CANETON FOUINEUR

Dépendance des finances publiques des recettes fiscales générées par les fumeurs

Faut-il désintoxiquer l’État?
Jamil Manar
Les fumeurs au Maroc sont estimés à 6 près de 6 millions .

Censée aboutir à une réduction du phénomène du tabagisme au Maroc, la forte taxation des industriels du tabac n’a comme effet concret...

Censée aboutir à une réduction du phénomène du tabagisme au Maroc,  la forte taxation des industriels du tabac n’a comme effet  concret que de renflouer  les caisses de l’État avec l’argent des fumeurs. Éthiquement  délicat.

Les différentes activités à fort potentiel addictif  sont néfastes pour la santé mais rapportent gros aux caisses de l’État. Ainsi des produits licites comme  la cigarette qui continue à elle seule  de  doper les recettes fiscales au-delà des prévisions, 11,8 milliards de DH en 2022 !  Dans  son projet de loi de finances de l’année 2023, le gouvernement, encore plus optimiste, table sur plus de 14 milliards de DH au titre des taxes pour les tabacs manufacturés, les boissons alcoolisées et les bières. Il y a de quoi  s’alarmer devant cette hausse continue de  la fiscalité  générée par la communauté des fumeurs et des buveurs qui en dit long sur la recrudescence de  la consommation de ces deux produits  dont les dégâts sont énormes notamment en termes de coût sanitaire…

Mais les pouvoirs publics ne semblent pas s’en émouvoir alors que ces prélèvements  fiscaux faramineux se font en quelque sorte au détriment de la santé du consommateur. A caractère éthique,  le problème se pose principalement pour la cigarette dont les effets ravageurs sur la santé (cancer des poumons notamment) sont connus. Dans de nombreux pays, la décision de taxer le tabac relève d’une obligation morale dont l’effet escompté est de  pousser les fumeurs à  renoncer à la cigarette ou en réduire du moins la consommation. Tel n'est pas le cas puisque le tabagisme ne fait qu’augmenter au fil des ans et avec lui les recettes fiscales. Ce qui montre clairement l’absence réel d’un lien de causalité entre la taxation de plus en plus forte  de la cigarette et la réduction du tabagisme. Autrement dit, les hausses des taxes répétées  imposées aux industriels du tabac qui les répercutent sur leurs clients dépendants ne sont pas le levier le plus efficace pour lutter efficacement contre le phénomène du tabagisme.

Interdiction de fumer

L’obligation faite aux industriels du tabac d’imprimer des avertissements du genre « Fumer tue » sur les paquets de cigarettes n’a pas  non plus montré son utilité. Être averti  des dangers de la cigarette n’est pas suffisant pour arrêter de fumer mais permet aux pouvoirs publics de se donner  bonne conscience sans aucune obligation de résultat. En cause, la nicotine, cette substance puissante, un véritable poison, qui provoque la dépendance et s'installe au cerveau après chaque bouffée de cigarette. C’est elle qui annule l’effet des diverses mesures anti-tabac comme l’interdiction de la publicité sur la cigarette, la hausse continue des taxes  sur le tabac ou les mises en garde sur les emballages de  la cigarette. Pour preuve,  quelque  6 millions de Marocains sur quelque 40 millions d’habitants  fument dont 5,4 millions d’adultes et un demi-million de mineurs de moins de 18 ans. Ce qui en fait,  avec plus de 15 milliards de cigarettes par an, l'un des plus grands consommateurs de tabac dans la zone méditerranéenne. Mais le gouvernement marocain  se contente d’engranger bon an mal an ce qui ressemble à une rente fiscale en hausse perpétuelle. Une hausse qui continue à être absorbée par une population accro au tabac devant une absence  de dispositifs  de prévention et de sensibilisation sur les dangers de la cigarette.  Le gouvernement n'intervient même pas pour lutter contre le tabagisme passif en faisant respecter l’interdiction de fumer dans les lieux publics qui a fait l’objet d’une loi votée en 1991.  A ce jour, les non-fumeurs attendent toujours les décrets d’application…

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a sorti en janvier 2022 un excellent rapport sur le  phénomène des addictions au Maroc où il a  tiré, chiffres à l’appui, la sonnette d’alarme sur l’absence de leur prise en charge par les organismes de protection sociale en tant que maladies, alors qu’elles sont considérées  comme telles par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et à ce titre éligibles aux soins.

Dans ses conclusions, le rapport, réalisé dans le cadre d’une auto-saisine, relève également que les biens et services licites à fort potentiel addictif représentent un volume d’affaire de l’ordre de 3% du PIB (plus de 30 milliards de DH) et pèsent de plus de 9% dans les recettes fiscales de l’État. Le document recommande  ainsi qu’une partie de ces revenus soit affectée à la prévention et aux soins contre les troubles addictifs.  Chez les décideurs politiques, ces propositions n’ont pas fait un tabac. w


Épidémie industrielle

«L’addiction au tabac est un phénomène massif au Maroc. Selon les informations fournies par le site de la Fondation Lalla Salma, plus d’un homme sur trois (31,5%) et 3,3% des femmes sont fumeurs. De plus, 41% de la population est exposée au tabagisme passif. Ces chiffres confirmés par le ministère de la Santé en 2018 ont été revues à la baisse au niveau de « l’enquête nationale sur les facteurs de risques communs des maladies non transmissibles (Ministère de la Santé 2017-2018) publiée en 2020. Selon les résultats de cette dernière enquête, la prévalence du tabagisme au Maroc est de 13,4% chez les adultes de plus de 18 ans, dont 26,90% chez les hommes et 0,4% chez les femmes. L’exposition au tabagisme passif dans les lieux publics et professionnels est quant à elle estimé à 35,6% »

Extrait du rapport du CESE

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