« Le séparatisme islamiste » ! C’est la dernière trouvaille politique du président français qui a mentionné le Maroc, lors d’un discours le vendredi 2 octobre dans les Yvelines, parmi les financiers de l’islam en France tout en proclamant la fin de «l’islam consulaire ». « Nous savons d’où viennent les financements. Ils sont venus très régulièrement d’Arabie Saoudite, du Qatar, de Turquie, et sont venus plus marginalement du Maroc et d’Algérie », a affirmé Emmanuel Macron en réponse à une question d’un journaliste sur l’origine des financements de l’Islam en France. Or, nulle radicalité dans l’islam marocain, réputé pour son caractère modéré et tolérant qui prône la coexistence entre les religions. Mais, à moins de deux ans de la présidentielle de 2022 qu’il veut absolument gagner,  le chef de l’Etat français cherche visiblement avec sa « République en actes » à plaire à l’électorat de l’extrême droite. Au risque de verser dans l’amalgame en faisant clairement du culte musulman le bouc émissaire des turpitudes françaises alors qu’il s’est soigneusement gardé jusqu’ici de s’engager sur ce terrain dangereusement glissant.

Qu’importe! Le locataire de l’Elysée, enthousiaste comme à son habitude lorsqu’il fait des phrases, croit bon pour sa réélection d’enfiler le costume du libérateur de «l’islam en France des influences étrangères ». Vous allez voir ce que vous allez voir ! Cette délivrance passe par l’adoption d’une flopée de mesures  comme l’interdiction des lieux de prière improvisés dans les entreprises de transports ou les aéroports, le bannissement de la désinfection par des agents musulmans radicaux des sièges sur lesquels des femmes se sont assises, la prohibition des certificats de « virginité » délivrés par des médecins jugés douteux et le durcissement du contrôle des associations qui dégagent un parfum musulman… Tant qu’à interdire, pourquoi ne pas frapper d’interdit la barbe fournie à la musulmane?

La détermination macronienne sera gravée dans le marbre d’une loi en cours de rédaction baptisée « la loi sur les séparatismes ». Susceptible d'être renommée «Loi renforçant la laïcité», histoire pour le gouvernement Castex d'afficher sa neutralité politique face aux critiques des associations de différentes obédiences, elle sera présentée le 9 décembre en Conseil des ministres avant d’être soumise au vote en janvier à l’Assemblée nationale. La « Loi sur les séparatismes », présentée dans sa formulation comme générale, a en vérité un caractère particulier, ne visant qu’une catégorie de la population, la même depuis toujours : la communauté musulmane de France! Ce fut le cas avec « la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises» promulguée en 2004 et qui dans la pratique a une portée spécifique, le voile islamique (et non pas la kippa, par exemple) que ses concepteurs ont principalement dans le viseur.

Le traitement du culte musulman et tout ce qui s’y rapporte a ceci de particulier qu’il est excessivement instrumentalisé dans le débat national français. Au point que les musulmans de France, porteurs souvent de la double nationalité, se sentent discriminés et stigmatisés ; ce qui leur donne le sentiment de plus en plus fort d’être utilisés dans des joutes de pouvoir tout en discréditant au passage leur religion. La classe politique et médiatique française passe en effet une bonne partie de son temps à monter en épingle des sujets liés à la communauté musulmane de France.

La classe politique et médiatique française passe  une bonne partie de son temps à monter en épingle des sujets liés à la communauté musulmane de France. Quand ce n’est pas le voile et le communautarisme, c’est l’immigration et l’accueil des étrangers, le terrorisme et l’insécurité…

Quand ce n’est pas le voile et le communautarisme, c’est l’immigration et l’accueil des étrangers,  le terrorisme et  l’insécurité… Ce sont ces thématiques qui rythment depuis des décennies la vie politique française dans une ambiance de polémique permanente alors qu’elles ne font pas  partie des préoccupations essentielles des Français que sont la montée du chômage sous l’effet conjugué des délocalisations et la perte de la compétitivité française et leurs corollaires, à savoir l’érosion du pouvoir d’achat du grand nombre et leur paupérisation… N’est-ce pas ce mal-être hexagonal profond qui a enfanté la longue séquence des Gilets jaunes?

