Abdellah Chankou
1.4.2021 4:11

Si la réforme controversée du quotient électoral n’avait qu’une seule vertu c’est bien celle-là: permettre à tous les partis qui se présentent aux élections législatives de faire élire leurs candidats au Parlement indépendamment de leur poids politique. Ce qui n’était pas le cas sous l’ancien mécanisme (calcul du quotient électoral sur la base des voix valides) qui favorisait l’exclusion des petits partis au profit des grandes formations. Résultat : un parti comme le PPS, qui peinait à se constituer un groupe parlementaire, a aujourd’hui à la faveur de cette réforme (calcul du quotient électoral sur la base des inscrits), une chance réelle d’améliorer sa représentativité arithmétique. Idem pour l’USFP qui a perdu au fil des rendez-vous électoraux son statut d’acteur majeur de la scène partisane au profit justement du PJD qui l’a chassé de ses fiefs électoraux comme Casablanca où ce parti historique ne dispose plus du moindre parlementaire.

À contre-courant de l’ensemble des autres partis, de la majorité comme de l’opposition, les islamistes se sont inscrits en dehors du consensus politique en votant contre une refonte qu’ils ont qualifiée d’antidémocratique et de manœuvre dirigée contre eux pour les laminer électoralement. Par l’effet de cette réforme contre laquelle ils ont en dernier ressort introduit un recours auprès de la Cour constitutionnelle, les islamistes, il est vrai, ne pourront plus, comme ce fut le cas jusqu’ici, gagner jusqu’à deux sièges dans une seule circonscription et perpétuer ainsi leur hégémonie politique. La réduction de leur force numérique tournera également à la soustraction financière pour la trésorerie du parti puisqu’elle sera privée de la contribution des députés en moins au titre de la cotisation obligatoire et de la subvention de l’État. Mais au-delà de ces considérations pécuniaires, le nouveau quotient électoral servira surtout à corriger une aberration politique qui a profité largement au PJD en lui permettant, par exemple, à l’issue des dernières législatives, de devenir la première force politique du pays et de prendre les commandes du gouvernement avec seulement 1.600.000 voix sur 6 millions d’électeurs pour 16 millions d’inscrits. Plus que profond, l’écart est abyssal à l’échelle d’une élection et introduit une bonne dose d’injustice dans tout le dispositif.

Le PJD mène sous couvert de religion une certaine politique dans un sens favorable à son emprise sur le pays et non pas au service de l’intérêt général.

Questions à l’adresse de Al Othmani et ses amis: Est-ce démocratique de décider pour un pays de 36 millions d’habitants dont 26 millions en âge de voter avec des suffrages aussi modestes ? Est-il raisonnable de se considérer comme le seul parti dépositaire de la légitimité populaire en puisant qui plus est dans un marché électoral captif constitué essentiellement d’obligés des couches défavorisées ?  Le PJD, qui s’est englué dans une série de scandales notamment à caractère moral, n’est pas ce qu’il a longtemps prétendu être. On connaît maintenant suffisamment le mode opératoire des islamistes pour se méprendre encore sur leur stratégie sournoise.  Ils ne font le plein de voix qu’à coups d’actions de charité politique, drapées d’oripeaux religieux, organisées pendant toute l’année via un tissu associatif aux ramifications nationales… Si le PJD a pu gouverner le pays durant deux mandatures et fait main basse sur la démocratie locale c’est parce qu’il prospère sur le terreau de la misère qu’il a contribué du reste à entretenir en l’accentuant depuis qu’il a pris les manettes du pouvoir.  En un mot, Le PJD mène sous couvert de religion une certaine politique dans un sens favorable à son emprise sur le pays et non pas au service de l’intérêt général. On vote PJD ni pour la compétence de ses cadres ni pour la pertinence de son programme. Il n’en a tout simplement pas d’ailleurs. Ce qu’il a suffisamment démontré jusqu’à la caricature depuis son arrivée aux affaires. On vote plutôt PJD pour sa capacité, loin d’être désintéressée d’ailleurs, à voler au secours des exclus dont il prend en charge les frais de circoncision ou de médication, l’achat de fournitures scolaires ou le mouton de l’Aïd… En fait, la popularité dont se targue le PJD est très localisée, ne dépassant guère les poches de dénuement et de l’ignorance qui lui ont assuré jusque-là son triomphe électoral.

D’un point de vue religieux, la démarche du PJD contredit le fondement même de la foi basée sur des actes accomplis sincèrement pour Dieu alors que les actions de charité de ses militants visent en vérité à obtenir en retour un gain matériel : les strapontins. Sauf à vouloir réislamiser le Maroc qui est, à ce que l’on sache, une terre d’islam, le PJD devrait normalement en raison de ses bases religieuses être interdit par la loi ! Et puis, une boutique politique qui use de mille artifices pour arriver au pouvoir et s’y maintenir à tout prix est-elle digne de confiance ? Vue sous cet angle, la réforme du quotient électoral est judicieuse. N’ayant rien d’antidémocratique comme le crient à grands trémolos ceux qui se posent en victimes d’un prétendu complot politique, elle apparaît au contraire comme un réaménagement technique visant à contrebalancer les défauts d’un système politico-électoral qui ne récompense pas forcément les plus méritants. Le temps est venu pour tourner la page de l’imposture…

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