CANETON FOUINEUR

Après avoir été longtemps laissés en plan, les Marocains piégés à l'étranger autorisés enfin à revenir au pays

Vol retour au-dessus d’un beau ratage
Ahmed Zoubaïr
9/7/2020 12:22
Nasser Bourita. Un gros retard à l'allumage.

C’est la délivrance pour des milliers de Marocains piégés depuis le mois de mars à l’étranger. Un communiqué...

C’est la délivrance pour des milliers de Marocains piégés depuis le mois de mars à l’étranger. Un communiqué gouvernemental rendu public mercredi 8 juillet vient de mettre fin à leur détresse qui s’est prolongée au-delà du supportable.

Le blocage des Marocains à l’étranger est la résultante de  la suspension jusqu’à nouvel ordre de tous les vols internationaux à destination et en provenance du Royaume, pour une durée indéterminée, afin de prévenir la propagation du Coronavirus. Une décision prise dimanche 15 mars «dans le cadre de mesures préventives contre la propagation du Coronavirus», avait indiqué le ministère marocain des Affaires étrangères dans un communiqué.

Ils sont plusieurs dizaines de milliers, partis à l’étranger pour des raisons touristiques, d’affaires ou médicales dans le cadre d’un séjour de quelques jours ou semaines tout au plus, à se retrouver  aujourd’hui sans ressources, ni où crécher ni de quoi se sustenter, errant comme des zombies dans les rues de nombreuses capitales et villes mondiales en Asie, Europe ou Amérique. C’est le cas entre autres de quelque 150 compatriotes piégés depuis mars dernier en Indonésie où les autorités diplomatiques marocaines, qui ont fait le nécessaire pendant les deux premiers mois pour les prendre en charge, n’ont plus les moyens de s’occuper d’eux en attendant qu’un jour un avion RAM veuille bien les faire rentrer au bercail. Chassés des hôtels où ils passaient la nuit, ils sont condamnés à leurs corps défendant à être des SDF désargentés et malheureux… Côté rapatriement supervisé par les Affaires étrangères, les autorités marocaines ont donné la priorité aux citoyens dont l’état de santé financière et de santé tout court est jugé très précaire.

«Le Maroc ne peut pas continuer à supporter les coûts du rapatriement de 70 à 80.000 personnes. Nous avons ciblé des opérations humanitaires relatives à des personnes sans moyens», a déclaré récemment devant les députés le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des MRE Nasser Bourita. Les rapatriés pour des raisons « humanitaires » sont au nombre de 8.000 à peine. Quant aux autres, qui représentent le gros du contingent, soit quelque 70.000,  considérés « en forme » sur les deux plans, ils devaient attendre la date de la réouverture de l’espace national pour assurer leur retour avec leurs propres deniers! Pour cette catégorie supposée privilégiée, il convient de « penser à d’autres versions comme le font des pays qui privilégient la possibilité des citoyens qui achètent un package comprenant l’avion, l’hôtel, les analyses », a ajouté le même Bourita devant le Parlement.

Or, la plupart de ces Marocains, exclus de la liste officielle des rapatriés pour des raisons humanitaires ou sanitaires, ne sont pas mieux lotis. Ils sont en mode survie, sans-le-sou, ni gîte ni couvert, a fortiori en capacité de s’offrir un billet retour avec kit de dépistage ! Livrés à eux-mêmes, gagnés par la détresse, ils ont eu le sentiment que leur pays les a abandonnés surtout que de nombreux États ont procédé en plein pic d’épidémie à l’exfiltration de leurs compatriotes pris au piège aux quatre coins du monde. Mais tel n’a pas été le choix du gouvernement marocain qui au lieu de mettre en place un pont aérien a préféré mobiliser ses représentations diplomatiques à l’étranger pour venir en aide aux Marocains bloqués qui se trouvaient alors en voyage touristique, d’affaires ou médical sous d’autres cieux. Cette solution de dépannage,  censée durer quelques semaines, s’est enlisée au-delà du supportable pour les intéressés, réduits malgré eux à un exil forcé sans moyens de subsistance dans des pays où le niveau de vie est plus élevé qu’au Maroc. Dur, dur le provisoire qui dure qui plus est sans aucune visibilité pour les victimes…

