La séquence de la semaine dernière, la réception accordée  par le souverain aux deux jeunes marocains avec leurs prototypes de voitures sortis droit de leur volonté d’entreprendre dans un secteur pointu, a suscité l’admiration de tous en flattant l’orgueil national. Mais il convient de se libérer  de l’autosatisfaction béate devenue la marque de fabrique de certains milieux qui se poussent sans cesse du col pour poser les termes d’une réflexion nationale  féconde, ambitieuse et dynamique. Deux entrepreneurs de leur temps ont eu l’idée ingénieuse de surfer sur la vague de l’industrialisation portée par les fonts baptismaux par le chef de l’État  pour offrir au Maroc ses propres marques automobiles. Ce faisant, l’un et l’autre ont inauguré, avec  Neo Motors et Namx, une page prometteuse dont il reste à  écrire le livre de la réussite nationale. Celle-ci  ne peut être écrite que par les grands noms du capital national. Frileux quand il s’agit de se développer  ou de quitter leur zone de confort productif pour se diversifier, ces derniers ont aujourd’hui un boulevard devant eux pour  changer de dimension et devenir les porte-drapeaux de ce nouveau Maroc qui affiche clairement  et fièrement ses ambitions dans des secteurs à haute valeur ajoutée. Un champion national dans l’industrie automobile, voilà un défi passionnant à relever  en capitalisant sur les acquis de l’écosystème existant avec ses dizaines d’équipementiers implantés sur le sol national. La souveraineté industrielle passe aussi par la  route des quatre roues made in Morocco  et surtout made by Morocco. Sans les investissements des groupes marocains dans de pareils projets industriels lourds, l’aventure de Belkhayat et de Ennajah risque de s’arrêter au premier virage difficile.

Un champion national dans l’industrie automobile, voilà un défi passionnant à relever  en capitalisant sur les acquis de l’écosystème existant avec ses dizaines d’équipementiers implantés sur le sol national.

Et dans l’automobile particulièrement, les virages  sont nombreux et difficiles. L’automobile est une industrie à très forte intensité capitalistique qui  nécessite des investissements de départ colossaux pour lancer une marque et l’installer sur un marché qui plus est très concurrentiel. Produire une marque de voiture  marocaine n’est pas synonyme de succès commercial. Encore faut-il que le rapport qualité/prix y soit avec un bon réseau de commercialisation et un service de service après vente performant. Sans oublier l’effort colossal à consentir en termes de communication pour pousser le consommateur marocain à faire confiance à Neo au détriment d’une voiture étrangère de la même gamme. Il faut beaucoup plus que l’accompagnement bancaire pour rentabiliser le véhicule national, conforter sa compétitivité et lui permettre de s’exporter. Une production de masse, des investissements lourds en R&D et une stratégie marketing efficiente sont les principaux ingrédients de la réussite. A la fois à caractère technique et commercial, les défis sont immenses et difficiles. Tout un programme qui requiert bien des prérequis pour construire une filière automobile compétitive. Faute de quoi, la Neo risque de vivoter en roulant cahin-caha, bon an mal an et la Namx qui carbure à l’hydrogène vert de  brasser du vent.

Il est illusoire de croire qu’il est possible pour un pays  d’asseoir les jalons d’une industrie solide et pérenne avec les investissements étrangers seulement. La preuve par le meilleur exemple a cet égard, la Corée du Sud qui a développé une industrie hautement  performante et à haute valeur exportatrice  en misant exclusivement sur des entreprises familiales de premier plan. Cette politique volontariste a permis d’enfanter des conglomérats puissants et des empires économiques tentaculaires comme Samsung  (implanté dans des activités aussi diverses que l'électronique, la construction navale, le textile, la finance, les assurances, l'immobilier, la chimie, mais aussi l'armement, le tourisme et les parcs d'attractions). Résultat : le pays du Matin calme, qui faisait partie du tiers-monde à la fin de la guerre (1950-1953) et qui était moins avancé que le Maroc jusqu’au début des années 80, devient en quelques décennies une grande puissance mondiale. Pour les pérenniser et en faire de véritables fer de lance de l’économie nationale, les métiers mondiaux du Maroc ont besoin de chefs de file du cru ambitieux et entreprenants qui voient grand.

Dans la filière automobile, une belle autoroute vient de s’ouvrir pour les le capital marocain désireux de dépasser le stade de la sous-traitance pour se hisser au rang de capitaines d’industrie… À dire vrai, tout dépend de ce que l’on veut : Rester fidèle au Maroc moins- disant social des petites mains ou intégrer le club des cerveaux à haute valeur ajoutée ?

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