C’est dans un contexte de rapprochement exceptionnel et de complicité inédite  entre les deux pays que s’est tenue la réunion de haut niveau Espagne-Maroc le 1er et 2 février à Rabat. Objectif : donner un contenu concret à la feuille de route adoptée par les deux parties en avril 2022 dans la foulée de l’évolution majeure de la position du pouvoir espagnol sur le dossier du Sahara. Celui-ci, qui  s’en tenait jusqu’ici à une position ambiguë en soutenant une solution politique dans le cadre des Nations unies, a abandonné sa neutralité qui dans la vision de Rabat a le goût et les allures de la duplicité. Désormais, le gouvernement socialiste de M. Sanchez considère que «l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution » de ce conflit créé de toutes pièces par l’Algérie. Ce changement, consécutif à la fameuse crise diplomatique entre Rabat et Madrid  provoquée par l’affaire Brahim Ghali, marque un tournant  fondamental dans la relation entre les deux pays dont l’histoire, il faut le reconnaître, n’a pas toujours été un long fleuve tranquille en raison d’un ensemble de malentendus historiques. Autre temps, autre état d’esprit. Le climat politique est désormais à l’apaisement, inscrit sous le signe de la clarté, de la franchise et de la sincérité qui sont par ailleurs de moins en moins la marque de la relation franco-marocaine accusée d’ambivalence par le Royaume.

Une ambivalence accentuée récemment par le vote des eurodéputés macronistes en faveur de la résolution anti-marocaine adoptée par le Parlement de Strasbourg et que les élus du parti socialiste espagnol n’ont pas soutenue. Il est fort à parier que la France de Macron, de par ses paris  de moins en moins  pro-marocains, est en train de se faire supplanter dans le cœur des Marocains au profit de l’Espagne. A croire que la France, qui hier encore agissait en partenaire, voire en « avocat du Maroc » auprès de l’Union européenne, fait tout pour abandonner ce statut privilégié  à son rival économique dans le Royaume. «Il est dans notre intérêt de maintenir les meilleures relations avec le Maroc non seulement pour notre pays mais aussi pour l’Union 0européenne». Non, cette déclaration forte n’émane pas d’Emmanuel Macron.

Les deux royaumes séculaires, non seulement géographiquement proches mais liés aussi par des relations historiques profondes, ont beaucoup de choses à partager et à concrétiser en tant que partenaires et amis.

Elle a été faite le 25 janvier par  Pedro Sanchez devant les Cortes (le Parlement espagnol) tout en affirmant qu’il «défendra toujours la préservation de bonnes relations avec le Maroc». Force est de constater que le chef des socialistes espagnols Pedro Sanchez a fait montre, contrairement aux dirigeants français, d’une intelligence politique remarquable en faisant une lecture juste des nouvelles mutations géopolitiques sur fond d’une lutte de répartition des espaces d’influence entre grandes puissances. Inaugurées par la reconnaissance US de la souveraineté du Maroc sur son Sahara et confirmées par la guerre en Ukraine, ces bouleversements majeurs  des rapports de force à l’échelle internationale  sont en train d’accoucher d’un nouvel ordre mondial où la position géostratégique du Maroc a pris une nouvelle dimension. Du coup, la relation de bon  voisinage maroco-espagnol acquiert plus que jamais toute son importance tout en imposant un nouveau paradigme : La refondation du partenariat avec le Maroc dans un esprit win-win et sincère, avec l’objectif d’explorer de nouvelles opportunités dans les secteurs d’avenir, passe nécessairement  par une reconsidération de  la ligne officielle espagnole sur  le dossier du Sahara. Venant de l’ancien colonisateur du Sahara, ce changement a fortement déplu à l’Algesario qui l’a vécu comme un séisme politique ravageur.

En colère, Alger a rappelé  son ambassadeur à Madrid «pour consultations» et réduit ses livraisons de gaz à l’Espagne qui a diversifié ses sources d’approvisionnement pour ne pas subir le chantage du régime militaire algérien. Les deux royaumes séculaires, non seulement géographiquement proches mais liés aussi par des relations historiques profondes, ont beaucoup de choses à partager et à concrétiser en tant que partenaires et amis. Issus d’une même génération, réputés très amis, désireux de marquer leur époque, les deux monarques ont désormais les coudées franches pour écrire une nouvelle page dans les relations entre les deux pays.  Une page à la hauteur de la communauté de destin liant le Maroc et l’Espagne dont les populations gagneront à mieux se connaître pour transcender les préjugés et les stéréotypes qui empêchent parfois la compréhension mutuelle et partant une vraie coopération multiforme (tourisme, agriculture, industrie, énergies renouvelables, investissements productifs, éducation…) qui va au-delà des dossiers classiques liés à la lutte contre l’émigration clandestine, le terrorisme et les trafics en tous genre.  Cette connaissance réciproque, purgée des visions réductrices de part et d’autre, ne peut être portée  que par les élites des deux parties, intellectuels, politiques et militants associatifs, appelées à construire les ponts de l’entente et de la complicité. Un levier fondamental qu'il faut actionner pour accompagner et renforcer la concorde politique. A y regarder de plus près, l’Espagne et le Maroc ont beaucoup plus à partager et à développer ensemble pour peu qu’ils mettent bien à profit plus ce qui les rassemble, et ce qui les rassemble est beaucoup plus important que ce qui peut les diviser.

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