Sans conteste, le gouvernement a eu un gros retard à l’allumage, victime d’une erreur d’appréciation de la situation. Or Il fallait évaluer les choses bien avant pour savoir si le pays a les moyens financiers d’assurer l’opération retour de l’ensemble de ses concitoyens sans distinction aucune. Et puis, ces exilés malgré eux, non-résidents, ont bel et bien acheté un billet d’avion aller-retour sans lequel (retour) ils n’auraient pas pu être autorisés à voyager… Ce ticket retour est aujourd’hui périmé tout comme le visa touristique dont la validité ne dépasse pas  90 jours. Un beau pataquès doublé d’une tragédie humaine dont ils ne sont nullement responsables. «Le gouvernement Al Othmani ne s’est pas occupé des Marocains bloqués à l’étranger et quand il s’est réveillé en mai dernier après la levée du confinement en France, Italie et ailleurs, il a procédé à un rapatriement sélectif », s’emporte une concitoyenne piégée aux Etats-Unis.

Elle ajoute, tout aussi colérique: «Les autorités marocaines auraient dû coordonner l’opération retour des Marocains avec les compagnies aériennes étrangères qui sont venues au Maroc pour rapatrier les étrangers qui y étaient bloqués». Mais au lieu de privilégier cette solution de bon sens, les responsables marocains ont exigé des transporteurs battant pavillon étranger de faire le voyage du Maroc sans passagers ! Or, cette ligne de prudence, justifiée officiellement par la peur d’importer des cas de Covid-19, ne tient pas la route, étant donné que le ministère des Affaires étrangères aurait pu faire réaliser dans le cadre de la coopération bilatérale au profit des Marocains  les tests de dépistage et même de quarantaine dans les pays du blocage. Cette action dispenserait le Maroc d’aménager des lieux d’isolement pour les citoyens rapatriés. À l’arrivée, pas de quoi être fouetter un chat… covidé. Le résultat n’est pas fameux: une perte de temps incroyable et des milliers de Marocains qui ont souffert inutilement alors qu’ils auraient pu être chez eux bien avant le 14 juillet. Mais vu les modalités du retour contraignantes qui leur sont imposées, ils ne sont pas encore sortis de l'auberge. Plus proches de mourir de désespoir que de Covid...

La galère saison 2 en perspective

Les citoyens, nationaux et résidents étrangers au Maroc, bloqués à l’étranger doivent obligatoirement présenter avant l'embarquement les résultats d’un test sérologique et ceux d’un dépistage PCR de moins de 48 heures. Ce qui fait du Royaume le seul pays au monde à demander à ses ressortissants de justifier de ces deux analyses à la fois...Une dépense onéreuse (150 euros environ pour la PCR) pour les candidats au rapatriement, certainement très nombreux, qui sont à court d'argent. Comment vont-ils faire pour payer ces tests ? Le communiqué du gouvernement fait l’impasse sur cette question d’importance comme sur le sujet tout aussi crucial du paiement du billet retour pour des gens qui ont épuisé toutes leurs ressources financières, sachant qu’ils ne doivent leur survie pendant près de quatre mois qu’à la prise en charge des ambassades marocaines et à la solidarité communautaire sur place… La galère saison 2 se profile certainement à l’horizon pour les plus démunis d’entre eux, obligés à payer eux-mêmes leur ticket retour par avion ou par bateau. Pour ceux qui veulent emprunter la voie maritime, seul l’embarquement par les ports de Sète en France et de Gênes en Italie est autorisé (les ports espagnols sont exclus). Autrement dit, les Marocains d'Espagne doivent se rendre- dans ces deux villes-toute une gymnastique-pour rentrer au pays alors que le chemin le plus court est qu'ils passent par les ports de Tanger, Sebta ou Melilia ! Bonjour la cohérence. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué... Pour autant, les frontières resteront fermées jusqu’à nouvel ordre pour les touristes étrangers désireux de se rendre au Maroc et aux touristes nationaux qui projettent de passer leurs vacances d’été à l’étranger… Les Marocains résidents à l’étranger ainsi que les étrangers résidant au Maroc pourront quitter le Royaume, à l’issue de leur séjour, par les mêmes moyens aériens et maritimes, conclut le communiqué du gouvernement. En d'autres termes, pas de Costa Del Sol cette année pour les Marocains du cru... En attendant la réouverture des frontières nationales, ils peuvent toujours faire voyager leur imagination…

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