Pedro Sanchez et son épouse.

«J’ai décidé de continuer» à la tête du gouvernement, a affirmé lundi 29 avril sur un ton solennel Pedro Sanchez, au pouvoir depuis 2018...

«J’ai décidé de continuer» à la tête du gouvernement, a affirmé lundi 29 avril  sur un ton solennel Pedro Sanchez, au pouvoir depuis 2018, dans une allocution de neuf minutes prononcée sur le perron du palais de la Moncloa, siège officiel de la présidence du gouvernement espagnol.


Le Premier ministre espagnol met ainsi fin à un suspens de cinq jours en annonçant sa décision  de rester au pouvoir, malgré la «campagne de discrédit» dont il accuse l’opposition de droite d’être l’instigatrice. Une kabbale politique  qui atteint, selon lui,  son point d’orgue, avec l’ouverture d’une enquête judiciaire  à l’encontre de son épouse. L’affaire a éclaté au grand jour lorsqu’un tribunal madrilène  a  révélé l’ouverture d’une enquête préliminaire pour «trafic d’influence» et «corruption» contre sa femme Begoña Gómez. Niant lundi avoir agi de la sorte par «calcul politique», il a invité le pays à mener «une réflexion collective» sur la polarisation de la vie politique, afin d’empêcher «la désinformation de diriger le débat politique». «Ou nous disons «assez» ou la dégradation de la vie publique conditionnera notre avenir et nous condamnera comme pays», a-t-il ajouté. Pedro Sánchez avait suspendu depuis le 17 avril  toutes ses activités publiques, alors qu’il devait notamment lancer le lendemain la campagne des élections régionales du 12 mai en Catalogne. Scandant «Pedro, reste!», des milliers de sympathisants s’étaient rassemblés  samedi 27 avril  devant le siège du Parti socialiste à Madrid pour lui demander de ne pas quitter son poste.
L’enquête contre l’épouse de Pedro Sánchez, entourée du plus grand secret , a été ouverte à la suite d’une plainte de l’association initiée par  «Manos limpias» (Mains propres), un collectif proche de l’extrême droite. Elle porte en particulier, selon le média en ligne El Confidencial, sur de supposés liens   noués par Begoña Gómez avec le groupe Globalia, parrain de la fondation dans laquelle elle travaillait, au moment où Air Europa, compagnie aérienne appartenant à Globalia, négociait avec le gouvernement Sánchez l’obtention d’aides publiques. Cette compagnie a effectivement touché, en novembre 2020, 475 millions d’euros, issus d’un fonds de 10 milliards destiné à soutenir les entreprises stratégiques en difficulté à cause de la pandémie. Mais ces subventions ont bénéficié également à des  dizaines d’autres  compagnies aériennes concurrentes  comme, Iberia, Vueling ou  Volotea…

Frustration

Le parquet a demandé le classement de cette affaire visiblement sans consistance, tandis que Manos limpias a reconnu que sa plainte était uniquement basée sur des articles de presse. Mais le juge chargé du dossier n’a pas encore dévoilé ses intentions.
Pedro Sánchez veut voir dans cette plainte une nouvelle illustration d’une campagne de déstabilisation menée à son encontre par «une coalition d’intérêts de droite et d’extrême droite» qui «n’acceptent pas le verdict des urnes», avait-il écrit mercredi dans une longue lettre mise en ligne sur le réseau social X.
L’arrivée au pouvoir il y a six ans de Pedro Sanchez a été mal digérée par ses adversaires de la droite et l’extrême droite. Ces derniers  contestent sa légitimité politique pour avoir mobilisé l’extrême gauche et les partis basques et catalans dans le cadre d’une motion de censure contre son prédécesseur conservateur Mariano Rajoy, plombé par un scandale de corruption. Le jeune Leader socialiste a fait enrager davantage  ses rivaux en réussissant à se faire reconduire au gouvernement en novembre grâce au soutien des partis indépendantistes catalans en échange d’une loi d’amnistie pour les séparatistes impliqués dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017. La frustration du Parti Popular et de ses alliés d’extrême droite a du être  si grande que leur chef de file,  Alberto Núñez Feijóo, dont le parti est arrivé en tête des législatives du 23 juillet 2023, n’a pas réussi, faute d’une majorité viable,  à faire valider sa candidature par les députés.
Fin politique qui agit sur les événements au lieu de les subir, le président socialiste du gouvernement espagnol a définitivement gagné l’hostilité de ses adversaires politiques en opérant une alliance stratégique avec le Maroc qui a permis, à la faveur de la reconnaissance par Madrid du plan d’autonomie pour le Sahara marocain comme la seule option viable et crédible, de tourner la page des malentendus du passé.  Pedro Sanchez n’est pas seulement convaincu que les deux royaumes voisins et amis sont liés par une communauté de destin et qu’ils ont tout intérêt à renforcer  davantage leur coopération pour leurs intérêts mieux compris. Il est passé à l’action   en faisant preuve d’un courage politique exceptionnel pour donner corps à cette conviction validée de belle manière  par  la décision de la FIFA de confier l’organisation de la coupe du monde 2030 à l’Espagne, le Maroc et le Portugal. Au-delà de sa dimension sportive, cette candidature tripartite scelle concrètement le rapprochement entre l’Europe et l’Afrique, le nord et le sud de la Méditerranée et s’inscrit parfaitement dans  nouvelle géostratégie des alliances mondiales. Les chantres du passéisme, à l’œuvre en Espagne seront mieux inspirés de regarder leur voisinage avec d’autres lunettes.

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