Khouribga, une ville française… (9)

En ce mois de juillet, dans labourgade de Mnina où quelques familles vivent regroupées autour d’un pointd’eau au nord des Quatre Chemins de l’actuelle ville de Khouribga, sur la routedes 5atawates, le seigneur Boujilali est fort content de sa saison agricole etdu travail accompli par ses dévoués 5amassas (métayers payés par le cinquièmede la récolte). Il a décidé de partir en pèlerinage à Boujad. Il prévoit 2jours à dos de mulet pour parcourir les 60 km qui le séparent de ce centrespirituel, considéré à l’époque comme la « petiteFès ».

Au Boujad de la fin du 19ièmesiècle, il n’y avait ni sultan ni ma5zen pour gérer cette principauté des Cher9awas(gens de l’Est) ; rien qu’Allah et Sidi Ben Daoud.  Ce Sidi est le seul maître à bord. Laville a donné un certain nombre de ministres de premier plan au Maroc et àIsraël, une cinquantaine de fonctionnaires de très haut rang et despersonnalités politiques de premier plan comme Amir Pertz, ministre de ladéfense d’Israël et Yehouda Lancry, ambassadeur d'Israël à Paris et à l’ONU.  À Boujad la tolérante, juifs et musulmans fréquentaient les mêmesécoles, les mêmes fours et les mêmes bains publics. Malgré leur exode massif,de nombreuses familles juives disposent toujours de maisons dans la médina deBoujad.

La souveraineté de Boujads’étend à la ronde à environ deux journées de marche. De tous les points situésdans ce rayon, on accourt sans cesse à Boujad la spirituelle. La ville esttoujours remplie de pèlerins : ils viennent chercher la baraka de Sidi (bénédictiondu Saint). Les pèlerins viennent avec leurs offrandes en blé qui peuventatteindre les 400 charges de chameau en plus des dons d’argent, de bétail et dechevaux. Les tribus environnantes arrivent, les unes après les autres, fractionpar fraction, pour obtenir la baraka de Sidi et lui présenter leur tribut.Cette redevance régulière lui est servie par toutes les tribus du Tadla, desOuled Abdoun et des Chaouïa.

Quelle est la source de ceprestige ? Sidi Ben Daoud n’est ni un chef religieux, ni un chérif ; il descenddu Calife Omar, un des compagnons de Mahomet. Les ancêtres de Sidi Ben Daoud,établis depuis trois siècles et demi à Boujad,y acquirent vite, autant par leurs vertus que par leur sainte et illustrenaissance, la vénération et la puissance dont jouit Sidi Ben Daoud.

Depuis la fondation de Boujadpar Sidi M7amed Cher9i, cette ville n’a pas cessé d’être la résidence de sesdescendants. Boujilali rencontre Sidi Ben Daoud âgé alors de 90 ans. Boujilaliest impressionné par la plénitude des facultés du beau vieillard au visage pâleet à la longue barbe blanche. Ses traits ont une rare expression de douceur etde bonté. Il marche avec difficulté, mais circule chaque jour sur sa mule.Quelle que soit la maison où il se trouve, les abords en sont toujours entourésd’une centaine d’individus accroupis au pied des murs, attendant le moment desa sortie pour baiser son étrier ou le pan de son burnous. Il est non seulementvénéré, mais profondément aimé. Chacun vante sa justice, sa bonté, sa charité.

La famille de Sidi Ben Daoud est nombreuse car c’est un grand pollinisateur: il a 30 enfants, tant de ses femmes que de ses esclaves. L’aîné de ses filss’appelle Sidi 7aj 3arbi : il a été proche du Sultan Hassan 1er ; lesecond est Sidi 3omar, la cinquantaine, très intelligent et fort instruit.Outre ses descendants directs, il a un grand nombre de frères et de neveux : Boujadn’est peuplée, à part les Juifs et quelques artisans, que des parents plus ou moinséloignés du Sidi Ben Daoud et de leurs esclaves. Tous les membres de la famillede Sidi Ben Daoud participent à son caractère de sainteté, et cela à un degréd’autant plus élevé qu’ils lui sont chromosomiquementproches