CANETON FOUINEUR

La classe politique dans une course forcée aux procès pour prévarication

Qui va s’imposer en tête du classement judiciaire?
Laïla Lamrani
14/2/2024 23:39

La tornade assainissante est en marche. Après avoir longtemps navigué en eaux troubles, la politique-micmacs est tombée dans les filets...

La tornade assainissante est en marche. Après avoir longtemps navigué en eaux troubles, la politique-micmacs est tombée dans les filets de la justice.

Le secrétaire général du Mouvement populaire (MP) Mohamed Ouzzine ne doit  pas être  content. Non pas que l’ex-secrétaire général Mohand Laenser  ne le lâche pas d’une semelle, continuant à assister à toutes les réunions du parti comme s’il était toujours le vrai patron. Mais parce qu’il estime que son parti est victime d’un favoritisme politique flagrant puisque seul un membre du MP a été  jusqu’ici arrêté, en l’occurrence l’ex-ministre-député Mohamed Moubdie, en détention préventive à Oukacha depuis avril 2023  pour malversations communales à FBS (Fkih Ben Saleh).
Le bel Ouzzine est surtout jaloux du Parti Authenticité et Modernité (PAM) dont deux de ses figures, Saïd Naciri et Abdenbi Bioui, ont été cravatés en même temps. Et pas pour n’importe quel trafic. Mais pour  trafic de drogue! Ces  narcotrafiquants supposés, intermittents de la politique qui leur servait juste de façade ou d’armure  , sont  déjà entrés dans l’histoire. Pour n’être pas tombé pour des broutilles, cette monnaie  courante dans le paysage électif  national:  chouraver l’argent public via divers artifices. Dirigé désormais à l’issue de son dernier congrès  par un trio cornaqué par la ministre Fatima-Zahra Mansouri (un choix visionnaire dicté par le souci que que l’un des trois garde la boutique si d’aventure deux sont arrêtés, disent les langues blagueuses),  le PAM est à égalité avec son partenaire du gouvernement , le RNI qui a envoyé  à l’ombre  deux députés déjà condamnés , avant même la chute des barons pamistes :  Rachid El Fayek de Fès  qui a écopé en juillet 2023 d’une double  peine de 5 ans ferme  pour viol sur une mineure en situation de handicap (mental) et infractions au code d’urbanisme et Mohamed El Hidaoui, président de l’Olympique de Safi et député de la ville qui en a pris pour 18 mois dans le cadre  de son inculpation pour trafic  des billets du mondial du Qatar. Le PAM et le RNI sont égaux donc devant la justice  même si le PAM, il faut le reconnaître,   a surpris plus d’un  en mettant plus haut la barre de la forfaiture avec cette histoire de drogue dure. Dur, dur sera la chute.

Palmarès judiciaire

Les trafiquants de notre cher cannabis de Ketama, classé drogue douce et sympathique, qui fait planer sans rendre maboul,  upgradé depuis peu plante médicinal  par les autorités marocaines,  doivent se sentir trahis. On les a roulés dans le joint, comme dirait l’autre, en privilégiant le business des produits made in Colombie. Et la préférence nationale, bon sang !
Reste à savoir  ce qu’en pense  un certain Ilyas El Omari, qui a eu le culot d’organiser  en 2016 du temps de sa toute-puissance politique un colloque international sur  le cannabis dont il est un fervent défenseur ? Maintenant qu'il s'est reconverti dans le journalisme à Tanger après son retour de l'exil chinois, l'ex-patron du PAM est capable, du haut de son expertise précieuse, de se lancer dans une nouvelle entreprise hallucinante. Quant à l’Istiqlal, composante tout aussi essentielle de la majorité, il n’a été gratifié pour le moment  que de la garde-à-vue pour son député-maire de Bouznika, déchu de  ses deux mandats électifs, le  gentleman M’Hamed Karimine, sur le grill pour des histoires opaques de subventions de bovins et entorses  aux règles  de l’urbanisme. En proie à l'angoisse des assoiffés des bonnes nouvelles, le leader de l'Istiqlal Nizar Baraka n'a que deux immenses voeux:  que la liste des prévaricateurs istiqlaliens ne s'allonge pas à souhait  et que le ciel soit plus généreux qu'il ne l'était pour que son bilan  ministériel ne ressemble pas à une feuille sèche.
Croisons les doigts!
Mais le palmarès judiciaire  des uns et des autres n’est  pas figé, appelé à changer au gré des interpellations des élus qui  continuent d’ailleurs de plus belle dans les rangs de cette classe politique nourrie à la prévarication qui a perdu brutalement ses parapluies. Hier encore  sacrément fort, voire puissant, le sentiment d’impunité  s’en est trouvé aplati comme un vieux pneu crible de crevaisons. Les vents ont tourné, les chemins du banditisme politique mènent désormais  à Oukacha.
Côté opposition, l’Union Constitutionnelle (UC) reste indubitablement  la boutique partisane la plus titrée avec une brochette de parlementaires incarcérés dans diverses affaires allant de l’escroquerie, aux détournements de fonds  en passant par la concussion et les atteintes aux mœurs. Le plus illustre et de loin le plus  ingénieux, toutes catégories partisanes confondues, étant sans conteste  le député de Settat Babour Sghir. Génie en matière d’escroqueries aux chèques sans provision, aux crédits bancaires et bien d’autres magouilles savamment montées et nul en politique dont il n’apprécie à sa juste valeur  que l’impunité qu’il croyait  garantie ad vitam aeternam, ce drôle de loustic  a  entraîné dans sa chute un gros bonnet de BMCE Bank,  le flamboyant  M’Fadel El Halaissi.
Celui-ci est accusé de complicité dans une opération d’extorsions de fonds, d’un montant  quelque 300 millions de DH sous forme de prêts  et facilités de caisse, mitonnée par cet as de la truanderie financière déjà condamné en mars 2022 dans un autre dossier  d’arnaque pour 5 ans de de prison ferme.
La tornade assainissante est en marche. Après avoir longtemps navigué en eaux troubles, la politique-micmacs est tombée dans les filets de la justice.  
A force de se propager et de se fortifier à l’ombre des protections et autres connivences, la pourriture politique a fini par remonter à la surface. Plus possible de la mettre sous le tapis. Ni de passer entre les mailles du filet.

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