Une équipe du Canard a rencontré le ministre de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts le lendemain de la fête du sacrifice…
Quelle impression gardez-vous de l’Aïd El Kebir version 2023 ?
Les prix brûlants des moutons associés à la chaleur caniculaire. L’effet aura été explosif surtout pour les pauvres. J’en transpire encore…
Sans que l’appétit vous en soit coupé?
Pas à ce point. Je suis un bon Marocain pour qui la viande ovine de l’Aïd est sacrée surtout boulfaf et les abats dont je raffole.
Mais les prix des bêtes étaient censés être abordables grâce à la subvention de 500 DH par tête de mouton que vous avez généreusement accordée aux importateurs pour faire venir au pays 1 million de béliers espagnols, roumains et polonais…
C’était l’objectif de départ consigné sur le papier pour réguler le marché des moutons et permettre aux Marocains surtout démunis de ne pas se faire saigner. Or, les prévisions du gouvernement se sont avérées totalement fausses au contact de la réalité complexe de notre pays pris en otage par les fameux chennaqas. Il est des pratiques qui ont la peau dure…
Donc, ce n’est pas votre faute, c’est la faute des chennaqas… Ce sont eux qui asphyxient le petit peuple ?
Absolument. Je les incrimine parce qu’ils sont des boucs-émissaires commodes qui forment en plus une entité anonyme et difficile à identifier. Donc haro sur ces bons à quelque chose !
1 million de têtes subventionnées ça fait quand même une sacrée somme, près d’un demi milliard de DH…
Non, ce n’est pas de l’argent perdu puisqu’il est tombé dans les poches de rentiers patriotes qui en important des ovins européens ont prouvé que le Maroc est un pays ouvert aussi sur les élevages des autres et qu’il encourage la migration animale nord-sud.
Je me permets de vous rappeler que vous avez inauguré cette politique novatrice avec l’importation de bovins du Brésil…
Oh les fameux bœufs dénigrés par la vox populi ! Belle et enrichissante initiative. Cette opération était inscrite dans le cadre de la coopération Sud-Sud qui a profité au pays de la Samba et de Lula. Elle a permis au passage d’engraisser certains éleveurs de notre très cher pays. Vous voyez, mon ministère se laisse traire sans même qu’on le caresse.
Avez-vous des projets similaires dans le pipe?
Je n’ai que ça ! A l’ère du changement climatique et de la flambée des aliments pour les animaux d’élevage, je pense qu’on sera bientôt contraint de lancer une opération d’envergure d’importation de la volaille de Chine et des États-Unis. Pourvu que le petit peuple ne continue pas à être déplumé…
Avez-vous une devise dans la vie?
Dans la vie, non. Mais comme ministre oui : on importe, donc je suis important.