décuplée par l’effort physique. Ces enquêtes scientifiques ont fait généralement des salles de sport mais aussi des restaurants, cafés, bars, hôtels et lieux de culte les endroits où le risque d’infection est le plus important, tout en ajoutant que la jauge serait la mesure la plus efficace pour endiguer un rebond épidémique. Or ces conclusions n’ont toujours pas été validées par la réalité du terrain au Maroc. Prenez par exemple, les mosquées.

Depuis leur ouverture progressive dès octobre 2020, le niveau des contaminations  est resté très faible jusqu’aujourd’hui, démentant au passage la crainte ayant été à l’origine de  fermeture  des lieux de culte en mars dernier au même titre que la majorité des commerces y compris les cafés et les restaurants. Ces deux derniers commerces en particulier sont des lieux  fermés et souvent très peu aérés au Maroc et pourtant, ils ont été autorisés à accueillir du public souvent dans une ambiance où le protocole sanitaire et la distanciation sociale sont très peu appliqués.   Vous avez dit logique ?

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres,  la fermeture des salles de gym a profité aux vendeurs des équipements sportifs domestiques qui ont vu leur chiffre d’affaires  faire un bond exceptionnel. Tapis de course, vélos elliptiques, bancs inclinables, haltères, barres droites… Ces équipements dont certains sont en rupture de stock se vendent comme des petits pains. Arrachés par ceux qui ont aménagé des salles de sport à domicile afin de contourner l’interdiction frappant les clubs en extérieur. La fermeture des bains maures à Casablanca a boosté, quant à elle,  le business de ceux des villes avoisinantes comme El Bir Jdid et El, qui font face chaque week-end à un afflux de clientèle sans précédent. De quoi provoquer de grands foyers de contamination… « Je pense que le Covid ne résiste pas à la chaleur  et a donc très peu de chance de se propager dans les hammams,  sinon on l’aurait su », croit savoir un exploitant d’un bain maure de haut standing à Casablanca.

Avec le secteur de l’événementiel et l’écosystème des traiteurs et de l’hôtellerie, les salles de sport et de remise en forme ont payé un lourd tribut à la crise sanitaire. Ce sont deux filières à terre dont les appels au secours n’ont pas été entendus. Les mesures de soutien dont elles ont bénéficié en  guise de lots de consolation ou de désolation (voir encadré) sont jugées peu suffisantes  pour éviter dépôts de bilan et licenciements. Les faillites sont nombreuses dans le réseau des petites salles qui ne possèdent pas assez d’assise financière pour encaisser le coup. Quelque 10.000 emplois sont menacés selon  l’Association marocaine des professionnels de l’industrie du Fitness et de la Remise en Forme (AMPIF) qui revendique quelque 10.000 salles à l’échelle nationale. Cette instance a tout tenté, frappé à toutes les portes pour convaincre les autorités locales de reprendre du service. En vain. C’est le brouillard total pour les opérateurs du sport en salles et des exploitants des hammams qui n’ont même pas obtenu un calendrier de reprise de leur activité.  Pour la visibilité, il faut encore attendre Godot. À bout de souffle, et au bord du désespoir, ils ont l’impression de courir derrière une ombre…

Lots de consolation

Le contrat-programme signé le 6 janvier dernier, lors de la 11e réunion du Comité de veille économique (CVE) avec l’association  marocaine des professionnels de l’industrie du Fitness et de la Remise en Forme (AMPIF) compte plusieurs mesures de soutien pour les salles de sport. Depuis le dimanche 7 mars, les exploitants des salles de sport, tout comme les opérateurs du secteur culturel et les propriétaires des crèches, ont la possibilité d’introduire leurs demandes via le portail de la CNSS pour faire bénéficier leurs employés des mesures d’aide exceptionnelles liées à la pandémie. Il s’agit notamment d’une indemnité forfaitaire égale à 100 % des salaires, plafonnée à 2.000 DH couvrant la période entre juillet 2020 et mai 2021. Les bénéficiaires en sont les salariés et stagiaires sous contrat d’insertion affiliés à la CNSS au mois de février 2020… S’agissant des mesures à caractère économique adoptées par le CVE, elles portent sur  la prolongation du délai de remboursement du découvert exceptionnel obtenu dans le cadre du produit «Damane Oxygène », jusqu’au 31 décembre 2021. Il est également question de faire bénéficier le  secteur des deux formules de garantie « Relance TPE » et « Damane Relance », ainsi que d’un moratoire pour le remboursement des échéances des crédits bancaires et pour le remboursement des échéances des leasings jusqu’au 31 mars 2021 sans paiement de frais ni de pénalités de retard pour les entreprises du secteur et leurs employés.

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