CANETON FOUINEUR

Une affaire de falsification du PV de destitution du président du groupe parlementaire devant la justice

Abdellatif Ouahbi accusé de faux et usage de faux
Ahmed Zoubaïr
17/12/2020 1:27
Abdellatif Ouahbi de plus en plus décrié par les siens.

Accusé d’avoir accentué les divisions du parti, le secrétaire général du PAM est au centre d’une affaire judiciaire troublante...

Accusé d’avoir accentué les divisions du parti, le secrétaire général du PAM est au centre d’une affaire judiciaire troublante qui le met directement en cause. Pour un avocat, censé défendre la loi et le droit, cela fait désordre...

Abdellatif Ouahbi ne sait plus où il habite. De plus en plus contesté au sein du parti, donnant l’impression de ne pas être l’homme du renouveau et de la réconciliation espérés, le secrétaire général du PAM a du mal à rassurer y compris dans le camp de ses partisans. Élu en février 2019 à l’issue d’un congrès houleux, le candidat unique qu’il était  après le retrait du jeune Samir Belfkih a vite montré qu’il n’était pas porté sur la réconciliation et le rassemblement dont avait besoin cette formation pour panser ses plaies et dépasser ses divisions. Désormais, plus personne au sein du parti ne croit que le bouillonnant avocat, par ailleurs député de Taroudant, œuvre réellement pour tourner la page des fameuses dissensions internes qui avaient éclaté sous le mandat de son prédécesseur Hakim Benchemmach. La seule action à son actif concerne le changement dans des circonstances pour le moins troublantes du chef du groupe parlementaire : le député de Sidi Ifni, Mohamed Aboudrar et son remplacement par un député du nom de Rachid Abdi. Député de Salé-Médina, celui-ci a été chargé à titre provisoire de coordonner les travaux du groupe fort de 103 membres, en attendant la fin l’état d’urgence sanitaire et la possibilité de tenir une réunion du groupe pour élire un président.

La nouvelle a été annoncée dans un communiqué rendu public le 9 avril, soit en plein confinement général ( !). « Des agissements individuels inacceptables de Mohamed Aboudrar, liés à la gestion quotidienne et politique du groupe parlementaire Authenticité et Modernité au sein de la Chambre des représentants », lit-on dans ce document qui poursuit : « Après une large concertation avec les membres du Bureau politique de droit, nous, secrétaire général du parti, avons décidé de le démettre de ses fonctions ». Prendre une telle décision dans un contexte de crise sanitaire qui a mis tout le pays y compris l’activité des partis en mode pause a de quoi interpeller. L’avenir du PAM était-il à ce point suspendu au limogeage qui plus est brutal du chef de son groupe parlementaire ? Pas besoin d’être grand clerc pour deviner qu’il y a anguille sous roche.  L’enfermement imposé par le Covid-19 a visiblement fourni l’occasion idoine pour M. Ouahbi de se débarrasser de celui qui ne fait pas partie de son écurie, comptabilisé à tort ou à raison sur la clique de l’ancien secrétaire général et imposer son homme lige qui lui obéira au doigt et à l’œil. Sauf que la procédure de destitution n’est pas nickel chrome. Loin de là.  

Sombre histoire

A commencer par la manière dont l’éviction s’est déroulée. Celle-ci a été notifiée par une correspondance adressée au président du Parlement Habib El Malki. Mais depuis quand on démet de ses fonctions un chef de groupe parlementaire sur la base d’un simple courrier ? Juridiquement, l’affaire pose problème. Et puis, quelle valeur a une telle décision sachant que le Bureau politique tourne juste avec des membres ès qualités et cooptés, étant donné que le renouvellement de cette instance, censé intervenir dans la foulée du dernier congrès qui a adoubé M. Ouahbi patron du PAM, n’a toujours pas eu lieu ? Plus grave encore, le chef, tout à son désir de se débarrasser vite de M. Aboudrar, aurait tripatouillé les signatures de certains députés. Le pot aux roses a été découvert par l’exclu lui-même en prenant connaissance du PV portant les 82 signatures de ses collègues supposés avoir dit oui et signé à distance le document de sa mise à l’écart !  Comment a-t-il fait pour faire déplacer les signataires à Rabat alors que les déplacements interurbains, état d’urgence sanitaire oblige, étaient frappés d’interdit lors de cette période pendant laquelle seuls trois députés du PAM étaient autorisés à prendre part aux séances parlementaires ? En tout cas, de forts soupçons de falsification de signatures pèsent sérieusement sur cette procédure de destitution et son principal initiateur. L’affaire a été portée devant le tribunal administratif de Rabat par celui qui s’en estime la principale victime et il lui a donné raison le 11 novembre dernier en annulant la décision de son éviction. Le dossier est accablant pour Abdellatif Ouahbi. Les éléments à charge comptent principalement des témoignages certifiés par huissiers de justice d’un groupe de 11 députés qui dénoncent les signatures qui leur sont attribuées dans le PV utilisé pour destituer Mohamed Aboudrar. Largement suffisant pour que ce dernier saisisse dans une citation directe le juge d’instruction près du tribunal pour faux et usage de faux dont seraient coupables le secrétaire général et son nouveau chef de groupe…    

