L’usage est le tyran des langues

Nous n’utilisons pas les mots avec les mêmes intentions, et les mots que nous prononçons et percevons ne se ressemblent pas. Les mots en action n’ont de valeur qu’à travers la signification que nous leur adossons. Tout le monde adore prendre des airs penchés en prenant la langue en orage. Le chantage peut commencer et là, souvent, on prend les gens au mot et au pied de la lettre. Prenez le langage politicard, un vrai amalgame de propos et d’idées décousus et décharnés qui constituent une menace pour vos capacités auditives et morales. Il vous flingue et crucifie sans vous ménager. Les mots miroitent fugitivement et vous font accroire n’importe quoi. On dirait de la poudre jetée aux yeux ou de la pommade appliquée sur la peau. On pourrait quand même se passer de la noirceur de ce langage mais on préfère organiser une infidélité avec sa nudité verbale qui nous entraîne dans une spirale infernale de séduction et d’hypnose. Quand votre langue est disproportionnée à vos prétentions et vos capacités et qu’elle trahit votre appétence, c’est qu’elle manque d’ingrédients et de saveur. Ça s’appelle la langue de bois. Plus convaincu(s) qu’un partisan conspirateur, vous continuez à l’enfoncer comme une fourche à foin comme pour manier et étaler les mots et les phrases fades. Au final, ça donne la langue fourchue. Compte tenu de sa provenance douteuse et contestée, elle affiche un niveau d’ineptie inégalable.

De cette manière-là, vous édifiez un discours pompeux où les mots se maquillent et se travestissent et les expressions se pavanent pour se faufiler dans un labyrinthe de boniments à la limite de la roublardise afin d’assommer votre intelligence. Cela fait de vous un va-de-la-gueule. Il fait bon pratiquer à cœur joie du strip-tease linguistique ; dénuder les mots et les désacraliser en violant leur intimité expressive comme lorsqu’on épluche un légume ou on dévoile indiscrètement un secret. L’individu n’a d’existence qu’à travers la légèreté salope qu’il confère à la langue et les mots n’ont plus aucune valeur conventionnelle intrinsèque. La réquisition des mots, le détournement des sens et l’extorsion des assentiments, c’est la recette qu’il faut pour estomper et maculer les consciences. Les politicards ont de la conversation et la langue bien pendue puisqu’ils ne l’ont pas dans leur poche. On leur reproche d’avoir de la gueule et d’avoir le verbe haut, mais quand ils tiennent le crachoir, ils ne font que dépenser leur salive en broyant des mots vains et creux. Alors, imaginez leurs mots et leurs paroles en proie aux incompatibilités difficilement conciliables et plongés dans la raideur et l’exiguïté de leurs ressources au gré d’une humeur fantaisiste et fugace … Ils sont en berne; la langue est endeuillée.

Les plus lus
[posts_populaires]
Traduire / Translate