Abdellah Chankou
30.3.2023 0:56

En ce mois de mars, le peuple de France n’a pas eu le temps d’admirer les fleurs de printemps. Il en a  été détourné par son «Printemps français»  qu’il a déployé sur le champ de la contestation en dix journées de mobilisation provoquée par la très controversée  réforme des retraites.  C’est à une éclosion d’une tout autre nature à laquelle nous avons assisté, celle  de slogans sur banderoles, style «Tu nous mets 64, on et mai 68», «prenez-nous pour des clowns, attendez-vous à un cirque»  ou «réforme d’heureux traitres». Le tout accompagné de séquences  de chaos ahurissantes dans une ambiance de soulèvement populaire. Macron et son gouvernement, vomis par l’opinion, en prennent  pour leur grade. Le 49.3 dont la macronie, dépourvue de majorité,  a usé et abusé pour contourner le vote parlementaire aura été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres.  Trop, c’est trop. Le peuple des travailleurs, déjà aux prises avec un quotidien de plus en plus difficile en raison d’une inflation galopante, se sent humilié, voire écrasé. Alors, il se soulève contre ses gouvernants sourds à leurs revendications. A la guerre comme à la guerre.    

En ce printemps de toutes les violences, les  bouquets de fleurs ne sont pas au rendez-vous. Le Printemps français a les couleurs de la dissidence. Fébriles et les nerfs à cran,  les forces de l’ordre  ripostent en offrant des flash-balls et des bombes lacrymogènes pour les méchants révoltés.Le fond de l’air est à une extrême tension matinée d’odeurs pestilentielles. Place aux montagnes d’ordures jonchant les rues de Paris. Pour cause de grève des éboueurs soutenue par la maire socialiste.  La ville lumière renvoie tout à coup l’image très peu flatteuse d’une cité ténébreuse  générant avec l’incendie des poubelles par des manifestants en colère  de drôles  de feux d’artifice. Sur les réseaux sociaux, on daube aussi sur la saleté qui ronge cette belle métropole victime d’enlaidissement et livrée, par-dessus la marché, «aux rats de marée» alors qu’elle  accueille les Jeux olympiques en 2024.

La France, particulièrement sa capitale, se met dangereusement  en scène depuis des semaines sous les yeux du monde entier. Spectacle hallucinant. Pas beau à voir. Dans les cortèges, truffés de black blocs, ces activistes révolutionnaires habillés en noir qui se frottent violemment à la police, on casse du manifestant. Le droit de descendre dans la rue, d’exprimer son désaccord, n’est plus garanti. Macron, accusent ses détracteurs, sort  la matraque pour intimider le peuple des prolétaires qui rejette avec véhémence son projet de le faire travailler jusqu’à 64 ans. Sans considération pour les métiers pénibles qui abiment bien des ouvriers avant même d’atteindre 60 ans… L’histoire ne dit pas si Brigitte Macron, devant cette fibre révolutionnaire exaltée par son mari, a lancé à son monarque républicain, têtu et arrogant selon ses contempteurs : « Si ces gueux refusent de bosser dur jusqu’à 64 ans, qu’ils acceptent au moins de trimer en dilettante à vie ». Méconnaissable, «la patrie des Droits de l’homme» est prise en défaut. Le Conseil de l’Europe déplore «l’usage excessif de la force en France» alors que le rapporteur  spécial de l’ONU dit «suivre de très près les manifestations».

Le problème n’est plus la réforme des retraites mais Emmanuel Macron lui-même et sa façon cavalière de gouverner contre le peuple et ses intérêts.

Même l’Iran, dictature  qui détient la palme de la férocité répressive, s’est enhardi à rappeler la France à l’ordre en condamnant «la répression des manifestations» au lendemain de ce jeudi explosif de tous les records : Plus de 450 personnes interpellées et 441 policiers et gendarmes blessés. selon le bilan officiel. Sans compter les dégâts énormes  infligés aux biens publics par la foule des casseurs. Mais qu’est-ce qui est arrivé à la France pour basculer soudainement  dans ce climat  insurrectionnel et se laisser aller  aux brutalités policières qui lui valent les admonestations ? D’habitude donneuse de leçon en matière de respect des libertés, la France est devenue en la matière le mauvais élève  de l’Europe que l’on tance. Qui l’aurait imaginé? Voilà qui fait désordre et aggrave la tiers-mondisation du pays (menace de délestages, pénuries de médicaments de base et appauvrissement accéléré  de la population, guerre des gangs…), dénoncée les trémolos dans la voix par ses hommes politiques.

Vu du Maroc, ce qui se passe en France est incompréhensible. On a du mal a priori à saisir les raisons qui ont poussé Emmanuel Macron à vouloir réformer contre le peuple alors qu’il est censé réformer pour le peuple en concertation avec les corps intermédiaires que sont les partis et les syndicats. Ce n'est pas la voie empruntée par le locataire de l’enlisé de l’Élysée qui a déployé depuis son arrivée au pouvoir des trésors d’ingéniosité pour les affaiblir. Le péché originel est là. Et pas ailleurs. Depuis que le chemin de l’Élysée lui a été opportunément balisé par le dégagement du candidat Fillon qui incarnait une certaine idée de la France dans la lignée de la droite républicaine, le pays s'est fait embarquer dans un processus de fausse transformation politiquement coûteux. Assurément, les Français paient quelque part le fait qu’ils se sont laissés séduire par un homme charmeur sans parcours politique ni base électorale qui  pour faire bonne figure a bidouillé à la-va-vite une enseigne cocotte-minute  baptisée «En marche devenue ensuite La République en marche (LREM) puis Renaissance. Or,  il ne suffit pas de changer de sigle pour  transformer une coquille vide en vrai parti de gouvernement. Pour gouverner, il a pris l’habitude de puiser  dans le vivier de gauche et de droite comme bon lui semble.  Les grands partis de France ont été réduits  sous Macron à des forces d’appoint au service d’un seul homme et des intérêts de ses mentors de l’univers dont il est issu: la finance.    

Taxe sur les échanges en Bourse allégée, fiscalité douce pour les gros salaires de la finance… Les grandes réformes et mesures mises en œuvre entre 2017 et 2022 [par Emmanuel Macron] sont largement à l’avantage des deux secteurs, fait remarquer le monde du 7 mars qui a oublié de mentionner la réforme troublante adoptée dans la foulée de son premier quinquennat, la suppression de l’impôt sur la fortune. La réforme des retraites, qui  n'est pas vraiment une urgence selon les experts, ne vise à son tour qu’à rassurer les marchés financiers  en freinant la hausse des taux d’emprunt d’une France très endettée.

Le président des «très riches», selon la formule de François Hollande, coincé entre l'enclume des exigences de ses gourous et les attentes légitimes de ses concitoyens, est dans la nasse.  Mais celui dont l'avenir politique s'annonce problématique - son mandat expire en 2027-  incarne-t-il encore une quelconque solution pour sortir une partie des Français de leur mal-être et la France de  son  déclinisme patent ? A y regarder de plus près, le problème n’est plus la réforme des retraites mais Emmanuel Macron lui-même et sa façon cavalière de gouverner dès son arrivée aux affaires  contre le peuple et ses intérêts légitimes.

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