Abdellah Chankou
14.9.2022 23:57

Un nouveau monde est en passe d’émerger sous nos yeux plus ou moins ébahis, résultante de crises successives (covid, guerre en Ukraine, changement climatique, catastrophes écologiques…) qui ont bousculé profondément le mode de vie des humains et fait voler en éclats une flopée de certitudes.  Bonjour la fin des illusions qui ont longtemps bercé le monde développé dont les dirigeants pensaient que le libéralisme sans frein, nourri à coup de surexploitation des matières premières et de destruction de la biodiversité était l’avenir de l’humanité ad vitam aeternam. Retour à la réalité.

La réalité c’est que ces crises en série, qui disent la fin d’une époque, cachent en fait une crise morale due principalement à un effondrement des valeurs collectives et le triomphe de l’argent-roi comme unique finalité justifiant la course effrénée à la croissance et aux superprofits sur fond d’une compétitivité poussée toujours à son paroxysme.  Dans ce contexte, ce ne sont pas seulement les entreprises qui sont mises en compétition permanente pour gagner toujours plus au détriment aussi bien de la force du travail que de l’environnement. L’école aussi a cessé d’être ce canal qui transmet les valeurs morales pour devenir un instrument ne jurant que par l’excellence et la performance, qui à leur tour passent essentiellement par l’obtention des meilleures notes supposées être garantes d’une meilleure situation professionnelle dans un monde économique régenté par la dictature de la compétitivité.

Au bout de la chaîne, la surconsommation et la gloutonnerie, l’industrie du divertissement et l’économie du gaspillage et son corollaire : l’obsolescence programmée visant à maintenir à un niveau toujours élevé le volume d’acquisition de tel ou tel gadget…Ce schéma a produit un bilan écologique négatif  alimenté par une croissance irraisonnée et  contribué au creusement des inégalités sociales dans des proportions considérables.  

Les « valeurs » imposées par les tenants du productivisme-consumérisme, dont tout le monde voit aujourd’hui les dérives, sont évidemment antinomiques avec la culture de la sobriété et de la tempérance qui a disparu depuis longtemps du lexique des temps modernes.

Les « valeurs » imposées par les tenants du productivisme-consumérisme, dont tout le monde voit aujourd’hui les dérives, sont évidemment antinomiques avec la culture de la sobriété et de la tempérance qui a disparu depuis longtemps du lexique des temps modernes.

La sobriété ! Le vocable vient d’être réhabilité en Occident dans la foulée de la crise énergétique provoquée par la guerre de Poutine qui fait planer sur le Vieux continent dépendant au gaz russe de graves menaces multiformes sur les plans à la fois économiques et sociaux. Du coup, en France, Allemagne et ailleurs, on a réalisé que l’abondance, génératrice de montagnes de déchets, n’est pas éternelle et que les ressources naturelles ont une limite et probablement une fin.

Valeur cardinale qui figure en bonne place l’héritage musulman, la sobriété, qui élève le fait de se rassasier de ce que l’on a au rang de la meilleure des richesses, gagnerait à être inscrite au cœur du discours politique national. En cette période de vaches maigres marquée par  une inflation galopante et le renchérissement des produits alimentaires et énergétiques qui érodent un pouvoir d’achat du grand nombre déjà faible, il est fondamental d’adopter la sobriété comme voie du changement dans un pays qui consomme (les marchandises des autres) plus qu’il n’en produit localement.  

La sobriété ne coule pas non plus de source notamment dans le rapport des Marocains à l’eau, cette ressource précieuse qui commence à se faire rare du fait de la sécheresse mais aussi de sa surexploitation. Conséquence du changement climatique, le stress hydrique qui frappe le pays exige de la part des gouvernants une série de mesures fortes pour provoquer un sursaut salvateur. En plus d’une forte sensibilisation aux écogestes au quotidien dans ce domaine, il est fondamental de repenser l’agriculture nationale, qui engloutit plus de 80% d’eau, en la faisant évoluer vers des cultures moins gourmandes. Ces actions doivent accompagner impérativement la décision de recourir à la mobilisation des eaux non conventionnelles comme l’eau de mer dessalée qui, il faut le rappeler, n’est pas sans risque sur l’environnement et revient plus cher à produire via les énergies fossiles. En revanche, la sobriété au Maroc est de mise là où il ne faut pas. Par exemple en matière de modes de transport propres comme les voitures électriques dont le marché est pratiquement inexistant alors que sous d’autres cieux il est en pleine croissance…

A la traîne sur plusieurs chantiers stratégiques, faute de politique volontariste, le Maroc doit accélérer le rythme et bien lire la batterie de bouleversements qui ébranlent aujourd’hui l’ordre mondial et repenser, à la lumière des nouveaux défis qu’ils induisent, son modèle de croissance. Et y mettre de l’audace politique et des choix (d’avenir) gagnants.

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