Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (Comader).

Président de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (Comader), Rachid Benali est un oléiculteur reconnu...

Président de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (Comader), Rachid Benali est un oléiculteur reconnu qui a récolté plusieurs Prix pour la qualité de ses produits. Homme de terrain et de dossiers qui connaît la chose agricole comme son oliveraie, il livre dans cet entretien une analyse lucide des défis de l’agriculture nationale tout en abordant les conditions de la souveraineté alimentaire.

Le Canard Libéré : Vous avez été porté en mars 2023 à la tête de la Confédération Marocaine de l’Agriculture et du Développement rural (COMADER) dans un contexte de forte inflation alimentaire. Comment appréhendez-vous les défis imposés par ce phénomène inquiétant ?


Rachid Benali : Il s’agit d’une lourde tâche. Nous en sommes conscients, la mission n’est pas du tout facile. Il y a tellement de problèmes à résoudre actuellement que nous travaillons aujourd’hui sur les causes de cette inflation en effectuant les diagnostics nécessaires  pour trouver les bonnes solutions. Ce qu’on sait déjà que des facteurs conjoncturels et structurels se sont imbriqués et que les raisons de fluctuations de prix  varient d’un produit agricole à un autre. C’est pour cela que nous avons procédé au cas par cas pour traiter chaque problème à la source dans le cadre d’une série de réunions avec le chef de gouvernement, Aziz Akhannouch et  les représentants des départements ministériels concernés. Cette action commune a déjà porté ses fruits puisque les prix de certains légumes ont enregistré une baisse significative dans les marchés.


Quid des problèmes structurels ?


Comme les problèmes structurels demandent plus de temps pour les traiter et obtenir des résultats, décision a été prise d’agir via le signature en marge  de cette 15ème édition du  SIAM d'une vingtaine de contrats- programmes avec un certain nombre de filières de production.


Dans le communiqué émis à l'issue de votre élection, la Comader s’est présentée comme une force de proposition face aux multiples contraintes affrontées  par l’agriculture nationale comme le stress hydrique, la souveraineté alimentaire, l’approvisionnement normal du marché en produits agricoles abordables  et durabilité agricole… Que préconisez-vous  par exemple en matière  de souveraineté alimentaire sur laquelle pèsent un certain nombre d’incertitudes?


Dans ce domaine comme d'autres, il n'existe pas de solution miracle. Notre bureau est en fonction depuis un mois seulement et nous avons aussitôt planché sur les différentes pistes de solution, en synergie avec le gouvernement, notamment les départements de l’Agriculture et des Finances et le chef de gouvernement en personne.


Quelle est la préoccupation majeure qui ressort de ces réunions de travail ?  

La question  de souveraineté alimentaire est très présente lors de nos discussions. Elle est au cœur des priorités gouvernementales et il est essentiel d'en assurer les conditions par des mesures  appropriées. En tant que Confédération, nous  avons fait des propositions pour les produits agricoles entrant dans le cadre de cette souveraineté alimentaire tout en tenant compte de la donne climatique dominée par le stress hydrique.  L’objectif dans l’immédiat est de sauver les cultures de cette année notamment les céréales, les cultures fourragères, les oléagineuses, les maraichages et les légumineuses. Nous avons également  formulé  des propositions pour solutionner les problèmes liés à l’irrigation mais aussi aux  intrants devenus hors de prix. Une baisse de leur utilisation par les fellahs en raison de leur cherté excessive peut provoquer une chute du rendement par hectare.


Dans l’immédiat, quels sont les leviers, en dehors de la suppression des TVA sur les intrants adoptée récemment par le gouvernement,  à actionner pour faire revenir le prix des produits agricoles à des niveaux raisonnables ?


Il n’y a aucun autre moyen pour faire baisser le prix que celui de la subvention des intrants. Il s’agit de produits 100 % importés comme les engrais azotés et phytosanitaires fabriqués dans certains pays qui se comptent sur les doigts d’une main. Comme le Maroc n'en est pas producteur, le seul moyen qui nous reste est d’intervenir sur leur prix d’achat via un dispositif de compensation.  

Les intrants, semences, pesticides et produits phytos, sont nécessaires pour la souveraineté alimentaire qui est stratégique  pour le pays et décisifs  pour  le développement de l'écosystème agricole national. Il ne faut pas oublier que 80%  des 16 millions de personnes installées  dans le monde rural vivent directement de l’agriculture. Tout le défi réside dans la mise en place de stratégies incitatives visant à fixer ces populations sur place en les encourageant à développer une agriculture compétitive avec des prix abordables pour l’ensemble de la population.


Pensez-vous que l’agriculteur marocain vend sa récolte au juste prix ou bien faites-vous partie de ceux qui considèrent qu’il est lésé ?


Pas besoin d’être un grand économiste pour faire le calcul. D’ailleurs,  à mon avis, l’agriculteur marocain est lésé sur une bonne partie des produits agricoles. Prenez l’exemple de la culture céréalière. Cela fait plusieurs années que l’État fixe à 270 DH le  prix de référence pour  le quintal de blé. Mais l’agriculteur marocain ne parvient jamais à vendre à ce prix et écoule dans les meilleurs des cas sa production entre  230 et 240 DH, soit  un prix figé du début des années 90.  Avec toutes les hausses des prix qu’ont connu  les  intrants au fil des années, sans compter l’envolée  spectaculaire de l’année dernière  avec des prix multipliés par 6 de certains engrais azotés, l’agriculteur  continue de vendre son  blé au même prix d’il y a 30 ans.  Il est évidemment lésé, pénalisé et  ne s’en sort pas du tout.

