Ahmed Zoubaïr
3/6/2021 1:01

A l’issue d’un simulacre de procès de quelques heures, le chef du Polisario Brahim Ghali a quitté l’Espagne vers Alger, après avoir...

A l’issue d’un simulacre de procès de quelques heures, le chef du Polisario Brahim Ghali a quitté l’Espagne vers Alger, après avoir provoqué une crise majeure entre le Maroc et l’Espagne. Les deux pays, condamnés à dépasser leurs différends, sauront-ils tourner la page ?  

Comme il fallait s’y attendre, Brahim Ghali, a pu quitter l’Espagne dans la soirée du mardi 1er juin en direction de l’Algérie. Hospitalisé en catimini depuis le 18 avril dans une ville du nord de l’Espagne pour y subir des soins médicaux contre le Covid-19,  le chef des polisariens n’a pas été inquiété par la justice  espagnole malgré des chefs d’accusations portées contre lui (viols, enlèvements, assassinats…) qui sont assez graves pour l’envoyer pour le restant de sa vie misérable en prison.  Le sinistre patient algésarien, dont les circonstances obscures de son entrée en Espagne ont provoqué une crise diplomatique majeure entre Rabat et Madrid, a eu tout de même droit à un beau simulacre de procès-, qui restera dans les annales- ouvert mardi 2 juin par visioconférence et qui a permis de l’interroger depuis son lit d’hôpital de Logroño par un juge du haut tribunal madrilène de l’Audience nationale. Tout au long de son audition, le pantin d’Alger, visé notamment par deux plaintes pour « torture » et « génocide », a nié les faits qui lui sont reprochés en proclamant son innocence. La plainte, la plus récente pour « arrestation illégale, tortures et crimes contre l’humanité», a été déposée en 2020 par Fadel Breika, un ex-dirigeant du Polisario naturalisé espagnol, qui affirme avoir été victime de « tortures » dans les camps de la mort à Tindouf, en Algérie.

L’autre procédure avait été engagée en 2007 par l’Association sahraouie pour la défense des droits de l’homme (Asadedh) pour « génocide », « assassinat », « terrorisme», «tortures », « disparitions », perpétrés là encore dans les camps de Tindouf. Au sortir de ce qui ressemble moins à un procès sérieux qu’à une entrevue virtuelle sans enjeu, l’avocat de cet accusé encombrant a balayé ces accusations « totalement fausses » qui procèdent selon lui d’un « objectif totalement politique », laissant entendre que les autorités marocaines pourraient être, selon lui, à l’origine de ces plaintes. Rien que ça ! Le méchant dans l’histoire ce n’est évidemment, ni l’Algérie qui depuis plusieurs décennies héberge sur son sol, soutient et arme une bande de mercenaires, ni l’Espagne qui a attenté gravement à l’esprit du partenariat avec le Royaume en admettant sous une fausse identité et dans le dos du Maroc son ennemi public numéro 1 pour des « raisons humanitaires ».  

A l’issue de cette audition de façade, le juge a, comme il fallait s’y attendre, rejeté la demande des plaignants qui réclamaient la confiscation du passeport de M. Ghali et sa détention provisoire. Il a justifié sa décision par le fait que « le rapport de l’accusation (…) n’a [avait] pas apporté d’indices » montrant que l’accusé soit « responsable d’un délit ». Un vrai ange ce Brahim Ghali ! Les démons sont ces accusateurs qu’il fallait expédier à l’ombre !  Pourquoi dans ce cas ne pas lui avoir décerné avant son exfiltration la médaille de l’homme le plus gentil de la planète, accusé à tort des pires crimes par des voisins malintentionnés ? « Et encore, il ne s’agit que des plaintes (les deux plaintes visant Brahim Ghali)» révélées au grand jour, a précisé le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita dans son dernier communiqué diffusé le 31 mai, à la veille de la comparution du mercenaire en chef. Et M. Bourita de s’interroger: «Qu’en est-il de tous les enfants, les femmes et les hommes qui subissent les affres du polisario ? Des traitements inhumains sont infligés quotidiennement aux populations de Tindouf - ces sans voix du polisario - sans que justice ne leur soit rendue »

Estimant que Brahim Ghali est un ange parmi les anges et qu’un approfondissement de l’enquête sur ce dossier et l’adoption de mesures coercitives à son encontre étaient superflues, la décision du juge Santiago Pedraz, a naturellement ouvert la voie à son départ. Brahim Ghali «a prévu de quitter l’Espagne ce soir (mardi) à bord d’un avion civil depuis l’aéroport de Pampelune », dans le nord du pays, a indiqué le ministère espagnol des affaires étrangères, sans donner la destination de l’appareil, tout en précisant avoir prévenu les autorités marocaines. Mais cette affaire, qui n’est pas passée comme une lettre à la poste, laissera à coup sûr des séquelles profondes dans les relations difficiles entre les deux royaumes. Permettre à Brahim Ghali « de rentrer chez lui, contourner la justice espagnole et ignorer les victimes serait un appel au pourrissement », a prévenu Nasser Bourita dans une déclaration à l’AFP. Que le protégé d’Alger file sans qu’il réponde de ses crimes fait franchir un nouveau palier à la crise entre les deux pays qui sont au bord de la rupture diplomatique.

La présidence algérienne avait envoyé un avion médicalisé en Espagne tôt dans la matinée du mardi 2 juin pour exfiltrer son protégé avant de faire demi-tour sur «ordre des contrôleurs aériens militaires » espagnols. Les autorités algériennes sont parties vite en besogne car à ce moment-là, la parodie du procès virtuel du criminel de guerre n’avait pas encore commencé! « La crise n’est pas liée au cas d’un homme. Elle ne commence pas avec son arrivée pas plus qu’elle ne s’achève avec son départ. C’est d’abord une histoire de confiance et de respect mutuel rompus entre le Maroc et l’Espagne. C’est un test pour la fiabilité du partenariat entre le Maroc et l’Espagne», a expliqué Nasser Bourita dans  son long  communiqué du 31 mai qui a l’allure d’une mise au point où il  fait la part des choses : « Dans cette grave crise maroco-espagnole, le Maroc a toujours fait une distinction claire entre, d’un côté, la population espagnole et certains leaders politiques clairvoyants qui tiennent à l’amitié avec le Maroc et au bon voisinage, et de l’autre, certains milieux politiques, gouvernementaux, médiatiques et de la société civile qui cherchent à instrumentaliser le Sahara marocain et à nuire aux intérêts du Maroc ». Traditionnellement proche du Maroc où il compte de nombreux amis, le parti socialiste espagnol (PSOE) aurait fait l’économie de cet épisode fâcheux où il aurait laissé des plumes.

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