Un banal fait divers qui prend une autre tournure…

Un banal fait divers, qui ne mérite vraiment même pas d’être considéré comme tel, peut vraiment en dire très long sur les positions...

Un banal fait divers, qui ne mérite vraiment même pas d’être considéré comme tel, peut vraiment en dire très long sur les positions d’un pays en entier concernant quelque chose de particulier. Ainsi en est-il du traitement fait d’un insignifiant conflit opposant un boucher musulman à un client juif, tous deux Marocains.

Imaginez deux personnes en froid, ici au Maroc, à cause d’une petite dette, l’une insulte l’autre puis la blesse très légèrement, une égratignure, au dos. Y a-t-il des chances, selon vous, pour que cette affaire arrive aux mains de la police qui irait jusqu’à placer l’assaillant en garde à vue, pour une petite égratignure ? Aucune, n’est-ce pas ?! Y a-t-il des chances pour que la police émette un communiqué de presse pour expliquer les tenants et les aboutissants de l’affaire ?!  Mieux encore, y a-t-il des chances pour que la presse s’en mêle et relaye l’info, à travers divers médias ? Impossible, nul doute en cela, nous sommes bien d’accord ? Et pourtant c’est ce qui est arrivé à Beni Mellal.

Toute une histoire !

Ce samedi 21 octobre à midi, la Police Judiciaire de la ville a ouvert une enquête, sous la direction du parquet compétent (un samedi !), en vue de déterminer les tenants et aboutissants de l’agression verbale doublée de violence occasionnée par un boucher de 64 ans sur un de nos concitoyens de confession juive. Une source sécuritaire a même expliqué les que les informations disponibles à ce stade de l'enquête révèlent   que le suspect, qui se prétendait créancier d'une petite somme d'argent auprès de la victime, lui a fait subir des violences verbales, devant sa boucherie, avant de le blesser légèrement au niveau du dos. La victime a 69 ans alors que son agresseur en a 64. En somme, deux « jeunes vieillards » qui se sont chamaillés à cause d’une vieille dette. Et qui, donc, se connaissent depuis très longtemps, jusqu’à pouvoir prendre et donner de la viande à crédit. Ce n’est quand même pas une nécessité alimentaire…

Et ça ne s’arrête pas là ! Les éléments de la police seraient immédiatement intervenus pour neutraliser ce petit vieux musulman de boucher. Et auraient trouvé en sa possession une ordonnance médicale mentionnant des soins médicamenteux psychiatriques, prouvant… euh… ce que ça prouve. Mais ce sont tous ces éléments, et bien d’autres, que l’on retrouve relayés par les médias. Par exemple, pour les besoins de l’enquête, l'intéressé a été placé en garde à vue dans le cadre des investigations ordonnées par le parquet compétent, afin de connaître le contexte et les circonstances de l’agression. Pour la première fois de sa vie, le boucher est mis sur le gril pour une prise de bec qui a un peu mal tourné…

Alors qu’on ne parle, en fait, que de deux petits vieux de deux religions différentes qui se sont étripés, à cause d’une dette remontant à Mathusalem… Alors qu’en Palestine, plus de 5000 morts, dont des enfants, des bébés des femmes, et des vieillards, meurent depuis le 8 octobre sous les bombardements israéliens dans l’indifférence occidentale. Côté média ! On ne parle toujours que des pertes juives et on verse des larmes que pour les victimes de l’attaque de Hamas…

Citoyens lambda

Le tribunal de Première Instance de Beni Mellal a décidé, lors d’une audience lundi 23 octobre de reporter l'examen du cas de ce boucher à une nouvelle séance, prévue le mardi 30 courant, afin de pouvoir convoquer les témoins qui ont assisté à la scène.  L'accusé est poursuivi par le ministère public devant le même tribunal, en état d'arrestation, pour avoir battu, blessé et insulté la victime. Ce sont des dizaines et des dizaines d’articles qui traitent de ce sujet, et chaque média suit l’affaire de très près, se sentant en devoir d’informer le public de chaque nouvelle info, chaque nouvelle broutille, concernant ce petit fait divers opposant deux citoyens lambda qui prend des proportions extrêmement extravagantes (bien que respectant les lois et les procédures) alors que le Maroc  produit tous les jours des bagarres avec coups et blessures en bien plus grave. Sans que cela mobilise l'attention de la presse. Tout se passe comme si on voulait ériger ce pauvre boucher un exemple, alors même qu’il suit un traitement psychiatrique pouvant justifier ce que ça peut justifier.

Un exemple pour cette leçon : il ne saurait être question, au Maroc, de la moindre offense envers les juifs. C’est comme si le simple fait d’être de confession israélite offrait aux gens, ici au Maroc, une surprotection. Une protection dont ne disposent peut-être même pas, dans les faits, les Marocains musulmans (à part peut-être les riches et les célébrités). N’oublions pas qu’on ne parle que d’une égratignure, d’une petite dette, et de deux petits vieux un peu tendus et pour le moins grognons. Israéliens, nulle crainte à avoir pour vos coreligionnaires, vos frères, et les nôtres, chez nous et chez eux ! (Tous les juifs sont les bienvenus, Marocains ou non, et vous le savez) ! Toute hostilité, la moindre égratignure, est tuée dans l’œuf, dans un excès de zèle qui tourne au burlesque. Espérons que le mis en cause a assez de tripes pour s’en tirer sans égratignures…

Contradictions...

De grâce, ne faites pas baver le vendeur de bavettes. Relâchez notre boucher musulman ! Il est déjà malade et est suivi par un médecin. C’est bon, tout le monde a capté le message. Il ne s'agit que d’une histoire supposée se terminer par des excuses et des acceptations d’excuses, ou par une inimitié plus ou moins tenace mais silencieuse, hors quelques grognements ponctuels et de petites insultes marmonnées entre les dents. Ce jusqu’au-boutisme dont font preuve les autorités est franchement pathétique et limite dangereux (pour le boucher, surtout) ! Ou alors que les tribunaux, les commissariats et les prisons s’emplissent de gens ayant égratigné et insulté d’autres gens. C’est comme-ci, ou comme ça… Deux poids, deux mesures, on n’en veut ni en Palestine ni ici au Maroc ! Et de la politique sécuritaire dans les tribunaux ?! Cela ne devrait-il pas être de l’histoire ancienne depuis l’indépendance du pouvoir judiciaire ? D’un côté, le gouvernement fait alimenter un débat gargantuesque au sujet de la nécessité des peines alternatives pour désengorger les prisons et de l’autre, les autorités  interpellent et envoient en prison  un petit vieux, suivi par un psychiatre, pour avoir insulté et égratigné un autre petit vieux, à cause d’une dette ridicule et vieille qui concerne peut-être 15 dirhams de kefta ou de rognons ? Ça aurait été risible si ça n’avait pas été pas drôle du tout… A.A

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