Abdellah Chankou
11.5.2023 2:07

L’élection  en remplacement  de son compatriote Marcos Troyjo de l’ex-présidente du Brésil Dilma Rousseff  le 24 mars dernier à la tête de la New Development Bank (NDB), une institution fondée en 2014 par les BRICS, a eu comme effet de relancer un vieux sujet. Celui  de la reconfiguration de l’ordre économique mondial par la remise en cause de la domination du dollar dans les échanges internationaux. Ce dossier a pris une résonance particulière dans le sillage de l’agression russe contre l’Ukraine et  la proclamation récente par une vingtaine de pays émergents de leur  volonté de rejoindre les BRICS (acronyme pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Créée initialement  pour financer des projets d’infrastructure et de développement durable dans les Etats membres, la NDB a validé en décembre 2021 l’adhésion de l’Égypte, les Émirats-Unis et le Bangladesh.  

Il n’en fallait pas plus pour voir dans ces nouveaux ralliements une preuve supplémentaire  du déclin  d’un monde dominé depuis le 16ème siècle par l’Occident au profit de nouvelles aires de puissance conduites par la Chine.  La banque portée par le tandem anti-américain sino-russe commence désormais à nourrir de plus grandes ambitions qui vont au-delà d’un simple bailleur de fonds pour des projets d’infrastructures. Elle cherche à s’imposer comme une alternative aux institutions de Brettons Woods créées au lendemain de la fin de la Seconde Guerre mondiale  (que sont le FMI et la Banque mondiale) ayant organisé le système monétaire international autour du dollar américain. Pour le bloc des BRICS, le temps est venu pour que ce système  jugé injuste qui symbolise l’hégémonie occidentale cesse et cède la place au multilatéralisme qui signifie en termes clairs un partage du pouvoir mondial entre les Américains et les nouvelles puissances émergentes. En fait, les patrons de la nouvelle alliance anti-occidentale se prennent à rêver in petto de faire tomber l’Oncle Sam de son piédestal de puissance mondiale…

Le leadership se construit d’abord  autour d’une constellation de vecteurs d’influence et de diverses formes de soft power que les BRICS, Chine et Russie en tête, ne possèdent pas.

Même l’Arabie Saoudite du prince héritier Mohammed Ben Salmane, qui a multiplié ces derniers temps les actes d’affranchissement de la tutelle américaine, a fait part de son souhait d’intégrer cette structure. Autres temps, autres attitudes ! Tout porte à croire que la dynamique des adhésions aux BRICS est appelée à s’intensifier, dopée par le déclin supposé ou réel de l’Occident, sujet de débat qui connaît depuis quelques mois un regain d’intérêt auprès des observateurs, penseurs et autres experts géopolitiques qui dissertent sur la question sur les plateaux de télévision. Poutine, Xi Jinping, qui ont au demeurant suffisamment montré qu’ils ne sont pas non plus des parangons de la démocratie et leurs nouveaux partisans, qui font figure d’idiots utiles dans cette croisade anti-occidentale, sont confiants dans l’avenir. Ils croient déceler dans les nouveaux défis économiques et politiques qui se posent à nombre de pays occidentaux, tels que la stagnation économique, l'accentuation des inégalités, la montée des populismes, les signes d’une crise morale profonde qui tôt ou tard sera fatale au monde occidental. D’où le nouveau  jeu des alliances  mondiales stimulé par l’invasion russe qui a aussi rebattu les cartes diplomatiques dans plusieurs régions du monde. Notamment en Afrique qui, au centre d’une exacerbation des rivalités de pouvoir et d’influence sans précédent, commence  à éloigner le continent du bloc occidental. Le Maroc n’est pas en reste où certaines voix se sont élevées ces derniers jours pour s’interroger si le pays ne devrait pas basculer à son tour au nom de la realpolitik.

Mais ce serait oublier que le Royaume, fort de son jeu diplomatique  équilibré,  n’a pas besoin de réserver sa place au BRICS. Maîtrisant l’art de l’équidistance politique dans la conduite des affaires du monde, Rabat n’est pas le genre à choisir un camp contre l’autre. Le fait qu’il entretient des relations solides ancrées dans l’histoire  avec les Etats-Unis ne l’a pas empêché de nouer de bonnes relations avec l’UE, la Russie, la Chine, l’Inde et bien d’autres pays nonobstant leurs  intérêts antagonistes. C’est ce qui fait  sa crédibilité en tant qu’État et lui permet de diversifier ses partenariats économiques. Sans se sentir obligé de se mettre à la remorque de Pékin et de Moscou ni à justifier ses choix en politique internationale.

Et puis, ce n’est pas parce que le PIB généré par le bloc des BRICS selon les schémas  néolibérales américains dépasse légèrement  celui  du G7,  USA, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Japon (31,5% contre 30,7%) que le Maroc doit accourir pour demander sa carte de membre. C’est principalement cet argument que certains observateurs dégainent pour conclure à la montée en puissance des BRICS et à la nécessité impérieuse  pour les pays du Sud de se repositionner. Or, un vrai leadership ne se mesure pas seulement à l’aune de la richesse économique ou de la force de frappe financière. Il se construit d’abord  autour d’une constellation de vecteurs d’influence et de diverses formes de soft power que les BRICS, Chine et Russie en tête, ne possèdent pas. Sauf à vouloir imposer leur  domination par des méthodes pas très catholiques en cherchant à remplacer l’hégémonie occidentale par une gouvernance autocratique.

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