Rwanda: Macron tourne la page d’une relation tumultueuse

Emmanuel Macron et Paul Kagame, 27 ans après le génocide © AFP / LUDOVIC MARIN.

Emmanuel Macron tente de rétablir les relations avec l’Afrique sur de novelles bases et de sauver la présence de son pays dans le continent.  La visite du président français au Rwanda, sa reconnaissance du rôle joué par la France dans le génocide rwandais, sa visite jeudi 27 mai au Mémorial du génocide de Kigali, témoignent de ses efforts pour trouver des relais et des partenaires commerciaux potentiels en Afrique. « La France a un rôle, une histoire et une responsabilité politique » dans ce pays africain, a-t-il déclaré. Ainsi, après près de trois décennies de récriminations sur le rôle de la France dans le génocide rwandais en 1994, les dirigeants de France et du Rwanda se sont tenus jeudi côte à côte dans la capitale rwandaise, Kigali, annonçant un nouveau chapitre dans leurs relations. Après avoir déposé une gerbe au Mémorial du génocide de Kigali et y observé une minute de silence, le président français a déclaré que son pays avait « le devoir de regarder l’histoire en face et de reconnaître sa part dans les souffrances qu’il a infligées au peuple rwandais ». Le président rwandais Paul Kagame a ensuite déclaré que la visite concernait « l’avenir, pas le passé ».

Cette visite historique de deux jours de Macron à ce pays a été le fruit d’un long et tortueux processus de réconciliation entre le Rwanda et la France, qui s’apparente à sa tentative la plus réussie de réaliser un objectif souvent déclaré de trouver des relais fiables et des partenaires commerciaux potentiels dans de nouvelles régions de l’Afrique. Ceci alors que des pays comme la Chine, la Russie et la Turquie et y pont presque pris racine, et s’y disputent déjà l’influence. Cette visite a également permis d’arriver à un résultat exceptionnel : une compréhension commune par une nation africaine et une ancienne puissance coloniale d’un crime historique – le génocide qui s’est soldé par la mort de 800 000 Tutsis. Une réalisation d’autant plus unique qu’elle intervient dans un temps où les statues de personnages de l’ère coloniale sont renversées dans les villes européennes et aussi aux Etats-Unis dans le sillage du mouvement « Black Black Lives Matter ». M. Macron qui est en campagne électorale pour un second mandat s’est fait ainsi le champion du réexamen des chapitres douloureux de l’histoire comme moyen de rétablir les relations avec les nations africaines. Il a trouvé en M. Kagame un partenaire disposé à prendre la main tendue.  

Contrairement à l’Espagne qui a perdu toute présence et influence dans l’Amérique latine (*), la France forte de sa réputation internationale, arrive bon an mal an à préserver une certaine influence dans ses anciennes colonies africaines, face à une Russie poutinienne qui étend sa présence dans les anciennes colonies françaises comme la République centrafricaine et Madagascar. La France estime que la Russie et la Turquie mènent des campagnes sur les médias sociaux pour attiser les sentiments anticolonialistes contre les intérêts français en Afrique. La Chine s’empare de plus d’intérêts commerciaux en Côte d’Ivoire, le joyau de l’ancien empire colonial français. Dans le cadre d’un double défi, la Chine a financé la construction d’un musée des civilisations noires de 30 millions de dollars au Sénégal, qui abritera des œuvres d’art africaines pillées par les puissances coloniales européennes et qui sont lentement restituées. La Chine a également ouvert sa première base militaire à l’étranger à Djibouti et a investi massivement dans les infrastructures du pays, notamment en modernisant les ports et en construisant une voie ferrée qui s’étend jusqu’en Éthiopie. En tout cas pour M. Kagame, le rapprochement avec Paris devrait attirer des investissements français et renforcer les liens avec d’autres pays francophones tout en renforçant la politique du Rwanda consistant à diversifier ses alliances, a a-t-il déclaré.

Mais plus que le triangle Pékin-Ankara-Moscou, c’est l’Islam djihadiste qui menace la présence de la France en Afrique. Une menace renforcée par le sentiment d’une population africaine jeune que la France mène une politique islamophobe au nom de la laïcité tout en lorgnant les richesses africaines. Le Mali, riche en ressources minière notamment l’or et l’uranium, est un exemple actuel et patent.

(*)Jean-Jacques Kourliandsky, L’érosion d’une influence : le cas des relations entre l’Espagne et l’Amérique latine, Revue internationale et stratégique 2015/2 (n° 98), pages 26 à 36.

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