Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a présidé, vendredi  17 mars à Rabat, la cérémonie de signature de la convention-cadre pour le déploiement de la feuille de route stratégique du tourisme pour la période  2023-2026. Les signataires  sont  le président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), Hamid Bentahar et une brochette de ministres concernés directement par le fait touristique. Montant de l’enveloppe budgétaire allouée, quelque 6,1 milliards de DH, pour des objectifs assez réalistes  : 17,5 millions de touristes, 120 milliards de recettes en devises, 80.000 emplois directs et 120.000 indirects. On le répétera jamais assez le royaume est dimensionné, côté diversité  des atouts touristiques (patrimoine culturel, balnéaire,  déserts,  sites historiques, montagnes, terroir…),  pour  performer au-delà de ces prévisions.

Mais ce serait faire preuve de mauvaise grâce que de ne pas saluer l’initiative du cabinet Akhannouch qui dénote une prise de conscience forte quant aux multiples vertus du tourisme comme secteur transversal  qui touche diverses activités tout aussi essentielles  (Agriculture, agroalimentaire, transport, santé,  bâtiment…)  tout en progressant à rythme phénoménal.  Après avoir été 25 millions en 1950 et 278 millions en 1980, les touristes internationaux ont été 1,4 milliard en 2018 et seront 1,8 milliard en 2030 selon les prévisions de l’OMT. Avec 10% du PIB et la création d’un emploi sur 10, l’industrie du tourisme dépasse le secteur pétrolier et la filière automobile.  Soit 800 milliards  de dollars de recettes  en 2021. Une manne extraordinaire dont le Royaume se doit de prendre la part qui lui revient.

C’est l’effet de la démocratisation de l’acte de voyager qui n’est plus un luxe réservé autrefois à une caste de privilégiés.  La multiplication des vols charters et low cost a rendu accessibles et abordables  les destinations touristiques les plus lointaines. Réserver un hôtel et bloquer un siège d’avion est devenu un jeu d’enfant grâce au développement fulgurant des nouvelles technologies. Ces facteurs facilitateurs ont transformé le voyage d’agrément en produit de consommation courante qu’il convient cependant de bien emballer et marketer pour le rendre attrayant pour les touristes potentiels. Lesquels sont de plus en plus nombreux à choisir leur destination non pas en fonction de la beauté de l’hôtel ou de la richesse de l’assiette mais en fonction des activités connexes (loisirs, animation et les ambiances locales) disponibles sur place et qu’ils peuvent accomplir dans des conditions confortables. Le tourisme c’est une seule chaîne solidaire et il suffit qu’un maillon défaille pour que l’ensemble en souffre avec des répercussions sur l’image du pays et sa réputation.

Cette absence sidérante de synergies entre les professionnels du secteur et les édiles communaux nous dit beaucoup de choses, principalement le fonctionnement désuet  des collectivités territoriales.

Et puis, un touriste vit son expérience non pas en restant à l’hôtel en train de siroter  son thé à la menthe  mais en partant à la découverte de son nouvel environnement avec ses sites, ses attractions,  ses habitants et leurs  traditions. Cette dynamique renvoie à l’attractivité touristique des territoires, problème complexe s’il en est, vu que l’attractivité d’un lieu ne se limite pas seulement à sa beauté à l’état  naturel ou à sa charge historique ou culturelle. Dit autrement,  la valeur attractive  d’un site doit être engendrée et non originelle pour drainer des visiteurs. Pour le Maroc, le grand travail qui reste à faire se situe probablement à ce niveau-là : La valorisation des atouts touristiques  nationaux pour en faire des espaces dynamiques et bien aménagés à l’intention des visiteurs aussi bien locaux qu’étrangers. Et Dieu sait si le royaume regorge d’attraits fabuleux mais qui ne sont pas même pas faciles d’accès !  Ce qui représente un manque à gagner considérable en termes de flux et de recettes touristiques. Ce travail  de valorisation ne  se décrète pas. Cela se construit.  

C’est une affaire d’experts dont les décideurs du secteur doivent se soucier tout en commençant par le commencement : Introduire le tourisme dans les conseils communaux des villes touristiques comme  Marrakech, Agadir, Rabat, Tanger, Fès, Ouarzazate… Car ce n’est pas du tout normal que le tourisme reste l'angle mort de l'action locale en étant  totalement absent du logiciel des élus de ces villes alors qu’il représente leur principale activité qui, en plus de générer une foultitude de taxes, fait vivre une panoplie de métiers et des familles par plusieurs milliers de manière directe et indirecte. C’est un scandale sans nom  que les conseils des villes ne se soucient même  pas de choses basiques en relation avec l’information du touriste comme  la signalétique multilingue,  l’assistance en ligne ou téléphonique et la mise en place de l’information touristique dans l’espace public… a fortiori disposer de plans d’actions opérationnels pour le tourisme avec des fiches-actions à mettre en œuvre pour  rendre leurs cités accueillantes et hospitalières,  attrayantes  et agréables à vivre. Plus grave encore, les décisions prises par les élus, commandés par des intérêts obscurs, vont souvent à l’encontre des intérêts  de la population locale et partant des visiteurs étrangers.  Amusez-vous à lire Casablanca à la lumière de sa vocation de ville d’affaires et vous réaliserez tout de suite que la métropole, défigurée sans cesse par un urbanisme anarchique et asphyxiée par  une circulation chaotique, n’a rien prévu pour cette clientèle pourtant dépensière…

Cette absence sidérante de synergies entre les professionnels du secteur et les édiles communaux nous dit beaucoup de choses, principalement le caractère désuet des collectivités territoriales dont le fonctionnement est déconnecté des vrais enjeux de développement  des territoires et de leur attractivité, qui sont créateurs de richesse et de croissance inclusive pour les populations tant urbaines que rurales. L'extraordinaire coup de pub  que le Maroc s'est offert sans débourser un sou lors du Mondial qatari  doit normalement pousser les responsables à sonner la mobilisation sur le terrain pour  tirer les dividendes de l'épopée des Lions de l'Atlas. La Coupe du monde 2030 que le Maroc veut organiser  avec le grand duo iberique  est une opportunité supplémentaire pour hisser les communes à la hauteur des enjeux de cette compétition internationale majeure qui attire  des millions de visiteurs du monde entier ...

En revanche, nous constatons à loisir que nos villes sont compétitives, voire imbattables lorsqu’il s’agit de créer des repoussoirs pour touristes qui  sont légion. Jalonnant en compagnon fidèle le parcours touristique, ces derniers démarrent dès le premier contact du touriste avec le Maroc. A l’aéroport où il est livré à un drôle de comité d’accueil si le transfert n’est pas assuré par l’agence de voyages ou l’hôtel : les chauffeurs de taxis mal fagotés  au volant de véhicules brinquebalants alors qu’ils sont quelque part dépositaires de l’image de ce Maroc touristique que l’on vend sur les brochures ou en ligne comme authentique, beau et accueillant (la profession  pour évoluer doit intégrer sur la base d’un cahier de charges la chaîne des prestataires du tourisme et quitter le tutelle du ministre de l’Intérieur). Homme qui allie efficacité et fermeté, fervent adepte de l’expertise locale et non importée,  le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit a la possibilité en tant que signataire de la feuille de route 2023-2026 pour le tourisme de repenser la chose locale dans le sens du tourisme, de ses prérequis et de ses attentes. Osons le changement, impliquons les élus, via les sociétés  de développement local ( SDL),  dans le fait touristique. Le Maroc a tout à gagner sur  le plan économique et social.  

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