On est loin, très loin de « l’opération spéciale » annoncée par Poutine au moment de l’invasion de l’Ukraine par son armée le 24 février dernier. Ce qui devrait être une affaire de quelques jours, une semaine tout au plus, a tourné à l’enlisement face à la résistance héroïque des Ukrainiens qui n’ont pas accueilli l’envahisseur, comme l’espérait certainement le maître du Kremlin, avec des bouquets de fleurs et des youyous. Après plus de 100 jours de guerre avec des milliers de morts et diverses horreurs, le constat qui s’impose à tous est encore plus terrifiant. La sale guerre de Poutine a largement débordé le cadre du théâtre strict des opérations où elle continue de faire des dégâts colossaux (morts par milliers, exilés par millions, pertes économiques et destructions massives) pour se propager indirectement dans le reste du monde en mettant le feu au panier de la ménagère.

Flambée sans précédent des prix des carburants à la pompe, envolée spectaculaire de ceux des céréales et des huiles de table et  renchérissement des principales denrées alimentaires et autres produits de consommation courante sur fond d’une inflation galopante et un risque de famine dans nombre de pays africains largement dépendants du blé et  des engrais russes et ukrainiens…

En somme, la facture est injustement trop salée pour les populations y compris des pays développés qui paient depuis des mois beaucoup plus cher que d’habitude leur pitance quotidienne et leur plein d’essence alors que les salaires stagnent comme l’eau des marécages. Le pouvoir d’achat est pilonné indirectement par les missiles poutiniens sans que les pouvoirs publics ne trouvent la parade pour enrayer le cercle infernal des prix qui montent, tout comme l’incertitude et l’absence de visibilité qui inquiètent les sphères politiques et les milieux industriels. Jusqu’où peut encore aller cette flambée générale des prix qui touche aussi les matières premières et surtout comment l’arrêter ?  Une véritable gageure.  

Victimes collatérales d’un conflit qui aurait pu être évité si les Occidentaux avaient accepté de discuter de l’offre de négociation de Poutine sur les gages de sécurité de la Russie, les citoyens du monde entier paient en fait l’hypocrisie sur fond d’inconséquence politique des belligérants qui ont transformé en terrain de guerre par procuration le pays de Zelensky. Celui-ci fait de plus en plus figure de dindon de la farce puisqu’il n’a obtenu satisfaction sur aucune de ses demandes insistantes : l’adhésion de l’Ukraine, ni à l’Otan ni à l’Union européenne. In fine, Zelensky a tout perdu (l’arrimage de son pays au monde occidental, la paix pour ses concitoyens et une partie de son territoire) et gagné en revanche un Poutine plus vengeur et dévastateur que jamais, prêt à toutes les fuites en avant.  

La vérité c’est que les puissances ont fourvoyé la planète dans un conflit à la fois inutile et hautement dangereux dès lors que l’agresseur possède l’arme de dissuasion massive qui le rend fort et inattaquable.

La préservation du pouvoir d’achat des personnes les plus fragiles aux quatre coins de la planète est le dernier souci des fauteurs de guerre, engagés à fond qu’ils sont dans un bras de fer géostratégique aux conséquences imprévisibles pour la planète entière sur les plans à la fois militaire, alimentaire et économique. Pour l’instant, les sanctions infligées à la Russie - nous en sommes au sixième paquet depuis le début des hostilités -  sur lesquelles misait l’Occident pour faire fléchir le maître du Kremlin en fragilisant son régime n’ont pas porté leurs fruits. Bien au contraire. Ces sanctions sont en train de se retourner contre leurs auteurs pendant que la Russie, parvenue à coups de missiles et de chars à prendre 20% du territoire ukrainien, donne l’impression de surfer sur les punitions américano-européennes. Le nouveau tsar se permet même de mener le jeu sur deux dossiers stratégiques, les hydrocarbures et la sécurité alimentaire mondiale, où l’ex-patron du KGB a la haute main, au grand dam de ses ennemis déclarés. Cela se voit qu’il ne s’est pas lancé dans l’invasion de l’Ukraine sur un coup de tête et qu’il a minutieusement mitonné son coup.  L’Occident a beau dénoncer aujourd’hui le chantage de Poutine qu’il désigne depuis le début comme la nouvelle incarnation du mal, il n’arrive pas pour autant à convaincre sur le bien-fondé de sa stratégie ; encore moins sur ses bonnes intentions, qu’il exprime sur tous les tons de Bruxelles à Washington en passant par Paris et Berlin.

La vérité c’est que les puissances ont fourvoyé la planète dans un conflit à la fois inutile et hautement dangereux dès lors que l’agresseur possède l’arme de dissuasion massive qui le rend fort et inattaquable. Résultat : Incapable d’intervenir directement dans la guerre au risque de passer pour un cobelligérant aux yeux de Moscou, l’Occident assiste, en spectateur impuissant, à la destruction d’un pays qu’il n’a pas pu protéger de la vindicte ravageuse russe et qu’il ne peut autrement aider qu’en lui livrant de l’armement pour se défendre. Ce qui ne fait au fond qu’entretenir les hostilités, aggraver les dégâts déjà colossaux et éloigner l’espoir d’un retour sérieux à la table des négociations.

Nous sommes par conséquent dans un jeu de dupes très hasardeux avec ses objectifs avoués et inavoués, ses grands moyens de pression et ses petits calculs.  Poutine utilise, ce qui est de bonne guerre, l’arme alimentaire pour faire desserrer l’étau des sanctions et de l’embargo qui frappent son pays tandis que l’Occident érige l’Ukraine en instrument pour affaiblir durablement la Russie. Trop de haine et de ressentiment qui fait rétrécir la marge de manœuvre diplomatique.

Le fossé entre les deux camps se creuse de jour en jour, à mesure que le conflit s'installe dans la durée. Et l’on voit mal comment dans ces conditions pouvoir arrêter la guerre, seule solution pour désamorcer cette tension mondiale sans précédent qui à cause du bellicisme anglo-saxon menace à tout moment d’embraser toute l’Europe et même au-delà. Il est urgent de sortir du piège ukrainien…

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