Le moindre prétexte est bon pour faire monter la mayonnaise sur les marronniers liés à l’islam qui, tels qu’ils sont traités, ne font que renforcer le climat d'islamophobie ambiant tout en mettant mal à l’aise y compris la communauté musulmane dans son ensemble qui suit les contorsions des débatteurs plus ou moins bien intentionnés. Le dernier épisode en date, survenu le 17 septembre 2020, qui a secoué le landernau partisan et tourné au psychodrame télévisuel porte sur le boycott par des députés Les Républicains (LR) et La République En Marche (LREM) d’une séance d’audition des organisations étudiantes et représentantes de la jeunesse du fait de la présence d’une représentante voilée de l’UNEF. Quel sacrilège! « En tant que députée et féministe, attachée aux valeurs républicaines et aux droits des femmes, je ne peux accepter qu’une personne vienne participer à nos travaux à l’AN (Assemblée nationale) en hijab, qui reste pour moi ne marque de soumission », a tweeté aussitôt la LREM Anne-Christine Lang qui a quitté cette réunion. Tout est dit dans ce tweet : ce qui relève d’un acte de liberté, d’un choix assumé (le port du voile ou non) est considéré en France comme synonyme d’oppression de la femme et d’attaque frontale contre la laïcité ! Drôle de raisonnement. Porter par contre une minijupe ou un décolleté dans tous les espaces relève d’un choix personnel  et ne mets pas par conséquent en porte-à-faux la République avec ses valeurs. Au diable la tolérance et le respect des différences !

Les dérives politiciennes actuelles sont devenues telles que l’extrême droite, représentée par le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, qui a fait de la xénophobie et la haine antimusulmane son fonds de commerce, n’a même plus besoin de s’en prendre publiquement à sa cible préférée.  Emmanuel Macron  fait depuis quelque le temps le job à sa place. Merveilleusement bien en plus.  Pour qui suit un peu l’actualité de ce pays, empêtré dans ses propres contradictions jusqu’à la caricature,  se rend compte que l’extrême droite, qui s’est offert depuis quelque temps sa propre chaîne de télé, CNews de Vincent Bolloré où sévissent Zemmour et consorts,  dicte de plus en plus  son agenda politique à  Emmanuel Macron qui espère, en adoptant la même stratégie qu’un certain Nicolas Sarkozy, se faire réélire en siphonnant les voix de l’extrême droite.

Surenchère législative de plus qui ne règlera nullement les problèmes de fond de « l’identité nationale », cette énième manœuvre électoraliste, sur le dos du culte musulman, qui n’est certainement pas la dernière, révèle, encore une fois,  l’échec patent de l’intégration à la française en raison justement des discriminations et autres mauvais traitements qui constituent le quotidien des enfants musulmans issus de l’immigration, « banlieusardisés »  dans un pays où tout ce qui ne ressemble pas aux Gaulois devient suspect. Voire dangereux pour la République ! Tout le contraire du système britannique qui a fait de l’intégration des minorités, à rebours de la conception française basée sur un processus de leur acculturation, un outil d’accès  aux droits de manière égalitaire dans une société où le multiculturalisme  bénéficie d’une légitimité à la fois sociologique et politique. Certains pays européens comme l’Allemagne se sont inspirés de l’exemple anglo-saxon pour permettre à des enseignantes de vivre leur foi sans problèmes en portant le foulard. Idem pour les États-Unis, pays du melting-pot par excellence, où les femmes policières d’origine musulmane sont autorisées depuis 2015 à arborer le voile.

Ces ouvertures sur l'autre sont inimaginables en France où pour les pouvoirs publics et une partie de la population de souche, un bon musulman c’est celui qui accepte de tourner le dos à ses origines et à sa religion. La vraie laïcité, celle qui intègre et fédère, valorise et ne divise pas, se trouve sans conteste  dans cette approche sans complexes qui respecte la diversité ethnique et culturelle des groupes minoritaires. Sans chercher à les assimiler ni  à les discriminer.  Il est grand temps  que le pays de Voltaire en prenne de la graine…

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