Idem pour les légumes. La tomate,  par exemple, est vendue à la sortie de la ferme à 1,50 DH alors que son coût de revient oscille entre 4 et 4,50 DH. En Italie, le même produit est commercialisé à plus de 30 DH le kilo sachant  que ce pays produit cinq fois plus que le Maroc. Il y a donc quelque chose qui ne va pas et l’écart n’est pas du tout justifiable.


La tomate étant un produit très hydrivore,  pensez-vous que le Maroc  peut encore, compte tenu de la donne climatique de plus en plus contraignante, se permettre de poursuivre l’exportation comme avant de ses cultures avec les mêmes volumes?


Je pense que si la tomate était produite avec de l’eau dessalée et que l’agriculteur payait son eau au juste prix, il n’y aurait aucune raison pour qu’on n’exporte pas la tomate. D’ailleurs,  dans cette équation,  il y a, en dehors de l’eau,  plusieurs variables à prendre en considération. Cette culture est une source  importante de devises pour le pays et un pourvoyeur non négligeable d’emplois (chaque hectare de tomate cultivé crée  15 emplois directs).

Une ferme de tomate de 100 hectares c’est une main d’œuvre de  15 000 personnes alors qu’une ferme de céréales de la même taille n’emploie que deux personnes.

Le salut de l’agriculture nationale ne se trouve-t-il pas plutôt dans les produits agricoles à haute valeur ajoutée peu consommateurs d’eau ?


Oui, sauf qu’il n’y a pas vraiment beaucoup de produits à forte valeur ajoutée peu  gourmands en eau.  Dans ce domaine vital, le Maroc doit surtout  régler le problème de déséquilibre géographique des eaux. Les zones  du Loukkos et du Gharb sont abondantes en eau contrairement aux régions sud qui souffrent de déficit hydrique. Le dessalement d’eau de mer représente une bonne solution si les agriculteurs paient leur eau d’irrigation au juste prix.  Ce procédé peut même devenir une opportunité.


Le Maroc est-il mieux outillé pour faire de Generation Green, programme qui a pris le relais du Plan Maroc Vert, un véritable levier de développement du monde rural?


Nous avons tous les atouts en main pour réussir ce nouveau programme. Mais  encore faut-il  trouver des solutions pour une gestion durable de l’eau dans un monde de plus en plus exposé aux changements climatiques.

Slow Food S’engager sur la voie de l'agroécologie est la meilleure façon de célébrer la Terre

"Comme l'a récemment mis en garde le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), nous devons agir maintenant, car ces années sont cruciales pour sauver notre planète pour nous et les générations à venir", commente Edie Mukiibi, président de Slow Food. "La meilleure façon de célébrer la Journée internationale de la Terre, le 22 avril, est de reconnaître ce dernier avertissement et de mettre en pratique les solutions, comme changer les systèmes alimentaires et adopter des méthodes agricoles agro écologiques".

Dans son dernier rapport, le GIEC a en effet souligné l'importance d'évoluer vers des régimes alimentaires durables dans la lutte contre la crise climatique et a désigné l'agroécologie, ainsi que le renforcement des moyens d ‘action des communautés locales, comme étant des solutions climatiques clés.

L'agriculture, l'alimentation, la nutrition et la santé interagissent entre elles qui peuvent toutes participer à la lutte contre le changement climatique. Ce que nous cultivons, comment nous le cultivons, la composition nutritionnelle des aliments, le goût et la façon dont nous mangeons ont un impact sur la santé publique et la santé de la planète.  A l’heure où la malnutrition sévit dans le monde, il est essentiel de tenir compte des relations complexes qui lient le sol, les océans, les plantes, les animaux et l'humanité. L'agroécologie rassemble et relie tous ces éléments.

Sol et océans

Il convient de souligner que le sol est la plus grande source de biodiversité au monde, avec les deux tiers de tous les êtres vivants qui sont sous terre, tandis que les océans sont notre principal allié contre le réchauffement climatique, ayant absorbé 93,4 % de l'excès de chaleur au cours des dernières quarante années.Le sol est la seule partie environnementale dans laquelle tous les autres éléments environnementaux se rencontrent, interagissent et s'interfacent simultanément. La moitié des sols de la Terre sont désormais utilisés par les humains, ils ne peuvent plus être exploités. L'une des conséquences les plus graves du modèle agricole industriel est la contribution au changement climatique, qui devient à son tour un facteur de détérioration supplémentaire et qui accélère la désertification.  « Il est désormais indispensable de changer de cap. Les lois de la biologie du sol et de la physiologie des plantes et des animaux doivent être respectées. Il faut arrêter de subventionner un modèle agricole intensif pratiqué à grande échelle, qui a échoué, pollué et compromis la vie des sols. Au lieu de cela, nous devons nous concentrer sur un système qui part de la santé et de la fertilité des sols, valorisant une production agricole respectueuse de l'identité et reflétant un lien avec le terroir, expression de la richesse de la biodiversité des sols et des lieux: c'est-à-dire l'agroécologie ! » Edie  Mukiibi. En ce qui concerne les mers et les océans, plus de 190 pays ont récemment conclu un accord historique pour protéger la biodiversité des océans du monde. Le nouveau traité mondial vise à sauvegarder la biodiversité et à assurer la durabilité de 30 % des eaux internationales de la haute mer grâce à la création d'aires protégées d'ici 2030. Un grand pas en avant si l'on considère qu'aujourd'hui seulement 1,2 % de ces zones sont protégées sur le plan environnemental. Comme les sols, les océans ne peuvent être vus comme une ressource économique à notre disposition, mais doivent être considérés comme des biens communs environnementaux gérés collectivement.  

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