La démocratie locale n’en finit pas de sombrer au Maroc sous les coups de boutoir d’un gangstérisme communal ravageur et sans limites. Mais pour combien de temps encore ? Trop, c’est trop.

Certaines stars de cette incurie locale scandaleuse commencent à tomber les uns après les autres dans le sillage des enquêtes accablantes de l’inspection du ministère de l’Intérieur. La dernière grosse prise des services de Abdelouafi Laftit a pour nom Abdelkrim Choukri, le président PAM suspendu de ses fonctions depuis le vendredi 4 décembre pour cause d’une série de graves irrégularités relevées dans la gestion de nombreux chantiers de la commune qu’il préside. Également député, le mis en cause qui règne sur  Dar Bouazza depuis 2009 était un ex-agent d’autorité qui, selon bien des observateurs,  s’est enrichi comme ce n’est pas permis au contact de ses concitoyens. Et surtout sur le massacre urbanistique incroyable infligé depuis les années 2000 à cette belle localité de la périphérie casablancaise dans ses deux versants (Tamaris et Errahma), à coups d’habitat anarchique, de lotissements clandestins et de dérogations douteuses sur fond d’une prédation foncière et immobilière flagrante. Enfantant plusieurs dérives dénoncées par la population, celle-ci s’est accélérée ces dernières années, à la faveur de sa transformation en nouveau pôle résidentiel très prisé par une partie de la classe moyenne et aisée, chassée par les mille et une nuisances de la ville de Casablanca.        

« La commune urbaine de Dar Bouazza se fixe comme objectif de jouer le rôle d’un régénérateur urbain permettant de réguler l’offre urbaine future aux exigences économiques, sociales et environnementales, ce qui engendrera sans doute une opportunité de développement de la ville », lit-on dans un document de l’agence urbaine de Casablanca. Cette ambition, figée au stade de vœux pieux, s’est fracassée sur les récifs d’une incurie locale dopée par la corruption, le népotisme et la tentation de l’argent facile.

Dar Bouazza d’aujourd’hui c’est le même massacre subi par une autre localité voisine, Bouskoura, dont la mutation urbaine s’est accompagnée de bien des abus à caractère notamment immobilier et industriel…  Had Soualem n’a pas plus connu un meilleur sort avec son ancien président istiqlalien, Zine Al Abidine Al Houass, tombé il y a quelques années suite à une affaire retentissante de cash de plusieurs milliards retrouvés chez lui, qui en disait long sur l’étendue de ses pratiques devenues très communes sous nos cieux. Tout récemment, c’est l’ex-ministre MP Mohamed Moubdii qui a été interrogé par la police judiciaire sur ses exploits d’ex-maire de Fkih Ben Saleh.

Des élus véreux de cet acabit, sans foi ni loi, traversent tous les partis politiques dont ils utilisent les étiquettes - que certains vont jusqu’à acheter - juste comme un tremplin pour faire tomber les communes dans leur escarcelle. Moins pour servir la collectivité que pour s’en servir et se servir.

Des profils pareils à la moralité douteuse et sans aucun niveau intellectuel, qui ne justifient d’aucune compétence particulière, sinon celle d’achat des voix et de montages frauduleux, n’ont de cesse de prendre en otage les intérêts de la population aux dépens de laquelle ils s’enrichissent indûment au vu et au su de tous. La commune rapporte gros pour qui sait la considérer comme un business, son business…  

La responsabilité première de ce naufrage revient aux partis qui ont pris l’habitude d’infliger aux citoyens des élus qui agissent moins en élus respectables qu’en brigands. Les pouvoirs publics ne sont pas moins responsables ; en ce sens qu’ils ont continué à cautionner en organisant dans les mêmes conditions contestables des élections communales qui ne servent in fine qu’à perpétuer depuis 1976 un système local complètement pourri. En manquant de fermeté et d’exigence envers les partis, le ministère de l’Intérieur a contribué à maintenir ce statu quo ravageur dont les contrecoups en termes de développement sont très couteux. Dans ce monde interlope, où rien ne fonctionne normalement, tout est monnayable, rien n’est gratuit, il faut passer à la caisse pour obtenir une autorisation de construire, un permis d’habiter, celui d’ouvrir un commerce ou de faire des travaux. Autrement, c’est le bouton des manœuvres dilatoires qui est actionné illico. Bonjour la galère. Qu’attendre de candidats qui au vu et au su des autorités se battent pour la plupart à coup de plusieurs millions de DH lors des campagnes électorales ?

Certes, des irrégularités à la pelle, des scandales à tire-larigot et de cas de concussion en abondance sont débusqués a posteriori par les enquêteurs du ministère de tutelle et les magistrats de la Cour des comptes. Mais est-ce le meilleur moyen pour mettre fin à ces dérives locales à grande échelle ? Le ministère de l’Intérieur n’a-t-il pas à mieux à faire que de contrôler l’action d’élus censés jouer leur rôle au service de la collectivité ? Le salut communal viendrait peut-être de la dissolution des conseils municipaux et la reprise par l’État de ses prérogatives qu’il a transférées en 1976 aux partis politiques… Une reprise en main ne serait-ce que provisoire s’impose plus que jamais. Objectif: Permettre à cette classe politique malade et dépassée de faire son aggiornamento qui déboucherait sur le recrutement d’un vrai personnel politique, jeune, instruit et dynamique. Faute de quoi, il serait illusoire de prétendre construire sur cette faillite communale retentissante une régionalisation saine et solide, susceptible de remédier aux dysfonctionnements territoriaux qui plombent le développement du pays.

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