Pour un juriste, avocat de profession, censé défendre la loi et le droit, il s’agit d’un vrai scandale si la justice confirme la falsification… «Je suis tombé des nues en apprenant que M. Ouahbi est accusé d’avoir fait falsifier le PV de destitution de M.  Aboudrar. », commente un élu communal PAM qui a requis l’anonymat. Un avocat qui plus est fort en gueule et réputé procédurier ne devait pas faire ça. Cette réaction résume l’état d’esprit général dans les rangs des militants qui dénoncent tous un vide organisationnel doublé d’une crise existentielle qui mine leur parti. En attendant l’issue judiciaire de cette sombre histoire, le tracteur semble avoir perdu le sens de l’orientation. Une situation aggravée par les multiples sortis de route de son secrétaire général qui semble ne se préoccuper que de son destin politique qu’il n’envisage qu’avec la bénédiction du PJD.  « La seule ambition qui l’anime c’est devenir ministre de la Justice dans le prochain gouvernement qu’il croit dur comme fer sera de nouveau dirigé par les islamistes», croit savoir un député. Un avis largement partagé jusque dans le carré de ses proches qui trouvent que leur chef est lisible et prévisible.

Gestion chaotique

« Chez lui, il n’y a pas d’arrière-pensées, que des pensées et des intentions claires.  Si le fait de nourrir l’ambition de sortir de l’opposition est un péché politique, M. Ouahbi est fautif. », estime un proche. « Le défaut de M. Ouahbi c’est qu’il est clair et joue cartes sur table», renchérit un autre thuriféraire. Rien de mal à vouloir intégrer le pouvoir, sauf que l’obsession chez M. Ouahbi est telle s’est aplati devant les islamistes,  poussant la servilité jusqu’à accepter d’accéder à leur demande de voir le PAM leur présenter ses excuses pour les années de guerre qui leur ont été déclarées sous le mandat de Ilyas El Omari. Un préalable posé par les ténors islamistes à toute réconciliation avec le parti du tracteur, pouvant ouvrir la voie à une alliance préélectorale que M. Ouahbi appelle de ses vœux. Abdellatif Ouahbi est mûr pour vivre une grande idylle avec les islamistes dont il mène volontiers, histoire d’entrer enfin dans leurs bonnes grâces, une guerre par procuration contre le RNI et l’USFP. C’est connu, l’amour fou peut faire commettre à son homme l’impossible, voire l’impensable… Pendant ce temps, le PAM part en quenouille à cause de la gestion chaotique des affaires du parti. Mécontents de l’orientation jugée contre-nature, prise par leur formation avec l’arrivée de Abdellatif Ouahbi à sa tête, dégoûtés par l’esprit de vengeance qui anime ce dernier et son équipe contre leurs opposants et les proches de l’ex-secrétaire général, nombre de militants ont démissionné alors que des bataillons d’élus communaux et de députés ont déjà décidé de quitter ce qu’ils estiment être un bateau ivre. Le PAM, qui n’a plus d’avenir selon les observateurs politiques avisés depuis qu’il a perdu ses vrais soutiens, n’en finit pas d’être paumé…

Un parti verrouillé

Le PAM s’est offert à son tour son mouvement de redressement. Baptisé « Lamahida », il milite ouvertement pour le changement, et ses actions se sont traduites par une série de protestations organisées dans différentes régions du pays. Cette dynamique a accouché d’un manifeste signé par quelque 1 700 militants qui réclament la tenue de la session du Conseil national et la publication de la liste ses membres. C’est que M. Ouahbi et ses partisans sont soupçonnés d’en avoir fait une machine à leur service par le jeu de l’augmentation de ses membres acquis à la direction actuelle. Vieille technique, le parachutage permet de faire voter toutes les décisions préposées par le secrétariat général et partant de verrouiller le parti. Le PAM devient ainsi la chose de Ouahbi et compagnie. Demandez l’authenticité et la modernité !

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